Augmentation du prix du gaz : quelques explications
Ils étaient rassurants ces contrats à long terme que nos responsables politiques français signaient avec les pays producteurs de pétrole et de gaz. Protecteurs, ils garantissaient notre approvisionnement pour des décennies. Solidaires, ils assuraient à ces pays en développement des ressources stables à long terme. C'était gagnant / gagnant, la France faisait à la fois une bonne affaire tout en s'achetant une bonne conscience. La question des prix ne se posait pas puisqu'ils étaient simplement indexés sur ceux du pétrole. Mais un monde stable, cela n'existe pas.
Take or pay (pris ou pas, le gaz doit être payé)
Dans tous ces contrats, il y avait toujours cette maudite petite clause qui ne fait que 3 mots mais qui veut dire « Votre gaz, enlevé ou pas enlevé, il faut le payer ». Pendant longtemps, cela n'a pas posé de problème, le gaz était partout à peu près au même prix et les ventes progressaient régulièrement. Mais avec la récession mondiale et l'arrivée du gaz naturel de schiste, il y a trop de gaz dans le monde. Le prix du gaz « hors contrat » a baissé, mais pas celui acheté à long terme.
Proposer des choix aux clients
Dans ce contexte, les consommateurs français aimeraient bien s'approvisionner en gaz à prix réduit, mais le principal fournisseur, l'ex-monopole public GDF est lié par les contrats d'approvisionnement à long terme. Il se fournit aussi sur le marché libre, mais marginalement. Il tente aussi de faire modifier les termes de ses contrats à long terme, mais c'est sans doute difficile : un contrat c'est un contrat.
Si, en France, le marché du gaz avait été ouvert à la concurrence, les offres se seraient multipliées. Pour leurs emprunts immobiliers, les Français sont capables de choisir entre un « taux fixe » et un « taux variable » avec de multiples variantes (taux maximum par exemple). Pour leur assurance auto entre tous risques et au tiers. Dans tous les domaines, le choix est clair : soit choisir un prix qu'on croit stable mais manipulé par l'Etat, soit accepter des prix variables fonction des prix sur le marché. Le monopole de GDF est si ancien que nous n'avons pas compris que nous étions prisonniers de contrats que nous n'avions pas choisis.
L'électricité
Avec le nucléaire, les coûts de l'électricité en France dépendent peu des pays lointains, mais les clients ont le même choix : soit ils restent au tarif réglementé soit ils acceptent les risques positifs ou négatifs des tarifs du marché. En 2011, on découvre que les prix réglementés de l'électricité ont été fixés par l'Etat en fonction de considérations politiques et non pas économiques. Personne ne sait s'ils sont trop bas ou trop élevés. Après des mois de tergiversations, le gouvernement va trancher de façon arbitraire. Un exemple : l'allongement considérable de la durée de vie des centrales nucléaires de 10 ou 30 ans représente un gain extraordinaire pour EDF qui aurait dû se préparer depuis longtemps à les remplacer et à les déconstruire à partir de 2010. Tout au contraire, les travaux de mise à niveau des centrales existantes sont présentés comme une charge qui justifie l'augmentation du prix de l'électricité. La confusion est totale.
Ce qui n'est malheureusement pas faisable pour les consommateurs, c'est de bénéficier de contrat à long terme quand c'est plus avantageux et de choisir le court terme dans le cas contraire. Ni les producteurs d'énergie, ni ceux de produits agricoles ne peuvent accepter de telles conditions. C'est donc bien aux clients de décider le niveau de risques qu'ils acceptent de supporter.
[(La France peureuse : après les OGM, le gaz naturel de schiste
Depuis la fermeture de la dernière mine de charbon en 1994 et l'épuisement du gisement de gaz de Lacq, la France ne dispose pratiquement plus d'aucune source d'énergie fossile sur son sol. Excellente nouvelle d'après certains ! Mais la majorité des Français sont très concernés par le prix du gaz et de l'essence, et tous sont très inquiets de dépendre de l'étranger pour leur transport et leur chauffage. D'autant plus que ces importations mettent notre balance des paiements dans le rouge et proviennent de pays étrangers qui ne sont pas tous des démocraties exemplaires.
Le gaz contenu dans les roches de schiste était connu depuis longtemps, mais il y a moins de dix ans que des chercheurs et des industriels ont trouvé le moyen de l'extraire du sous-sol de façon industrielle et rentable. Aux États-Unis, l'exploitation du gaz de schiste a pris une ampleur considérable, entraînant une forte baisse du prix du gaz dans le monde. Et aussi le report voire la remise en cause de la construction des nouvelles centrales nucléaires décidées par Barack Obama.
Résoudre les problèmes ou fermer les yeux
Cette exploitation nécessite de grandes quantités d'eau et peut poser des problèmes de pollution. Mais existe-t-il une énergie sans défaut, même en France ? Les mines de charbon : 1200 morts à Courrières en 1906, sans compter les centaines de milliers de silicosés. L'hydraulique : 500 morts du barrage de Malpasset en 1959. Le photovoltaïque et l'éolien : des coûts de 3 à 10 fois plus élevés. Le Nucléaire ?
L'exploitation du gaz naturel de schiste en est à ses débuts. Un documentaire partisan américain a souligné ses risques. Elle se poursuit pourtant très activement. La démarche positive serait de demander des expérimentations. Mais le rejet a priori de cette source d'énergie (certains réclament un refus définitif des permis d'exploitation) met en lumière les dégâts du principe de précaution. Ce manque de confiance des dirigeants dans la capacité de leurs concitoyens à résoudre les problèmes qu'ils rencontrent est spécifique à notre pays. Pas étonnant que les jeunes Français soient en tête pour le pessimisme et le découragement.
L'égalitarisme contre l'intérêt général
L'égalitarisme qui règne en France tend à aggraver cette tendance : l'intérêt à agir est faible et celui à ne rien faire est fort. Les sites et les populations qui accueillent des mines ou des établissements polluants n'en tirent qu'un avantage mineur. Ceux qui les refusent ne sont en rien pénalisés. C'est le cas de la Bretagne qui, consommant de plus en plus d'électricité et disposant pourtant de sites de production très favorables, a refusé toute construction de centrale nucléaire sur son sol. C'est son droit, à condition d'en accepter les conséquences. Mais elle paie le Mwh importé à grands frais des autres régions exactement au même prix que partout ailleurs. De même, ceux qui militent, par conviction ou par intérêt financier, en faveur de la construction sur leurs terrains de centrales photo-voltaïques ou éoliennes, paient leur électricité au tarif unique tout en reportant sur les autres le coût des subventions dont ils profitent. Au nom de l'égalitarisme, on a tué une motivation individuelle qui servirait en réalité l'intérêt général.
D'autre pays européens comme la Pologne disposent aussi de sous-sols favorables aux gaz de schiste et vont rapidement entreprendre son exploitation. C'est dans ces pays que les techniques et les métiers industriels correspondants vont y être développés. Pas en France. )]