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SNCF : 4 fois plus de retards de trains depuis 1954

Début décembre la SNCF a été touchée par un nouveau mouvement de grève, les agents ayant cessé le travail pour réclamer une meilleure reconnaissance de leur statut. Pour faire pression sur la SNCF, les contrôleurs menacent aussi de faire grève les week-ends de Noël et du Nouvel An. L’occasion de revenir sur les performances de la SNCF en matière de ponctualité des trains grandes lignes. A cet égard, bien que la France occupe une place moyenne par rapport à ses voisins européens, la ponctualité des trains français ne cesse de diminuer depuis 1954.

Une ponctualité des trains français en baisse continue depuis 1954

Tout d’abord, on peut s’intéresser à l’évolution de la ponctualité des trains en France. Un rapport de l’Autorité de la Qualité de Service dans les Transports (AQST) datant de février 2022 met en lumière la nette dégradation de la ponctualité pour l’ensemble des activités ferroviaires de voyageurs depuis 1954.

Ainsi, depuis 1954, les retards des trains ont été multipliés par 10 en Ile-de-France, par 4 pour les trains Grandes Lignes, et par 2 pour les trains régionaux de province. Plusieurs facteurs explicatifs sont mis en avant par l’AQST.

Premier facteur : un réseau vieillissant. Tout d’abord, un matériel roulant ancien est davantage susceptible de connaître des pannes au cours d’un trajet. Or, l’âge moyen du matériel moteur SNCF ne fait qu’augmenter, et ce particulièrement depuis les années 1980, pour tout type de matériel. Par exemple, l’âge moyen d’une rame de TGV a doublé entre 2000 et 2020 pour passer de 10 à 20 ans. L’âge moyen des locomotives électriques est passé quant à lui de 25 à 30 ans entre 1990 et 2020. De plus, ce n’est pas uniquement le matériel roulant qui est vieillissant, mais ce sont également les lignes elles-mêmes : l'âge moyen des lignes ferroviaires en France est passé d'une dizaine d'années en 1954 à plus de 35 aujourd'hui.

Deuxième facteur expliquant l’augmentation des retards ferroviaires : l’augmentation du nombre de trains. En effet, le réseau ferroviaire français est trois fois plus sollicité qu’en 1954, ce qui crée de véritables embouteillages. Ainsi, il suffit d’un petit incident sur un train pour entraîner des retards en cascades sur tout une ligne.

Enfin, l’augmentation du nombre de voyageurs. Le nombre de voyageurs/km a été multiplié par 3 entre 1954 et aujourd’hui, passant de 28 à 90 Mds. Or, l’AQST explique que lorsque la fréquentation des trains augmente, le risque de retards liés aux voyageurs (malaises, blocages, etc.) augmente.

Enfin d’autres éléments peuvent être considérés comme la réduction du nombre de personnels. Cependant cette réduction du personnel doit être mise en regard de la productivité de l’activité de transport de trains de marchandises ou de voyageurs obtenue grâce à des investissements dans l’automatisation du signal ; des aiguillages et de la gestion du réseau.

La ponctualité des trains chez nos voisins européens

Les trains français sont donc de plus en plus en retard, mais qu’en est-il de nos voisins européens ? Les trains français sont-ils particulièrement en retard ? Là encore, une étude de l’AQST, cette fois-ci datant de 2021, vient apporter des réponses à ces interrogations, en se concentrant sur l’année 2019. Il convient de préciser avant tout que les différents pays européens ne mesurent pas tous la ponctualité ferroviaire de la même manière. L’AQST a donc converti les différentes méthodes en une seule, afin d’établir un seuil de ponctualité globale unique : 5 minutes. Si un train arrive au-delà de 5 minutes après son horaire d’arrivée prévue, il est en retard.

Tout d’abord, s’agissant des TGV, la France présentait en 2019 un taux de ponctualité de 77,9%. Il s’agit d’un taux bien moindre que ceux observés dans les pays faisant circuler leurs TGV sur des voies exclusivement dédiées (Espagne, Pays-Bas), mais supérieur à ceux des pays faisant circuler leurs TGV à la fois sur voie dédiée et sur le réseau classique (France, Italie, Portugal), ce qui entraîne un risque d’interférence avec d’autres types de circulations.

Concernant la ponctualité des trains longue distance lignes classiques et à grandes vitesses, la France occupe une position moyenne par rapport aux autres pays européens, avec un taux de ponctualité de 77,4%. La position de la France est par ailleurs inchangée depuis 2014.

