Transition énergétique française : retour à la réalité
La deuxième Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) sera présentée fin novembre par le gouvernement. Trois ans seulement après son adoption enthousiaste en 2015 par l’Assemblée nationale et le Sénat, la première PPE s’est avérée totalement irréaliste.
La promesse la plus invraisemblable comme l’a souligné Nicolas Hulot, alors ministre de l’Énergie, était la réduction de 75 à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité dès 2025, soit en dix ans. Mais d’autres objectifs moins visibles mais plus fondamentaux étaient tout aussi irréalistes pour un pays économe en énergie, peu émetteur de CO₂ et où les habitants sont déjà lourdement taxés : en 2050, division par deux de la consommation d’énergie et division par quatre des émissions de CO₂, forte contribution du solaire, de l’éolien terrestre et marin, et de la méthanisation, développement de champions industriels français dans ces énergies renouvelables, acceptation de fortes augmentations du prix des carburants et de l’électricité.
La France s’est clairement engagée à soutenir la position du GIEC et à agir pour la planète. Une position honorable. Mais notre pays doit régulièrement s’interroger sur ce qu’elle doit et ce qu’il peut faire compte tenu de l’évolution de la situation mondiale et de la sienne. Les émotions pro-écologiques sont sympathiques, et les émotions anti-taxes sont compréhensibles, mais pour être efficace, la PPE Version-02 doit revenir aux réalités. Les parlementaires de 2018 auront intérêt à travailler soigneusement la nouvelle loi énergétique pour ne pas se retrouver dans une situation aussi embarrassante que leurs prédécesseurs.
Consommation énergétique mondiale
Le raisonnement basé sur des faits se déroule sur six étapes :
- La France cumule des problèmes économiques et sociaux à traiter d'urgence
Chômage, niveau d’éducation et de recherche, exclusions, violences, dette, déficits intérieur et extérieur, prélèvements obligatoires.
- La France émet beaucoup moins de CO₂ par personne que les autres pays industriels
Avec 5,75 tonne de CO₂/ habitant, la France, émet près de deux fois moins de CO₂ que la moyenne des autres pays européens. Dans le classement des pays pollueurs, la France se situe seulement au 65ème rang mondial, beaucoup mieux notée que ses principaux concurrents industrialisés. Seuls deux pays européens sont un peu plus performants, la Suède et la Suisse, grâce à leurs ressources hydrauliques et leurs centrales nucléaires. Au total, la France est un pays vertueux du point de vue CO₂, et depuis longtemps.
Pays | Tonne de CO₂ | Rang |
---|---|---|
Luxembourg | 21,30 | 8 |
États-Unis | 17,50 | 12 |
Australie | 16,75 | 14 |
Russie | 12,18 | 21 |
Corée du sud | 11 ;78 | 22 |
Norvège | 11,71 | 23 |
Pays-Bas | 10,96 | 26 |
République tchèque | 10,65 | 27 |
Belgique | 10,17 | 31 |
Japon | 9,25 | 34 |
Allemagne | 9,06 | 36 |
Danemark | 8,34 | 38 |
Pologne | 8,29 | 39 |
Royaume-Uni | 7,96 | 44 |
Nouvelle-Zélande | 7,22 | 49 |
Italie | 6,71 | 53 |
France | 5,75 | 65 |
Suède | 5,60 | 67 |
Suisse | 5,06 | 73 |
- La très grande majorité des pays vont continuer à augmenter leurs émissions de CO₂ d’ici 2030
En 2017 comme en moyenne depuis dix ans, les émissions mondiales de CO₂ ont augmenté de 1,3%[1] par an (400 millions de tonnes). Une croissance cinq fois plus forte que celle prévue dans l’accord de Paris jusqu’en 2030, les émissions devant ensuite baisser de 2030 à 2060. Et de très nombreux pays qui ont signé l’accord de Paris n’ont pas les moyens ou pas l’intention de respecter un « engagement » qui était purement indicatif, donc pas du tout contraignant et pas contrôlé :
