Électricité : hausse des prix vs ouverture à la concurrence
« Si la concurrence devait apporter une baisse des prix, celle-ci est loin d’être au rendez-vous, particulièrement pour l’électricité », ajoute le Médiateur national de l’énergie à son message du 17 juin 2015. Ce disant, il a déclenché une vague de commentaires virulents, curieusement à la fois contre l’ouverture à la concurrence… et contre le fournisseur historique (EDF). Heureusement, une minorité de responsables et de citoyens se sont quand même posé la question de savoir si ces augmentations n’étaient pas surtout dues aux taxes imposées par nos gouvernants (CSPE notamment) ?
Extrait de la dépêche de l’Agence France Presse (AFP) Le Médiateur de l'énergie[1] dresse un bilan très mitigé de l'ouverture à la concurrence des marchés de l'électricité. En 8 ans les prix de l'électricité se sont envolés. L'autorité, créée en 2006 pour défendre les consommateurs d'électricité, calcule ainsi que la facture de courant s'est envolée de 49% en moyenne depuis 2007 pour les clients aux tarifs réglementés utilisant un chauffage électrique et de 56% pour ceux utilisant un autre mode de chauffage. |
Note : l’alerte du médiateur portait aussi sur le gaz. Mais son prix dépendant de celui du pétrole, de son niveau sur les marchés internationaux du gaz et du cours de l’euro, évaluer l’impact de l’ouverture à la concurrence aurait nécessité des études complexes qui ne semblent pas avoir été réalisées par ses services. Seul le cas de l’électricité, beaucoup plus franco-français et où toutes les données sont disponibles, est donc traité ici.
Les deux mêmes auteurs avaient pourtant publié en avril 2015, une note très précise « La CSPE expliquée aux nuls » pour informer nos concitoyens sur les augmentations passées et futures du prix de l’électricité, tout à fait indépendantes des coûts de production classiques et de la volonté des distributeurs d’électricité. Mais le rapport du médiateur n’en a pas tenu compte. Pire, deux autres correctifs doivent aussi être apportés à son cri d’alarme.
Trois facteurs correctifs
Premier facteur, une erreur. Dès le 18 juin, après un avis de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), le médiateur devait admettre que ses chiffres étaient faux et les ramener respectivement de 49 à +33% et de 56 à +35%.
Second facteur, l’inflation. Pour comparer des prix sur une longue période, la règle élémentaire est d’indiquer le niveau d’inflation sur la période. De 2007 à 2014, l’inflation a été faible mais représente quand même 11%, ramenant l’augmentation moyenne du coût de l’électricité pour les Français de 33 à 22% (ou de 35 à 24% dans l’autre cas).
Troisième facteur, donc, la Contribution au service public de l’électricité. Cette CSPE finance plusieurs charges de service public dont des aides sociales (en et hors métropole) mais surtout le surcoût des nouvelles énergies renouvelables (principalement solaire et éolien). C’est ce surcoût qui, très majoritaire, a fortement augmenté et va augmenter encore, notamment si ou quand les éoliennes offshore seront mises en service. Et, même - ironie de l’histoire - ce surcoût augmente, du seul fait de son mode de calcul, au rythme de la baisse du prix du marché de gros, dûment constatée depuis des mois : une baisse de 1 euro/MWh à la production, se traduira par une hausse du surcoût de nos énergies « vertueuses » d’environ 50 millions d'euros/an, surcoût qui sera répercuté au bout de la chaîne, au prix de détail.
Note de lecture : sur huit ans (2006-2014) le prix de l’électricité hors CSPE a augmenté de 6,9 % (1,2156/1,137 = 1,069) en euros constants, un chiffre très éloigné des 49 à 56% annoncés (Sur cette période, l’inflation globale ou indice des prix à la consommation de l'INSEE a été de 13,7%, le prix de l’électricité hors CSPE a augmenté 21,5%).
La CSPE étant, pour ceux qui n’en sont pas exonérés, strictement proportionnelle à la consommation, le cas ci-dessus (client de base, sans chauffage électrique) est représentatif d’autres cas typiques de consommation, comme le 6 kVA heure creuse/heure pleine des clients ayant un chauffe-eau électrique ou comme le 15 kVA des clients se chauffant à l’électricité. Les chiffres fournis par le médiateur dépendent d’ailleurs peu du type de consommateurs particuliers.
Conclusion
En affirmant, au cours de sa conférence de presse que « pour les ménages passés aux prix de marché, la hausse est "peut-être un peu moins élevée", mais en tout cas, "il n'y a pas eu de baisse, alors qu'on a vendu l'ouverture à la concurrence aux Français en disant : ça va faire baisser les prix » Jean Gaubert, médiateur national a créé la confusion entre l’ouverture à la concurrence, la hausse des taxes et la hausse des coûts liés aux énergies renouvelables ou aux exigences futures de renouvellement des centrales existantes (sans incidence manifeste pour l’instant). Le torrent de désinformation, et il faut le dire de boue, sur la concurrence et sur EDF[2], qu’il a déchainé, montre qu’il a ajouté à la confusion au lieu de contribuer à l’information de nos concitoyens. Sa conclusion aurait logiquement dû être : malgré de nouvelles charges, le prix de l’électricité a peu augmenté depuis huit ans. Grâce ou pas à l’ouverture à la concurrence, il aurait dû laisser chacun se faire son opinion.
Par contre, il est un point sur lequel Jean Gaubert eut été dans on rôle en le signalant : la relative stabilité des prix hors taxes en France (principalement au tarif réglementé de vente et non au marché) pénalise les clients en situation de précarité énergétique puisque ceux-ci, s’ils bénéficient d’un abattement au titre de leur « Tarif de Première Nécessité » (dont le coût participe des charges de CSPE), sont astreints à cette même CSPE !
[1] Jean Gaubert, ancien député des Côtes d’Armor a été nommé Médiateur national de l’énergie en 2013. D‘après Les Échos, Jean Gaubert est réputé hostile à l’ouverture à la concurrence des marchés de l’énergie.
[2] Voir les commentaires et blogs des lecteurs publiés à la suite des articles dans les media.