Subordonnons la transition énergétique à l'objectif de croissance
Parmi les pays industrialisés, la France fait partie de ceux qui consomment le moins d'énergie par personne. En ce qui concerne les émissions de CO2, elle est de loin la moins polluante avec des émissions trois fois plus faibles par habitant que les États-Unis ou le Canada, deux fois inférieures à la Russie, et de 20 % à 40 % en dessous de l'Italie, des Pays-Bas, de l'Allemagne, de la Chine et du Royaume-Uni. Malgré ces bons résultats, le gouvernement a tenu à se donner des objectifs spectaculaires et dévastateurs: réduire les émissions de CO2 de 75 % d'ici à 2050, diminuer la consommation d'énergie de moitié dans le même délai, réduire la part du nucléaire d'un tiers en 2025, et porter la part des énergies renouvelables à 32 % d'ici à 2030. C'est une politique de décroissance.
Le bon sens aurait voulu que la France s'engage certes à faire aussi bien que les autres pays avancés, mais pas davantage, et qu'elle modère donc ses objectifs tant que les autres pays industrialisés n'ont pas atteint notre niveau de performance. Les engagements du gouvernement, au contraire, conduisent à des difficultés inextricables. C'est le cas pour les voitures. Réduire la consommation réelle de 5 à 4 litres aux 100 kilomètres est beaucoup plus difficile que de passer de 10 à 9.
L'objectif de réduction d'un tiers de la production d'électricité du parc nucléaire et de fermeture de 25 réacteurs en 2025 sera dévastateur pour le portefeuille des ménages et des entreprises mais aussi pour l'image de l'industrie nucléaire française dont nous essayons d'exporter le savoir-faire. Et demain, dans huit ans, même avec les hypothèses gouvernementales, la consommation n'aura pas sensiblement baissé, et les énergies renouvelables seront incapables de répondre à la demande.
Depuis dix ans, la consommation d'énergie ne baisse pratiquement pas malgré la crise et l'effondrement (moins 20 %!) de notre production industrielle. En 2015, la consommation d'énergie n'a diminué que de 0,1 million de tonnes d'équivalent pétrole sur 149, soit de 0,07 % très loin de l'objectif de 2 %. Rien de surprenant puisque la population française augmente de 0,5 % par an. Les besoins de la population sont considérables.
Les énergies renouvelables, éolien, solaire, biomasse, sont fortement subventionnées soit directement, soit par des obligations d'achat, des tarifs administrés ou des compléments de rémunération. Leur coût brut de production est de 2 à 8 fois supérieur aux tarifs du marché, sans tenir compte des surcoûts liés à leur intermittence et aux adaptations nécessaires du réseau. Le coût de l'éolien terrestre n'a pas baissé depuis treize ans ; celui du photovoltaïque le plus performant en France est encore 2,5 fois supérieur au coût standard. Des charges qui ne peuvent que handicaper notre économie en détruisant plus de vrais emplois qu'ils ne créent d'emplois subventionnés. La charge de ces nouvelles énergies renouvelables pour les consommateurs sera de 10 milliards d'euros en 2017 (via les taxes payées par les Français), alors qu'elles ne représentent que 6 % de l'électricité consommée. Et elle augmentera très rapidement si leur déploiement se poursuit.
Les surcoûts engendrés par la transition énergétique telle que ce gouvernement l'a imaginée, normatifs et fiscaux, seraient de 70 milliards d'euros en 2030 dont environ 25 milliards d'impôts (principalement TICPE et CSPE). Pour les consommateurs, le choix est entre l'énergie fossile importée à des prix faibles mais que nous ne maîtrisons pas, l'énergie renouvelable très coûteuse (éoliennes terrestres et cellules photovoltaïques importées à 90 % de l'étranger) et l'énergie nucléaire produite en France avec des technologies nationales. Malgré ses inconvénients (sécurité et déchets), la France ne peut pas se priver du nucléaire et de l'évaluation des ressources potentielles en gaz de schiste.
Si nous voulons une croissance à 2 %, même les progrès techniques (isolation) et les évolutions sociétales (covoiturage) peuvent au mieux conduire à une stabilisation de la consommation d'énergie dans les secteurs du logement et des transports. Mais le redémarrage de l'économie productive, l'indispensable ré-industrialisation, le développement des services et le retour à l'emploi à plein temps de 3 millions de personnes que nous souhaitons tous conduiront à une augmentation de la consommation d'énergie. Tous secteurs confondus, elle peut être estimée à 0,45 % par an.
La Fondation propose donc de revoir nos objectifs à la baisse pour les rendre réalistes et compatibles avec l'impératif de la croissance. Commençons par réduire les émissions de CO2 de 30 % seulement d'ici à 2050. C'est déjà assez ambitieux.
Cette tribune a été publiée dans les pages Opinion du Figaro, le 19 octobre 2016. |