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Baisse du nombre d’élèves : c’est 6 600 (et non pas 4 000) postes d’enseignants qu’il faudrait supprimer en 2024

Dans le budget 2024 qui vient d’être présenté, il est attendu que 4 000 postes d’enseignants soient supprimés ce qui a suscité de vives réactions. La réponse du ministère n’a pas tardé et est la même qu’en 2024, à l’annonce de 2 500 postes supprimés : il s’agirait d’un ajustement des effectifs d’enseignants à la baisse du nombre d’élèves. C’est vrai… et faux en même temps : en effet, lorsqu’on se penche sur les données disponibles (Depp, loi de programmation et IGF), il faudrait supprimer 26 700 postes d’enseignants entre 2023 et 2027 pour s’aligner sur la baisse démographique du nombre d’élèves, soit un rythme de 6 685 postes supprimés par an. 

Il est également important de remettre en perspective l’équivalence de ces 4 000 postes : il ne représente que 0,5% des effectifs totaux d’enseignants et un effort de non-remplacement de 17% des départs à la retraite. Néanmoins, si l’émoi est là, c’est surtout à cause de l’absence de données publiques sur le sujet. En France ce sujet est tabou… mais ce n’est pas le cas partout. Outre-Rhin, par exemple, des projections sont régulièrement publiées sur le sujet afin de calculer les besoins en formation de nouveaux enseignants. 

Des projections sur les élèves et les enseignants tous les 2 ans en Allemagne

En Allemagne, les Land ont la compétence de l’Education : ils forment, recrutent et payent leurs enseignants selon leur propre modalité. L’Etat, soit le niveau fédéral, a alors le rôle de garant que les moyens et la qualité de l’éducation soient équitable sur le territoire. Cette gestion permet de mieux suivre les besoins locaux, d’autant qu’une véritable transparence existe sur le sujet. Ainsi, la plupart des Lands publient des projections sur les besoins à venir en nombre d’enseignants et le nombre de places de formations existantes. Au niveau fédéral, la Conférence des ministres de l’Education et de la Culture (KMK) publie, tous les deux ans et depuis 2011, une version consolidée de ces projections sur l’évolution du nombre d’élèves, le nombre de recrutements d’enseignants nécessaires, qui prend en compte les départs à la retraite, et les capacités de formation d’enseignants du pays. 

La dernière projection publiée en septembre 2023 prévoyait une hausse du nombre d’élèves de 11,8%, soit 1 million, d’ici 2035. L’évolution des effectifs est détaillée par niveau scolaire, par type d’enseignements (général, professionnel, etc) mais aussi par territoire. Il est, ainsi, attendu que 884 000 nouveaux élèves viennent renforcer les effectifs des villes-Land de Berlin, Hambourg et Brême tandis que les Land de l’Est verront leurs effectifs diminuer. En face, KMK estime que le besoin de recrutement d’enseignants d’ici 2035 est de 463 000 postes, en incluant le remplacement des départs à la retraite et l’augmentation des effectifs liée à l’augmentation du nombre d’élèves. Le KMK souligne qu’à l’heure actuelle, la capacité de formation du pays ne permettra de diplômer que 395 000 nouveaux enseignants sur la période. 

D’un point de vue statistique, il faudrait supprimer 6 685 postes d’enseignants par an en France

En France ? Ce travail de projection n’est pas fait. Elisabeth Allain-Moreno, secrétaire générale du SE-Unsa, expliquait en 2023 que « aucun travail prospectif n’est mené en concertation. Les ministres changent souvent et veulent marquer leur passage Rue de Grenelle sans forcément prendre en compte ces tendances de fond ». Au niveau local, c’est aussi flou puisque Emilie Kuchel, présidente du Réseau français des villes éducatrices déclarait également : « de combien d’enseignants a-t-on besoin sur un territoire donné ? C’est un dialogue de gestion que nous n’avons pas avec l’éducation nationale ». 

On trouve cependant quelques informations éparpillées dans différentes sources :

  • En mars 2023, le ministère de l’Education donnait bien ses prévisions d’effectifs d’élèves de 2023 à 2027 mais ne consolide par les niveaux scolaires. Il attend ainsi 286 000 élèves du premier degré en moins d’ici 2027, 112 000 en moins dans le second degré, soit -398 000 élèves. En novembre 2023, le ministère dans son dossier de presse relatif du budget 2024 parlait désormais d’une baisse de 500 000 élèves entre 2023 et 2027 et que « cette forte baisse démographique induirait mécaniquement 5 000 retraits d’emplois enseignants en retenant une logique de stricte proportionnalité [mais que] le Gouvernement choisit toutefois de conserver la moitié de ces emplois pour améliorer les conditions d’enseignement ».
  • La loi de programmation des finances publiques 2023-2027 qui devait initialement être votée en décembre 2022 mais a finalement été adoptée en décembre 2023 planifiait alors une baisse des schémas d’emplois de -15 500 équivalents temps plein (ETP) sur cinq ans pour les enseignants. 
  • Enfin, il faudra attendre septembre 2024 et la publication d’un rapport spécial de l’IGF relatif aux dépenses en faveur de la jeunesse pour trouver des données plus complètes et surtout croisées. 

L’IGF parle, ainsi, bien d’une baisse de 556 000 élèves des années scolaires 2022-2023 à 2027-2028, une baisse ressentie à 77% sur les effectifs du premier degré et à 20% au niveau du collège. 

Le rapport présente aussi des cartes indiquant comment cette baisse va impacter les départements : les données précises ne semblent, à ce stade, pas accessible. 

Mais surtout, le rapport revient que la programmation d’une baisse de 15 500 postes ETP d’enseignants entre 2023 et 2027, équivalent à 60% de la baisse démographique du nombre d’élèves. L’IGF explique alors que l’application budgétaire pure de la baisse du nombre d’élèves aux recrutements d’enseignants devrait inclure une baisse de 11 241 postes ETP additionnels, soit une baisse totale de 26 700 postes. Cela reviendrait à supprimer 6 685 postes ETP d’enseignants par budget en 2024, 2025, 2026 et 2027.