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Réindustrialisation, transition énergétique, ces vérités déplaisantes qu’il faut dire

Il aura fallu beaucoup de temps pour que l’on accepte la réalité sur la question de l’énergie. On se souvient de François Hollande proposant la fermeture de Fessenheim, décidée par Emmanuel Macron, de la Convention citoyenne sur le climat qui s’est traduite par la loi climat, avec toutes ses décisions et quasiment pas d’évaluation de leur impact sur les prix, les normes, les emplois, l’envolée des taxes. Et du gouvernement annonçant, début 2020, l’objectif de fermer quatorze réacteurs nucléaires d’ici à 2035 !

Cette tribune a été publiée dans les pages du Figaro, le vendredi 18 février. 

Alors que nous allons vers une électrification massive de notre économie qui va induire la nécessité de produire 60% d’électricité de plus qu’aujourd’hui, que de retard et de temps perdu, particulièrement pour les dix prochaines années, avec un risque inédit de black-out. Déjà, les contrats avec les entreprises qui acceptent, moyennant finances, de réduire leur consommation d’électricité en cas de pic de consommation, ont plus que doublé en 2021, et portent sur des puissances équivalentes à 2 à 3 réacteurs nucléaires. Et ce n’est que le début.

La politique énergétique de la France est en danger. La montée en charge des énergies renouvelables a entraîné des surcoûts liés à l’intermittence et à l’équilibrage du réseau. La hausse des taxes (la fameuse taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité, TICFE) et la flambée des prix du gaz ont aggravé la situation. Et la déstabilisation s’est poursuivie avec la fermeture de Fessenheim.

Dès 2018, le gouvernement a été contraint de reporter de 2025 à 2035 l’objectif phare de «50% d’électricité d’origine nucléaire» promis par Hollande en 2012. Pour arriver à ce déplacement à Belfort au cours duquel le président de la République a annoncé son souhait de lancer un programme de six EPR 2 plus huit autres additionnels!

Il y a des vérités qu’il nous faut affirmer et affronter si nous voulons éviter l’énorme crise sociale liée aux prix de l’énergie et à la transition écologique qui se profile et si nous voulons continuer (ou recommencer) à produire en France.

On ne peut pas préserver le pouvoir d’achat des Français en augmentant la fiscalité carbone, qui frappe les carburants, le chauffage au gaz ou au fioul, alors que les alternatives ne sont pas possibles partout sur le territoire (transports en commun) ou ne sont pas bon marché (véhicules électriques). La Métropole du Grand Paris vient même de reculer en rase campagne sur son projet de «zone à faible émission» (zones de grande agglomération à l’intérieur desquelles sont interdits certains véhicules trop polluants, NDLR) en le reportant à 2023 car - il était temps de s’en rendre compte! - on ne peut pas demander aux Franciliens qui n’ont pas les moyens de changer leurs véhicules de mettre à la benne un million de voitures Crit’Air 3 au 1er juillet prochain.

Déjà, la fiscalité environnementale a bondi en dix ans de 39 milliards d’euros par an à 60 milliards d’euros. Nous avons dépassé l’Allemagne et la Suisse en part de fiscalité environnementale par rapport au PIB. Et nous sommes le seul pays qui fait payer de la TVA sur les taxes, une aberration qui coûte sur l’énergie aux Français environ 10 milliards d’euros de trop par an!

On ne peut pas réindustrialiser la France tout en baissant notre production de CO2. Ni appeler de ses vœux le retour des usines dans notre pays tout en maintenant des normes environnementales surabondantes (sur l’hydrogène notamment) qui rendent très difficile leur ouverture. Le rapport Kasbarian (rapport sur la réindustrialisation publié en 2019, NDLR) a mis en évidence la lourdeur des procédures d’instruction des projets industriels: neuf mois pour les seules procédures environnementales, outre les procédures en matière d’urbanisme ou d’archéologie. La France est déjà plus que bonne élève grâce au nucléaire, avec quatre tonnes de CO2 par habitant (quand l’Allemagne est à 6,6 tonnes par habitant). Nous sommes ex aequo avec la Suisse, meilleurs que les Pays-Bas ou que la Chine, à des années-lumière des émirats qui produisent 20 tonnes de CO2 par habitant. La France a déjà beaucoup fait. Rien que depuis le «Grenelle de l’environnement» de 2008, près d’une douzaine de lois ont été adoptées contribuant à réglementer bon nombre d’activités: agriculture, transports, construction, commerce, santé, aviation, recherche, etc.

On ne peut pas fermer les yeux sur les emplois qui vont disparaître à cause des normes issues de ces lois. Tous ces règlements et les objectifs de décarbonation appliqués à nos filières industrielles menacent 700.000 emplois selon nos estimations - dans l’automobile, la chimie, les matériaux de construction. En face, les chiffres des emplois créés par la transition écologique sont très variables selon les sources et paraissent souvent gonflés. Ils ne disent rien de l’effort massif de formation que cela fera porter sur les entreprises.

L’inflation viendra aussi de la transition écologique, il ne faut pas se le cacher. La transformation de notre économie pour parvenir à un horizon décarboné en 2050 demande des investissements massifs. En France, les investissements, publics et privés, nécessaires ont été estimés par l’Institut de l’économie pour le climat à 44,7 milliards d’euros, soit 1,8% du PIB. Il faut ajouter les investissements liés aux surcoûts imposés par les nouvelles réglementations (à terme, près de 100 milliards d’euros par an, soit 4% du PIB).

Dans un pays qui tutoie déjà les sommets en matière de dépense publique (plus de 59 % de dépenses publiques par rapport au PIB en 2021, nous rappelle la Cour des comptes) et de fiscalité, dont les entreprises sont endettées comme jamais, pouvons-nous encore assumer plus de normes, plus de taxes, plus d’inflation des prix de l’énergie? Non. Les Français ne sont plus assez riches pour cela. Pensons d’abord à produire en France, pensons notre politique énergétique aussi sous l’angle de l’emploi dans nos territoires et sous l’angle de l’indépendance de notre pays. Si on veut bien y consentir, il faudra de facto construire 20 EPR d’ici à 2050 pour assurer notre consommation en électricité tout en réindustrialisant le pays.