- Tous les pays en guerre (Irak, Iran, Syrie, Afghanistan, Lybie, Mali, Tchad, Niger, Yémen…) ;
- Tous les pays sous-développés (Bengladesh, Pakistan, Somalie, Éthiopie…) ;
- La plupart des pays en phase de décollage (Algérie, Tunisie, Philippines, Indonésie, Malaisie, Afrique du sud, Nigéria, Égypte, Honduras…) ;
- La plupart des pays industrialisés en phase de rattrapage (Pologne, Hongrie, Roumanie, Ukraine, Inde, Brésil, Mexique, Thaïlande, Vietnam, Venezuela, Argentine, Russie…) ;
- La plupart des pays producteurs d’hydrocarbures (Arabie saoudite, Quatar, Koweit, Kazakhstan…) ;
- De grands pays développés (USA, Australie…)
Note :
- La Chine s’était engagée à « faire culminer ses émissions de CO₂ en 2030 au plus tard, avec l’intention d’y parvenir avant », sans donner de valeur absolue au pic ;
- Les États-Unis réduisent légèrement leurs émissions de CO₂ malgré leur retrait de l’accord de Paris, grâce au développement massif du gaz de schiste remplaçant le charbon.
- La France prélèvera 62 milliards d’euros par an en 2019, pour financer des projets de lutte contre le réchauffement climatique, généralement économiquement non rentables [note 2]
Taxation des carburants, du gaz et de l‘électricité, subventions aux énergies renouvelables : éolien, solaire, biomasse, subventions à la rénovation de bâtiments privés et publics, et aux nouveaux véhicules.
- La contribution de la France est négligeable face au problème et à la solution
La France n’émet que 1/100 des émissions mondiales de CO₂, une proportion qui décroît régulièrement chaque année. Même si elle n’émettait plus aucun gramme de CO₂, cela ne changerait rien au problème climatique.
- Le changement climatique va se produire sauf révolution technologique
En 2017, l’organisation Nature Climate Change a estimé (comme d’autres) à 5% la probabilité de respect de l’objectif COP21 de 2°, et à 1% celui de 1,5°. Il faut donc accentuer la recherche, notament sur la capture du CO₂, le stockage de l’électricité et l'usage des énergies les moins polluantes. Comme l'a montré la découverte de l'éclairage LED, consacrer nos capitaux et nos talents à la recherche serait beaucoup plus utile pour notre pays et surtout pour tous les autres pays du monde, que des efforts limités à la France, très coûteux et peu efficaces.
Conclusion
Il est logique que la France souhaite conserver sa position de bon élève et prenne des mesures pour se maintenir à son rang. Mais selon une formule connue "La France ne peut pas résoudre tous les problèmes du monde". Tant que ses partenaires n’ont pas rattrapé leur retard, elle n’a aucune raison d’organiser une réduction brutale de ses émissions par des taxes et des fermetures de centrales performantes. D’ici 2050, diviser ses émissions de CO₂ par un facteur 2 (et non 4), et stabiliser sa consommation d’énergie (au lieu de la diviser par deux) libérerait des ressources lui permettant de traiter ses autres problèmes. Sacrifier son économie et le niveau de vie des Français à la volonté d’affichage de ses responsables politiques à l’international n’est pas acceptable. Comme d’habitude, nos concurrents nous féliciteront chaleureusement en public, tout en ironisant en privé sur ce zèle intempestif et naïf.
Dossier : http://www.ifrap.org/agriculture-et-energie/refonder-la-croissance-energetique-sans-oublier-la-croissance
Trois nouvelles promesses gouvernementales intenables
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[1] Source BP statistical review of world energy 2018
[2] https://www.sauvonsleclimat.org/fr/presentation/etudes-scientifiques/3700-electricite-intermittente-vrai-cout-2018