Absentéisme dans les conseils régionaux : les bons chiffres
A l'occasion de la sortie de l'étude « Régions : pour une vraie réforme », la Fondation iFRAP réalise un focus sur l'absentéisme dans les conseils régionaux. Les résultats de cette étude montrent que l'on compte en moyenne 27,7 jours d'absence dans les conseils régionaux dont 14,6 jours au titre de la maladie dite ordinaire. Parmi les mieux placés en matière d'absentéisme : la Basse-Normandie, la Champagne-Ardenne et la Bretagne avec respectivement 20,8, 22,6 et 22,7 jours d'absence par agent au total. En queue de peloton : Nord-Pas-de-Calais, Aquitaine et PACA avec plus de 33 jours d'absence. Une situation sur laquelle il est urgent d'agir. D'autant que les différences avec le secteur privé sont sans appel : de 8 à 14 jours d'absence de plus que les salariés du secteur privé selon les régions.
La Fondation iFRAP s'est procuré les bilans sociaux des 22 conseils régionaux métropolitains. Ce rapport compile les données sur les effectifs, le temps de travail, les rémunérations, les conditions de travail et d'hygiène et de sécurité, la formation, les concours et les examens professionnels, et les droits sociaux (action sociale, droits syndicaux et conflits du travail). Pour une explication complète sur la méthodologie voir la note ici.
Classement absentéisme
Ces données sont issues du dépouillement des rapports. Les années qui figurent entre parenthèses pour chaque conseil régional correspondent à l'année du bilan social. Rappelons que ce document est obligatoire dans les collectivités de plus de 300 agents et qu'il est réalisé tous les deux ans, ce qui explique ces différences. Plusieurs collectivités contactées nous ont indiqué que le bilan social 2013 n'avait pas fait encore l'objet d'une approbation pour publication au moment où nous leur avions écrit. Le graphique montre une dispersion importante des résultats selon les régions avec un rapport de presque un à deux (1,8) en ce qui concerne les absences pour maladie ordinaire. Une telle dispersion n'est pas sans conséquence sur le budget des conseils régionaux concernés. Dans le document intitulé "Synthèse nationale des bilans sociaux" de 2011 de la DGCL, on peut lire : "Globalement, le coût annuel direct des absences pour maladie ordinaire des titulaires de la FPT peut être estimé à 1,2 milliard d'euros". À l'échelle des régions, nous avons estimé ce coût à 225 millions d'euros [1].
La Cour des comptes a de nombreuses fois rappelé que prévenir l'absentéisme faisait partie des mesures à mettre en oeuvre pour se redonner des marges sur les dépenses de personnel.
« Les collectivités locales disposent de leviers multiples pour contrôler les dépenses de personnel. Les effectifs constituent un élément déterminant de l'évolution de la masse salariale, mais de nombreuses autres décisions des assemblées délibérantes influent sur cette dépense, notamment celles concernant les rémunérations (déroulements de carrière et régimes indemnitaires). Les marges d'inflexion restent significatives s'agissant du temps de travail, des régimes indemnitaires ou de la prévention de certaines absences pour raisons de santé. L'optimisation de l'organisation peut aussi fournir des pistes d'économies [2]. »
Il semble que toutes les collectivités n'en soient pas convaincues, si l'on en croit la Chambre régionale des comptes d'Ile de France qui pour le conseil régional d'Ile de France a relevé "la région fait valoir que le fait que l'agent travaille ou non ne représente pas un coût supplémentaire", une affirmation surprenante [3] !!
Quels enseignements tirer de cette enquête ?
Dans le graphique ci dessus nous avons classé les conseils régionaux par taille croissante de population. Les huit derniers conseils régionaux ont des populations supérieures à la moyenne nationale (moyenne métropolitaine : 3,4 millions d'habitants). Or il apparaît que 6 sur ces 8 conseils régionaux affichent un absentéisme (toutes causes) par agent supérieur ou égal à la moyenne. Ce qui est confirmé par des études de l'assureur Dexia-Sofcap menées auprès d'un grand nombre de collectivités qui "enseignent que la taille de la collectivité est le premier facteur explicatif des niveaux d'absence : plus l'effectif s'accroît, plus le taux d'absentéisme de la collectivité est important", explication donnée par la région Aquitaine dans son bilan social 2012. Dès lors on ne peut que s'inquiéter de la réforme territoriale en préparation qui vise justement par des régions fusionnées à donner des ensembles encore plus importants. De plus, avec les transferts de compétences des départements (routes, voirie, collèges), c'est un doublement des effectifs qui est à prévoir (82 000 agents [4]actuellement, 100 000 environ à transférer). Il faut donc mettre en place des garde-fous : la lutte contre absentéisme est une priorité.
Comparaison avec le secteur privé
Nous avons rapproché ces données des résultats d'enquêtes pour le secteur privé réalisées par la société de conseil en performance RH Alma consulting group (voir aussi la note méthodologique pour les conditions du rapprochement de deux enquêtes). *Chiffres Alma consulting group pour les salariés du secteur privé
Le principal levier pour le secteur privé pour lutter contre ce problème est le jour de carence. La mesure qui avait été mise en place en 2012 a été supprimée à compter de 2014. Selon la Cour des comptes, l'économie attendue de cette mesure devait être de 122 millions d'euros pour les trois fonctions publiques dont 65 millions d'euros pour la fonction publique territoriale. D'ailleurs, selon les premières études publiées, la mesure avait un effet sur l'absentéisme de moins de 15 jours : selon une étude de Sofcap de juin 2013 citée par la Gazette des communes, "le taux d'absentéisme avait ralenti sa progression en 2012 sous l'effet d'une baisse des arrêts de courte durée pour maladie ordinaire. Mais l'économie générée est faible au regard du coût des arrêts longs qui, eux, continuent d'augmenter" précisait l'article.
Avec la suppression du jour de carence, il ne reste plus pour les collectivités que des mesures qui sont dans l'immédiat autant de coûts supplémentaires, à savoir la mise en place de primes d'assiduité ou des mesures de contre-visites. La Fondation iFRAP, qui avait été à l'origine de la mise en place du jour de carence, propose qu'à défaut soit appliquée la règle en vigueur dans la convention collective des banques, qui prend en charge les 3 jours de carence (en vigueur dans le privé) pour deux arrêts maximum sur une période de 12 mois glissants.
L'indemnisation maladie des fonctionnaires territoriauxLes agents fonctionnaires (stagiaires et titulaires) affiliés à la CNRACL (caisse de retraite des fonctionnaires locaux) relèvent d'un régime spécial de Sécurité sociale. Par conséquent, ils ne relèvent pas du régime général où les prestations sont versées par la Caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM). Pour eux, les prestations émanent le plus souvent de l'employeur territorial lui-même. Ne sont pas affiliés à la CNRACL, les agents non titulaires, les agents titulaires et stagiaires occupés dans un emploi permanent moins de 28 heures par semaine, les personnes embauchées sous contrats aidés (contrats d'insertion emplois d'avenir). Ces agents relèvent du régime général de la Sécurité sociale pour l'ensemble des risques.
[1] 37.000 euros annuels de salaire chargé en moyenne par agent que multiplie le nombre d'agents équivalent temps plein que représentent les jours d'absences (jours d'absences toutes causes/365)
[2] Cour des comptes, Les finances publiques locales, rapport 2013 p.223
[3] rapport CRC IDF, rapport d'observations définitives sur la gestion des ressources humaines de la région Ile-de-France, p. 33
[4] métropole et dom-tom compris