Tribune

Arrêtez de raser gratis !

Juin 2024. La France de nouveau sous le coup d'une procédure pour déficit excessif. Avec un risque d'amende jusqu'à 5 milliards d'euros. Et pour cette année, déjà 92 milliards de déficit budgétaire fin avril… Et l'année est loin d'être finie. Si nous continuons comme cela, nous allons droit vers une crise de la dette. Entre 2017 et 2023, la France a accumulé 840 milliards de dette en plus. Certes, un peu moins de 300 milliards viennent de la crise sanitaire et de ses suites. Mais plus de 400 milliards de dette ne doivent rien à la crise. Eu égard à la situation de nos finances publiques, le débat public actuel devrait bruisser des économies à dégager et non de propositions de dépenses supplémentaires.

Cette tribune a été publiée dans les pages des Echos, le 20 juin 2024.

Nos syndicats devraient même défiler dans les rues pour demander des économies car, sans elles, notre soi-disant modèle social n'est absolument plus finançable… Au lieu de cela, on a l'impression de repartir dans des concours de pères Noël qui rasent tous gratis. Dissoudre alors que Matignon et Bercy cherchent à faire des économies, à quelques semaines des Jeux de Paris, pose un problème de timing. La crédibilité de la France sur les marchés va, quoi qu'il arrive, pâtir de cette folle séquence.

Totalement hors-sol

Voyons les éléments que nous avons : le Front populaire propose plus de 230 milliards de dépenses supplémentaires par an et creuserait le déficit de plus de 190 milliards d'euros… Un programme qui nous emmènerait droit dans le mur avec en plus un côté repoussoir pour les entrepreneurs et les investisseurs entre la fin de la flat tax, le retour de l'exit tax, la CSG progressive, l'ISF climatique et le barème d'un nouvel Impôt sur le revenu à 14 tranches. Quand on ajoute à cela la retraite à 60 ans qui coûterait, en 2027, 68 milliards d'euros, on est totalement hors-sol.

Du côté du RN, il semble que la prise de conscience sur la véritable situation des finances publiques du pays fasse un chemin tardif. Le RN créerait 8 milliards de déficit en plus par an si on chiffre son programme actuel…

On comprend entre les lignes que la réforme sur les carrières longues pour ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans se ferait a minima et que l'annulation de la réforme de 2023 ne se ferait que si l'audit des comptes publics en démontrait la faisabilité : hors c'est impossible. Bref, on voit bien que le RN recule sur tout sauf la baisse de TVA sur les produits énergétiques considérée comme une mesure d'urgence.

Quant au programme de l'actuelle majorité relative, il est en version ultra-light. A peine une dizaine de mesures. On reste sur sa faim quand on sait que 30 milliards d'économies s'imposent en 2025 pour ne pas déraper au-delà de 4 % de déficit. Il serait de bon augure de dire, pour une fois, la vérité aux Français sur l'urgence de faire des économies. Pourquoi le Premier ministre ne l'assume-t-il pas en responsabilité comme il est désormais coutume de dire ?

Dans le programme de Gabriel Attal, on devrait logiquement trouver les économies sur les dépenses d'arrêt maladie, sur les aides sociales, sur les transports sanitaires ou sur les jours maladie et enfants malades des agents publics. Mais aussi sur les retraites et les rémunérations publiques.

Le Premier ministre a annoncé une règle d'or pour ne pas augmenter les prélèvements obligatoires, où est la règle d'or pour baisser les dépenses ? Ceux-là mêmes qui accusent leurs adversaires de risquer de faire exploser la dette n'ont pas hésité à nous endetter de 416 milliards de plus que la moyenne européenne depuis 2017. C'est le moment de faire son aggiornamento sur les finances publiques.

Nul ne sait quelle équipe gouvernementale, quelle majorité, va se retrouver aux commandes de la France après le 7 juillet mais ce gouvernement aura une tâche immense devant lui. Une certitude, il ne pourra pas raser gratis.