EDF : 4 705 euros bruts par mois, retraite à 60 ans...
Alors que la question de notre capacité à produire de l’électricité pour affronter l’hiver est de plus en plus inquiétante, cette grève des agents qui bloque désormais une dizaine de réacteurs nucléaires nous met, tous, en danger. La revendication principale des syndicats : une augmentation des salaires immédiate de 5%, apparaissant d’autant plus en décalage que le traitement des agents est déjà très favorable, à 4 705 euros bruts mensuels, et qu’un accord de branche prévoit, déjà, une hausse de 3,6% des salaires étalée de 2022 à 2023.
Un traitement des agents déjà très avantageux
Pour rappel, les revendications des syndicats sont une augmentation des salaires immédiate de 5%, cela alors qu’un accord de branche prévoit, déjà, une hausse de 3,6% des salaires étalée de 2022 à 2023.
Concernant le traitement actuel des agents de la branche professionnelle des Industries Électriques et Gazières (IEG) qui sont composés d’EDF, d’Engie, RTE, ENEDIS, GRTGaz, GrDT (et 8% d’autres entreprises), voilà ce qu’on peut retenir[1] :
- 4 705 euros par mois, le niveau moyen des salaires bruts IEG en 2021 (primes comprises).
Sur le niveau moyen de rémunération des agents d'EDF, le bilan social 2021 nous indique une rémunération mensuelle brute moyenne de 5 182 euros.
A titre de comparaison, en 2019, le salaire moyen brut en France était de 3 183 euros[2] dans le privé, primes incluses.
Néanmoins, selon la Dares, on sait que 9,3 millions de salariés ont perçu au moins une prime, un dispositif de participation, d’intéressement ou un plan d’épargne salariale. Cela pour un montant de prime moyen de 2 660 euros bruts, soit 221 euros bruts par mois[3]. On peut donc estimer qu’en 2019, un salarié bénéficiant de primes aura touché, en moyenne, autour de 3 404 euros bruts par mois. C’est 1 300 euros bruts de moins qu’un agent IEG et cela, sans inclure les avantages dont il bénéficie en nature (électricité, gaz à prix réduits).
- 3 312 euros par mois, le niveau moyen des retraites des salariés IEG partis en retraites en 2021.
Notons également qu’entre 2010 et 2017, la pension brute moyenne en équivalent carrière complète des nouveaux retraités a augmenté d’environ 20 % dans les IEG pour un taux de remplacement, pour une carrière complète à temps plein, de 70,4%[4]. La pension moyenne relative en pourcentage du revenu d’activité moyen tourne, lui, autour de 52,2% à la même période selon les données du COR[5].
A titre de comparaison, en 2019, la pension moyenne des nouveaux retraités était de 1 401 euros bruts dont 1 805 euros bruts en moyenne pour les retraités d’un régime spécial[6]. Notons également le niveau de pension moyenne par régime : fin 2020, le montant mensuel brut était de 1 380 euros pour le régime général, 1 600 euros pour la fonction publique territoriale et hospitalière, 2 340 euros pour les professions libérales, 2 270 euros pour la fonction publique d’Etat et 2 500 euros pour les régimes spéciaux[7].
D’ailleurs, il faut souligner qu’une contribution tarifaire d’acheminement (CTA) s’abat, pour 4%, sur nos factures d’électricité afin de financer les pensions des 180 000 agents retraités des industries électriques et gazières[8]. La collecte s’élève à 1,6 milliard d’euros de recettes. Également soumise à la TVA à hauteur de 5,5 %, la contribution a été mise en place en 2004 afin de financer les avantages du statut des agents d'EDF-GDF.
En 2019, sur ces 5,132 milliards qui servent à financer les retraites des membres des IEG, les cotisations salariales ne couvrent que 68 %. Ce sont donc 32 % qui sont financés par la CTA. La CTA correspond donc à plus de 8000 € par an et par retraité.
- 60 ans, l’âge moyen de départ en retraite des salariés IEG
A titre de rappel, l’âge légal d’ouverture des droits à la retraite est de 62 ans en France… En 2019, l’âge moyen conjoncturel de départ à la retraite était de 62 ans et 2 mois.
Les agents salariés IEG bénéficiant d’un régime spécial, ils peuvent bénéficier d’un départ anticipé. Ainsi, l’âge conjoncturel de départ à la retraite est passé de 56,3 à 57,7 ans entre 2007 et 2017… puis 60 ans en 2021. Si on observe un rapprochement avec la moyenne, l’écart reste de 2 ans et 2 mois.
Un blocage des centrales nucléaires qui nous met en danger Sur les 56 réacteurs nucléaires que l’on compte en France, environ la moitié sont à l'arrêt. La raison principale ? Une prise de retard sur les révisions périodiques qui n’ont pas été assurées pendant le confinement de 2020, mais aussi pour des questions de rechargement en combustible et d’opérations de grand carénage. A cela s’ajoute le fait que plusieurs réacteurs (tranches) sont concernés par un problème de corrosion. Ainsi, les réacteurs 1 et 4 de la centrale de Cattenom, en Moselle, ne seront opérationnels que les 1er et 14 novembre. Le réacteur numéro 3 ne le sera que le 11 décembre et la tranche numéro 1 de la centrale de Penly, le 23 janvier 2023. En septembre, on nous promettait qu’un gros travail serait en cours pour essayer de rouvrir certains réacteurs avant l’hiver… mais les mouvements de grèves perturbent désormais les travaux et la production dans une dizaine de centrales nucléaires où les retards s’accumulent. La situation a largement dépassé le stade critique. Notre puissance nucléaire disponible tourne actuellement autour de 30 gigawatts. Si tous les travaux étaient réalisés en temps et en heure, elle pourrait atteindre autour de 50 gigawatts en novembre-décembre. Un chiffre à mettre en face du pic historique de consommation électrique en hiver : il était de 100 gigawatts en février 2012. La mobilisation de tous les moyens de production disponibles (charbon, hydraulique, cogénération) ne pourra nous apporter qu’autour de 26 gigawatts supplémentaires. Ainsi notre capacité à assurer nos besoins énergétiques cet hiver est liée à notre capacité à remettre des centrales nucléaires en route d’ici la fin de l’année. Une menace que les syndicats lèvent aujourd’hui pour faire avancer des revendications très ambitieuses. |
[1] https://www.cnieg.fr/files/live/sites/portail/files/documents/Institutionnel/I-AS-2021.pdf
[2] https://www.mutuelle-medicis.com/Medicis2/Nos-dossiers/Quel-est-le-salaire-moyen-des-Francais-en-2021
[3] https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/participation-interessement-et-epargne-salariale-en-2019#:~:text=Le%20montant%20moyen%20de%20ces,et%20de%206%2C7%20%25).
[4] https://www.ifrap.org/retraite/edf-ratp-sncf-la-bombe-des-regimes-speciaux
[5] https://www.ifrap.org/retraite/retraites-le-report-de-lage-65-ans-nest-pas-en-option
[6] https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2021-05/Fiche%2007%20-%20Les%20pensions%20des%20nouveaux%20retrait%C3%A9s.pdf
[7] https://www.ifrap.org/retraite/retraites-le-report-de-lage-65-ans-nest-pas-en-option
[8] https://www.ifrap.org/budget-et-fiscalite/facture-delectricite-le-tabou-de-la-cta