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2022, l’année record des prélèvements obligatoires depuis trente ans!

À force d’entendre l’exécutif assurer, depuis la première élection d’Emmanuel Macron en 2017, qu’il baisse les impôts, ou tout au moins qu’il ne les augmentera pas, on pourrait croire que nous payons de moins en moins d’impôts et de cotisations sociales. Mais il n’en est rien. Pire, c’est tout le contraire qui se passe.

Cette tribune a été publiée dans les pages du Figaro, le mardi 18 octobre 2022. 

Les derniers chiffres publiés dans le rapport économique, social et financier (RESF), dans le cadre de la discussion du budget 2023 sont édifiants : nous n’avons, proportionnellement à la richesse nationale de la France, jamais payé autant de prélèvements obligatoires depuis les années 1990. En 2022, 45,2 % de notre richesse nationale sont prélevés en impôts, taxes et cotisations (cela hors crédits d’impôt et hors cotisations sociales imputées, c’est-à-dire les cotisations employeur pour les retraites des agents publics).

Ce taux nous place en champion d’Europe de la pression fiscale. Même pendant le quinquennat de François Hollande, la France ne payait pas autant d’impôts, taxes et cotisations sociales - de 2012 à 2016, selon les chiffres du RESF, le taux de prélèvements obligatoires est toujours resté sous la barre des 45 %.

Même en 2017, déjà une année de pic de prélèvements obligatoires, nous n’avions pas atteint de tels niveaux puisque nous étions à 45,1 % par rapport à la richesse nationale. Et, à ce moment-là, le président nouvellement élu s’engageait à baisser le taux de prélèvements obligatoires de la France de 1 point. Une baisse effectivement réalisée mais bientôt annulée… et dépassée ! Entre 2021 et 2022, les recettes fiscales et sociales ont augmenté de 86,4 milliards : c’est 60 milliards de plus que ce qui avait été voté initialement pour l’ensemble des administrations publiques. En volume (c’est-à-dire hors inflation), la hausse est de 0,9 point, soit 25 milliards de plus.

Dès lors, comment se fait-il que les annonces de baisses d’impôts s’enchaînent tandis que nos prélèvements sont en réalité toujours plus hauts ? L’inflation y est pour beaucoup car si les prix montent, les recettes des administrations publiques liées à la hausse des prix montent aussi. On peut estimer les recettes publiques supplémentaires liées mécaniquement à l’inflation à environ 62 milliards. Et comme la croissance du PIB est moindre que prévu, cela a un effet encore plus fort sur le taux de prélèvements obligatoires.

Qui bénéficie de ces nouvelles recettes ? C’est la Sécurité sociale qui récupère le plus avec 45 milliards d’euros supplémentaires, l’État venant derrière avec 34 milliards, puis les collectivités locales avec 8 milliards.

Quels prélèvements obligatoires ont le plus augmenté ? Voici les données dont on dispose. S’agissant des cotisations sociales, les recettes ont bénéficié de l’augmentation des salaires puisque rien qu’au premier semestre 2022, la masse salariale a augmenté de 11 %. Chaque fois que les salaires augmentent avec les négociations liées à l’inflation, les cotisations sociales rentrent à plein. Et la CSG aussi avec 7 milliards de recettes en plus en 2022 (tous organismes confondus - y compris Unédic).

Un autre effet doit aussi être pris en compte : les reports de charges de 2021 payées en 2022 pour 13,4 milliards d'euros selon le Directeur général de l'URSSAF. Du côté de l’impôt sur les sociétés, les recettes en plus s’élèvent à 12,7 milliards. Et, du côté de l’impôt sur le revenu, de 8 milliards en plus. La plus grosse augmentation pèse, sans surprise, sur la TVA (18 milliards supplémentaires) que l’on doit à l’augmentation des prix. Pour la première fois en 2022, les recettes totales de TVA dépassent les 200 milliards d’euros.

Il faut ajouter 9 milliards d’euros de gain sur les charges de service public de l’énergie (SPE) - schématiquement, ce que l’État compte récupérer des opérateurs d’énergie en plafonnant leurs tarifs - qui sont comptés en recettes fiscales d’une façon un peu discrétionnaire alors qu’ils auraient pu être comptés en recettes non fiscales.

Il y a certes des baisses d’impôts en 2022 mais elles ne suffisent pas à compenser l’envolée des recettes: ce ne sont pas la baisse de la taxe d’habitation pour 2,8 milliards ou la suppression de la redevance télé pour 3,2 milliards qui pourraient faire le pendant de 86 milliards d’augmentation des recettes fiscales et sociales !

Nos prélèvements obligatoires explosent en passant de 1107,7 milliards en 2021 à 1194 milliards en 2022. La situation est d’autant plus désolante que le gouvernement aurait pu limiter, cette année, la surtaxation des Français et de leurs entreprises. Il était possible et juste de revoir le barème de l’impôt sur le revenu en se fondant sur l’inflation réelle (autour de 7 % à l’Indice des prix à la consommation harmonisé de novembre à novembre) et non de 1,5 % comme il a été décidé. Malheureusement, cette prise en compte n’interviendra qu’en 2023 et sur la base d’une inflation annuelle estimée (IPC) à 5,3 % seulement. Le prélèvement à la source devrait avoir pour contrepartie que le taux d’inflation de l’année soit appliqué et non celui de l’année d’avant. C’est techniquement possible : 3 milliards à 5 milliards d’impôt sur le revenu auraient ainsi pu être rendus aux Français, dès cette année, si le barème avait pris en compte l’inflation de façon équitable.

Mais il demeure trop tentant pour l’exécutif d’encaisser les recettes supplémentaires et de les dépenser en faisant des chèques énergie, des chèques de rentrée scolaire, etc. plutôt que de baisser les impôts. Et cela risque de durer. On comprend dans le budget 2023 que Bercy va revaloriser les bases cadastrales et donc les taxes foncières des ménages et des entreprises de 7 % tout en plafonnant les loyers à +3,5%.

La France n’en a pas fini avec les records de fiscalité. Les factures d’impôts vont continuer à s’envoler. Attention, rappelons-nous : suite au pic des prélèvements obligatoires à 45,1 % atteint en 2017, un « ras-le-bol fiscal » s’est fait sentir en octobre 2018. Il y a tout lieu de croire qu’aujourd’hui, avec encore plus de pression fiscale et l’inflation que l’on connaît, un nouveau « ras-le-bol fiscal » n’est pas si loin.