2007-2017 : Ce que la France ne doit pas revivre
La décennie 2007-2017 restera une décennie manquée pour les réformes structurelles. Nos partenaires européens, eux, ont réussi, après la crise de 2008 et ses ondes de choc, à faire repartir leurs économies. En France, au contraire, malgré deux quinquennats successifs très différents sur le papier, les écarts ne sont pas saisissants dans les faits : un taux de dépenses publiques jamais atteint ; une dette passée de 1 253 à plus de 2 200 milliards (600 milliards supplémentaires ont été dus à Sarkozy, et 350 milliards à Hollande) ; enfin, 1,7 million de demandeurs d’emploi toutes catégories confondues de plus sous Sarkozy et 1,2 million de plus sous Hollande pour s’en tenir à la période écoulée jusqu’en décembre 2016.
En 10 ans, la fiscalité a augmenté de 2,4 % du PIB, le poids des dépenses publiques de 3,8 % et la dette de 31,6 %. Le taux de chômage a augmenté de 2,1 % et se stabilise à peine alors que le nombre de créations d’entreprises employeuses dès la première année a été divisé par deux (42 824 en 2007, 24 154 en 2017).
Le recours aux emplois aidés est une astuce pour camoufler les mauvais chiffres du chômage : aussi bien sous Sarkozy que sous Hollande, ces emplois aidés ont été largement utilisés. L’année 2009 marque un pic de plus de 100 000 contrats aidés signés sur l’année. Pendant le quinquennat de Hollande, 181 000 contrats aidés sont signés entre 2012 et 2015.
Autre truc utilisé par nos gouvernants : faire passer une partie des demandeurs d’emploi de la très visible catégorie A (celle qui est citée partout) dans les catégories D et E, c’est-à-dire vers des formations ou des emplois aidés. En 2009, Sarkozy lance un vaste plan de formation des jeunes, suivi d’un second plan en 2010 et d’une aide de 430 millions d’euros en janvier 2012. En 2016, même discours chez Hollande qui annonce la formation de 500 000 demandeurs d’emplois quand 500 000 étaient déjà prévus. Résultat : en 2012 les catégories D et E comportent 608 000 personnes et, en 2016, 764 000 - du jamais-vu.
À l’exception de l’Italie, le taux de chômage baisse chez tous nos voisins européens à partir de 2011. La France, elle, connaît un pic à 10,1 % en 2014 et jusqu’à 10,3 % en juin 2016. Ce sont bien les décisions gouvernementales (ou plutôt leurs absences) qui, depuis 10 ans, pèsent sur la situation de l’emploi en France : les procédures de licenciements trop lourdes, la fiscalité du travail trop chargée, le régime de l’Assurance chômage peu incitatif au retour à l’emploi mais surtout la fiscalité du capital la plus lourde (40 milliards de plus qu’en Allemagne) qui désincite à investir dans nos entreprises et à créer des emplois et les taxes sur la production qui tombent en cascade sur nos entreprises avant même qu’elles aient pu réaliser un euro de bénéfice.
Les deux mandats ont été marqués par des annonces tonitruantes sur le front de la baisse des dépenses publiques alors que seule la limitation de la hausse a été entreprise. En la matière, la crise de 2008 a bon dos. Suède, Royaume-Uni et l’Allemagne ont profité de cette période pour mieux gérer leurs finances publiques et baisser vraiment leurs dépenses. Là où l’écart en matière de dépenses publiques entre la France et les pays de la zone euro était de 7,5 points de PIB en 2010, nous sommes maintenant à 10,7. En 2007, la croissance annuelle des dépenses publiques était de 43,6 milliards d’euros par an, Sarkozy abaissa ce rythme à 27,4 milliards en 2010 et 23,5 milliards en 2011. Hollande, après avoir augmenté les dépenses de 34,5 milliards en 2012, ralentit à son tour l’augmentation des dépenses à environ 20 milliards d’euros annuels. Or, la part des dépenses publiques par rapport au PIB a explosé sur la période : de 52,2 % en 2007 à 57,3 % en 2014 et environ 56 % en 2017. Jamais les dépenses publiques n’auront autant pesé sur notre PIB.
La solution adoptée, quel que soit le président, a été de rétablir les comptes publics par des augmentations d’impôts, non par de vraies baisses de dépenses. Sarkozy, fidèle à sa promesse de campagne, a bien fait baisser le poids de la fiscalité les deux premières années de son mandat (42,1 % en 2007 puis 41 % en 2009), mais il ne tarde pas à faire remonter le taux de prélèvement obligatoire (42,6 % en 2011 et… à 43,8 % en 2012). Quant à Hollande, ce dernier a augmenté la fiscalité jusqu’à 44,8 % du PIB avant d’opérer une stabilisation à 44,5 % en 2016 et 2017. En matière de poids de l’impôt, les chiffres sont sidérants : les deux présidents ont, en valeur, augmenté les impôts de 76,2 milliards pour Sarkozy et de 79,7 pour Hollande. Depuis 2007, entre 60 % et 74 % de la création de valeur ajoutée a été captée par l’impôt.
Espérons que le prochain chef de l’État ne tombera pas à son tour dans la facilité. Le plus gros risque ? Que les baisses de dépenses ne commencent pas immédiatement. Les baisses d’impôts seraient alors impossibles à tenir et l’engrenage que nous venons de décrire se répéterait infailliblement.
Cette tribune a été publiée dans les pages Opinions du Figaro le mardi 14 mars 2017. |