Cette étude de l’AQST de 2021 est la plus récente concernant les comparaisons européennes en termes de ponctualité des trains. Qu’en est-il alors de la ponctualité des trains français aujourd’hui ?

Les chiffres récents de la ponctualité des trains en France

Comme dans l’étude de l’AQST, nous écartons volontairement l’année 2020 en raison des circonstances exceptionnelles de cette année. En effet, la crise sanitaire a drastiquement réduit le nombre de voyageurs et de trajets. S’agissant des années 2021 et 2022 donc, la SNCF met régulièrement à jour les taux de ponctualité de ses trains. Or, il convient de préciser que le seuil de ponctualité n’est pas calculé de la même manière par la SNC et par l’AQST. En effet, pour la SNCF, la régularité d’un TGV est déterminée comme suit :

  • Un train est considéré à l'heure si son retard au terminus est inférieur à 5min pour un parcours inférieur à 1h30
  • Un train est considéré à l'heure si son retard au terminus est inférieur à 10min pour un parcours entre 1h30 et 3h
  • Un train est considéré à l'heure si son retard au terminus est inférieur à 15min pour un parcours au-delà de 3h

Ainsi, de janvier 2021 à août 2022, la régularité mensuelle globale moyenne des TGV était de 89,47%. On ne constate pas d’évolution notable si l’on compare avec la dernière période de 20 mois comparable : de janvier 2018 à février 2020 la régularité mensuelle globale moyenne des TGV était de 89,16%. Cette régularité varie par ailleurs en fonction des axes étudiés : Atlantique, Est, Europe, Nord, OUIGO, Sud-Est. Ainsi, en août 2022, la régularité des TGV était comprise entre 81% pour l’axe Europe et 90,8% pour l’axe Est. Les différences entre les lignes peuvent donc être importantes.[1]

La libéralisation comme remède ?

Par une loi du 27 juin 2018, la France a ouvert à la concurrence les services domestiques de transport ferroviaire de voyageurs. Or, encore récemment, une étude de l’Autorité de Régulation des Transports datant de 2022 pointe les bienfaits de la libéralisation. Elle explique, entre autres, que dans les pays où elle a été mise en œuvre, l’ouverture à la concurrence conduit généralement à une croissance de l’offre de transport ferroviaire relativement plus importante que dans les pays qui n’ont pas libéralisé leur marché. Cela s’accompagne généralement d’un accroissement de la ponctualité et de la fréquence des dessertes.[2] Il faut noter que, dès que des acteurs indépendants interviennent, cela renforce l’audit sur la qualité du réseau et la formalisation des procédures de qualité pour améliorer la sécurité et la ponctualité. Le réseau ferroviaire français doit donc efficacement et rapidement s’ouvrir à la concurrence afin d’endiguer ce phénomène d’accroissement des retards dont il souffre.


[1] https://ressources.data.sncf.com/explore/dataset/regularite-mensuelle-tgv-axes/analyze/?sort=date&dataChart=eyJxdWVyaWVzIjpbeyJjaGFydHMiOlt7ImFsaWduTW9udGgiOnRydWUsInR5cGUiOiJzcGxpbmUiLCJmdW5jIjoiQVZHIiwieUF4aXMiOiJyZWd1bGFyaXRlX2NvbXBvc2l0ZSIsInNjaWVudGlmaWNEaXNwbGF5Ijp0cnVlLCJjb2xvciI6InJhbmdlLWN1c3RvbSJ9XSwieEF4aXMiOiJkYXRlIiwibWF4cG9pbnRzIjoiIiwidGltZXNjYWxlIjoibW9udGgiLCJzb3J0IjoiIiwic2VyaWVzQnJlYWtkb3duIjoiYXhlIiwiY29uZmlnIjp7ImRhdGFzZXQiOiJyZWd1bGFyaXRlLW1lbnN1ZWxsZS10Z3YtYXhlcyIsIm9wdGlvbnMiOnsic29ydCI6ImRhdGUifX19XSwiZGlzcGxheUxlZ2VuZCI6dHJ1ZSwiYWxpZ25Nb250aCI6dHJ1ZSwidGltZXNjYWxlIjoiIn0%3D

[2] https://www.autorite-transports.fr/wp-content/uploads/2022/02/etude-concurrence-2022_hd.pdf