Pourquoi Macron aurait dû supprimer le Conseil économique, social et environnemental
Tous les mercredis, avant le Conseil des ministres, Le Macronomètre, l'observatoire des réformes du gouvernement lancé par la Fondation iFRAP, attribue une note aux réformes d'Emmanuel Macron. La note de la semaine du Macronomètre est présentée dans le Figaro. Cette semaine : 3/10 sur la transformation du CESE prévue par le gouvernement.
Enfin, le gouvernement a décidé de réformer le Conseil économique, social et environnemental, ou «plan social des recalés du suffrage universel», comme l'aurait surnommé François Hollande. Ce conseil est gravé dans le marbre de notre Constitution au titre XI et il est soutenu par des antennes régionales (Ceser). Toutes sont intégralement financées sur fonds publics pour un total de 100 millions d'euros. Le Cese par l'État, à hauteur de 38 millions d'euros par an, et les Ceser par les conseils régionaux, avec 63 millions toutes régions confondues (dont 3,5 millions d'euros pour l'Occitanie, par exemple). Concernant le nombre de rapports produits, il est faible : 25 rapports et avis en 2017 pour un coût moyen de 1,5 million d'euros le rapport...
À cela il faut ajouter les Conseils économiques et sociaux locaux (Cesel), des instances consultatives communales qui ont poussé dans les territoires (Issy-les-Moulineaux, Pessac, Chartres, etc.). Celui de Boulogne-Billancourt a été épinglé par la Chambre régionale des comptes d'Île-de-France car sur la période 2010-2016, le coût moyen pour une page de rapport était de 7 000 euros (27 rapports en 7 ans, pour un coût total de 1,06 million d'euros).
Absentéisme
Les membres du Cese sont au nombre de 233. Leur absentéisme est souvent pointé du doigt : autour de 30% à Paris. Les conseillers sont indemnisés 3 800 euros bruts mensuels en deux indemnités : indemnité représentative de frais de 1 986,76 euros qui, à l'instar de l'indemnité de frais des parlementaires, n'est pas imposable, et l'indemnité de fonction de 1 860,23 euros, généralement reversée aux partenaires sociaux par leurs bénéficiaires (35 millions d'euros de financements pour la CGT entre Cese et Ceser selon le rapport Perruchot).
Étrangement, l'indemnité de frais des membres du Cese n'est pas imposable mais est soumise à la cotisation retraite. Le système de pension, très déficitaire du Cese, permettait après un mandat de 5 ans d'avoir droit à une pension mensuelle de 700 euros. Le mode de calcul a été modifié par Jean-Paul Delevoye quand il en était président et le taux de remplacement divisé par deux, ce qui est toujours largement supérieur au rendement des cotisations dans le régime général…
Pour son fonctionnement, le Cese emploie près de 140 fonctionnaires avec un niveau élevé de rémunération, autour de 4 000 euros en moyenne. La grille de rémunération est calée sur celle des assemblées parlementaires. Le temps de travail des agents du Cese est aussi très faible avec 54 jours de congés annuels (25 jours de congés payés, 11 RTT, 12 jours Cese et 6 jours entre Noël et la Saint-Sylvestre). Les agents du Cese se trouvent dans l'impossibilité matérielle d'atteindre le quota théorique de 1 607 heures selon la Cour des comptes. Les agents d'accueil et les huissiers bénéficient par ailleurs de régimes spécifiques favorables : en pratique, la durée du travail est comprise entre 1 353 et 1 402 heures par an - auxquelles s'ajoutent 72 heures pour six samedis de présence.
Les nominations par des organisations représentatives (syndicats, associations, etc.) au Cese sont effectives cinq ans, renouvelables ou à la discrétion de l'exécutif, qui désigne des personnes qualifiées. Force est de constater que les membres issus du paritarisme représentent plus de la majorité : 130 conseillers, dont 69 issus des syndicats de salariés et 61 représentants patronaux ou indépendants. Le reste des sièges se partage entre les représentants associatifs et environnementaux, ainsi que les 40 personnes qualifiées que le gouvernement choisit. Leur avis est seulement consultatif. Le gouvernement ne saisit le Cese que 5 à 6 fois par an. Pour alimenter son programme de travail, l'institution n'a d'autre choix que de «s'autosaisir».
A l'occasion de la réforme constitutionnelle, le gouvernement espère transformer le Cese en une «chambre du futur» de, non plus 233, mais 155 membres (les 40 nommés par le gouvernement seront désormais choisis par les organisations syndicales ou les associations). Cette «nouvelle» chambre aura pour mission d'éclairer les pouvoirs publics sur les enjeux économiques, sociaux et environnementaux, en s'appuyant sur les expertises nécessaires. Elle organisera la consultation du public. Elle pourra être saisie par voie de pétition. La chambre sera systématiquement saisie des projets de loi ayant un objet économique, social ou environnemental, mais facultativement sur d'autres textes ainsi que les propositions de loi. L'avis de la chambre sera publié avant celui du Conseil d'État. Le Cese nouvelle formule aura de nouvelles compétences et pourrait devenir un «réceptacle des pétitions citoyennes».
Des fonds mal employés
Au vu des performances et des coûts de fonctionnement du Cese, une réforme constitutionnelle plus ambitieuse aurait été la bienvenue. On ne peut que rester sur sa faim. Pas un mot des Ceser et Cesel au niveau organique ou ordinaire afin de consolider la réforme au niveau territorial. Par ailleurs, en quoi cette assemblée de la «société civile», qui est en fait une assemblée paritaire (comme un grand nombre de nos organismes sociaux), représente-t-elle la société civile (déjà représentée par le Parlement) ? En quoi peut-elle éclairer le Parlement qui cherche lui-même à se doter (angle mort de la réforme constitutionnelle du gouvernement) d'un organe d'audit indépendant comme en bénéficient les Parlements des grandes démocraties ? La solution était, non pas de réduire (même si c'est un pas en avant), mais de supprimer les Cese et Ceser afin d'économiser 100 millions d'euros de budget, dont une partie pourrait largement financer l'essentielle mission de contrôle de politiques publiques de notre Parlement, et par voie de conséquence interdire les Cesel, puisque les budgets des communes sont aujourd'hui contraints. D'où cette note de 3/10.