La Banque de France se lance dans une cité musée de l'économie
La Banque de France s'ennuie. La Banque Centrale Européenne et ses 2.000 employés l'ont déjà privée de ses rôles les plus prestigieux et les plus intéressants : fixer les taux d'intérêt et décider de l'alimentation du marché en liquidités. Alors elle cherche à s'occuper. D'abord avec le suivi des ménages surendettés. Et maintenant avec un projet beaucoup plus amusant, la création de la « Cité de l'économie et de la monnaie » dans un prestigieux hôtel particulier parisien. Mais quand l'urgence est à la réduction des dépenses publiques, est-il acceptable d'en engager de nouvelles ?
Tout près du Parc Monceau, dans le plus luxueux secteur du XVIIème arrondissement de Paris, l'hôtel particulier Gaillard a été longtemps occupé par des services et une agence de la Banque de France. Une époque où ni la surface occupée par salarié ni le prix de revient du mètre carré de bureau ne devaient intéresser les gestionnaires de la Banque de France (en 2005, la Cour des comptes avait constaté que chaque employé de la Banque disposait de 75 mètres carrés – la norme est de 12 dans la fonction publique). Six années se sont écoulées entre la création de la BCE en 2000 et le début d'une réforme de la Banque de France. Mais à partir de 2006, la Banque de France a dû commencer à abandonner à regret certains de ses prestigieux bâtiments comme ceux situés sur la Croisette à Cannes ou en face du Palais des Papes à Avignon. A Paris, l'Hôtel de Gaillard a été fermé, au désespoir sans doute des personnes qui y travaillaient et des personnes qui y avaient leur logement de fonction. C'est dans ce petit palais néo-renaissance que la Banque de France a décidé de mettre en place une « Cité de l'économie et de la monnaie ».
Mais la Banque de France conserve encore de prestigieux locaux dont l'hôtel de Toulouse, son siège social parisien, ou une vaste agence Boulevard Raspail.
Quelle économie ?
Les Français étant réputés faibles en économie, tout ce qui tendrait à améliorer leur formation serait bienvenu. D'autant plus que les débats politiques portent à 90% sur ce thème. Mais quelle est la légitimité de la banque de France en matière de vulgarisation de l'économie réelle ?
S'il s'agit d'exposer le franc or, germinal, Poincaré, ancien, nouveau et les assignats, ce sera certainement très beau.
S'il s'agit d'expliquer l'impact des taux de change entre monnaies, l'importance des masses monétaires M1/M3, les différents taux d'intérêt, les avantages et inconvénients de l'inflation, le problème de la balance commerciale et de celle des paiements, ou l'importance du contrôle des banques, la Banque de France est certainement capable de faire des cours brillants sur ces sujets.
La fréquentation du musée de l'hôtel Gaillard sera importante. Quelques amateurs d'architecture voudront visiter cette curiosité, et surtout des classes entières y seront traînées d'office, c'est prévu, 50.000 enfants par an. Mais qu'auront-ils compris de l‘économie en deux heures de visite après avoir regardé de magnifiques documents et pianoté fébrilement sur des claviers ?
Pour une ouverture sur l'économie de terrain
Au lieu d'enfermer l'économie dans ce petit palais et de traiter de sujets très éloignés de la réalité proche et compréhensible, c'est dans des PME, pas dans un musée, qu'il est possible d'expliquer l'économie par des exemples concrets. Découvrir comment des produits sont imaginés, mis au point, fabriqués et vendus peut intéresser des enfants dès 10 ans. Qu'il s'agisse de chaises, de pains, de pare-chocs, de produits agricoles, d'assiettes ou de livres, il est facile de faire toucher du doigt aux jeunes les sujets des emplois, des salaires, des fournitures, des équipements, des prix, des impôts, des charges sociales, des marchés, de la concurrence française et étrangère, des capitaux nécessaires, des bénéfices, des pertes, des dividendes. Si les enfants du primaire jouent « à la marchande » ou au Monopoly, comprendre des cas concrets de PME constitue l'étape naturelle suivante pour ceux du secondaire et leurs parents.
[( Chamalière : une PME de fabrication des billets
Une de ces PME d'initiation à l'économie pourrait très bien être l'usine de fabrication des billets de la Banque de France à Chamalière : le produit est connu, les machines sont spectaculaires, la contrainte des prix de revient est devenue réelle, et la concurrence internationale aussi.)]
Un mauvais début en économie
La Banque de France était sans doute consciente que l'ouverture d'un nouveau musée à Paris pouvait choquer les Français en cette période de déficits et de baisse des dépenses quand elle a déclaré : « Le coût du musée sera entièrement pris en charge par la Banque de France ». Quand la Fondation de Bernard Arnault décide de consacrer 100 millions d'euros à un musée d'art moderne à Paris, elle peut vraiment dire « Cela sera entièrement pris en charge par la Fondation ». Mais dans le cas de la Banque de France, ses dirigeants ne proposent apparemment pas de financer le projet sur leurs deniers propres. C'est sur les Français que la Banque de France transférera toutes les dépenses de construction et de gestion de ce musée. Le coût annoncé est de 30 millions d'euros, sans doute sous-estimé et qui ne prend pas en compte le coût des personnels détachés gratuitement par les ministères : des enseignants d'économie ont déjà rejoint l'équipe du musée, et le ministère de la culture et la Bibliothèque nationale s'en mêlent. Le coût de gestion annuel de cet ensemble complexe de 6.000 mètres carrés n'est pas publié par la Banque de France, mais sera de plusieurs millions d'euros par an.
En laissant croire que cette Cité ne coûterait rien aux Français, la Banque de France a donné une très mauvaise première leçon d'économie. La situation financière de notre pays est critique et seules les dépenses indispensables doivent être engagées. Le projet de Cité de l'économie et de la monnaie est certainement prestigieux et motivant pour les personnels de la Banque qui vont s'en occuper. Mais la bonne solution est de vendre cet hôtel particulier et d‘accélérer la baisse des effectifs de la Banque de France. Une façon de réduire notre déficit et notre dette de plusieurs dizaines de mllions d'euros, au lieu de les aggraver. La Banque de France emploie encore 13.000 salariés contre 2.000 à la Bank of England qui, elle, située hors de la zone euro, a conservé toutes ses responsabilités de gestion de la Livre sterling.
Quand la France disposera de marges financières, notre proposition est d'encourager des PME, à travers toute la France, à accueillir des groupes de collégiens et de lycéens, et non seulement de leur faire visiter leurs installations comme elles le font parfois maintenant, mais aussi de leur expliquer le fonctionnement économique de leur entreprise.
[(Baisse des activités de la Banque de France
- Transfert de missions régaliennes à la Banque Centrale Européenne
- Suppression de la gestion des comptes en banque de clients et des salariés
- Ouverture de la fabrication des billets en euros à la concurrence internationale )]