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Le gaspillage des terres agricoles en France

Une idée fausse : la menace d'artificialisation des terres agricoles

En 2010, les syndicats agricoles ont propagé l'idée que la France allait manquer de terres agricoles, erreur immédiatement reprise par le gouvernement et certains media. D'après eux, tous les dix ans l'agriculture perdrait une surface correspondant à un département comme la Seine-et-Marne ou la Manche au profit des routes, supermarchés et logements. Une inquiétude surprenante puisque, par rapport à ses voisins européens, la France est un pays vaste et peu peuplé.

Comme le montre le diagramme ci-dessous publié par Agreste, les activités non agricoles n'utilisent qu'une faible partie du territoire français, environ 14%. Sauf en des points particuliers, leur extension ne compromet en rien l'activité agricole. De 1992 à 2009, les agriculteurs ont d'ailleurs volontiers mis deux millions d'hectares en jachère en échange d'une modeste subvention de Bruxelles.

En 2010, tout en s'alarmant d'une éventuelle pénurie de terres agricoles, l'Etat poursuit d'ailleurs son aide en faveur des biocarburants et des fermes photo-voltaïques au sol géantes (317 hectares pour une seule centrale dans les Landes). La pénurie de terres agricoles n'est visiblement pas considérée comme un problème sérieux, et n'est agitée qu'à des fins démagogiques et pour justifier le maintien et la création de structures administratives.

Pénurie de terres ou excès de candidats ?

« De nombreux candidats agriculteurs qui souhaitent s'installer ou s'agrandir ne trouvent pas d'exploitation agricole à louer ou à acheter ». C'est ce fait bien réel qui est avancé pour justifier l'idée d'une pénurie de terres en France. Ces deux facteurs ne sont pas liés. De par ses bonnes performances, l'enseignement agricole attire de très nombreux jeunes. Un mouvement renforcé par la vogue « verte », mais les jeunes doivent être informés du nombre limité de débouchés dans le secteur des exploitations agricoles. La société n'est pas (encore) responsable de fournir à chacun le métier dont il rêve, mais c'est au contraire à chacun de s'orienter vers un métier dont la société a besoin [1].

Dans l'industrie automobile, la pénurie d'usine n'est déclarée que si les clients ne trouvent pas de voitures à acheter, pas si les candidats désireux de travailler dans ce secteur ne trouvent pas tous de poste. De même, il n'y a pénurie de terres que si la production agricole est insuffisante, pas quand les candidats agriculteurs sont trop nombreux.

La forêt coupable ou sauveur ?

L'évolution de la surface de la forêt montre que c'est la forêt qui a occupé les espaces abandonnés par l'agriculture. Mais cette évolution a été volontaire et naturelle, l'agriculture s'étant recentrée sur les terres les plus utiles. L'arrêt de la croissance de la forêt en 2008 n'est peut-être que temporaire, mais ne présente aucun caractère inquiétant vu son développement considérable depuis deux siècles et même depuis 1950.

Extension de la surface occupée par la forêt en France
Dates 1820 1950 1980 2007
Surface en millions d'hectares 8 11 14 16

Trois avis : un syndicaliste, un politique et deux experts indépendants

Source : FNSAFER, communiqué de presse, 2010

« Le gaspillage des terres continue, menaçant gravement les équilibres agricoles, écologiques et territoriaux »

Source : Bruno Le Maire, Ministre de l'agriculture, 2010

« Nous perdons sans cesse des terres agricoles, l'équivalent d'un département tous les dix ans. Il est temps que les choses changent ! »

Source : Jacques Crémer, chercheur à l'Ecole d'Economie de Toulouse et Bernard Salanié, professeur à Columbia University

« Les surfaces agricoles qui seraient gaspillées par l'urbanisation sont en fait réutilisées à des fins dont la valeur sociale est désormais supérieure. »

Lire le texte complet de l'article : Cette drôle de taxe agricole

Faire peur

En 2010, la pénurie de logements largement due à la pénurie de terrains à bâtir constitue un problème beaucoup plus urgent que l'éventuelle pénurie de terrains agricoles. Face à de nombreux défis, la société française, et notamment les jeunes, semble parfois découragée. Il est vraiment inutile d'agiter de faux problèmes mis en avant pour défendre des intérêts catégoriels.

[1] Un problème similaire existe dans le domaine du spectacle où les candidats sont tellement nombreux qu'un statut particulier (les intermittents du spectacle) a été créé pour partager le travail. Une méthode ruineuse pour les régimes sociaux et humiliante pour les intéressés.