Education nationale : le Ministère peine à supprimer des postes
Les (syndicats d') enseignants accusent le « manque de moyens » et surtout les suppressions de postes auxquelles l'Education nationale serait confrontée depuis quelques années. Mais les choses sont un peu plus complexes que cela. En effet, si en facial, dans la Loi de Finances pour 2011, nos parlementaires ont voté 16.000 suppressions de postes (600 personnels administratifs et 15.400 enseignants), le plafond d'emplois de l'Education nationale augmente de 4.578 postes entre 2010 et 2011, passant de 963.616 à 968.194 personnels… Il faut dire que le ministère a « retrouvé » 20.000 emplois qui n'avaient pas été précédemment comptabilisés.
Pire, si l'on réintègre les personnels techniques (TOS passés de 90.000 à 120.000 depuis 2005) qui étaient auparavant payés par l'Etat et les assistants d'éducation payés désormais directement par les établissements, les personnels qui travaillent au service de l'éducation (1,15 million de personnes) sont en réalité en 2011 aussi nombreux qu'en 2002 alors que l'Etat affiche une baisse sur la même période de 13,2% des effectifs. Et pour cause : les assistants d'éducation par exemple, qui étaient 22.655 en 2003 sont désormais 63.734
Par ailleurs, bien que des postes soient officiellement supprimés, les dépenses de personnel entre 2010 et 2011 ont augmenté de près d'un milliard. Alors comment en arrive-t-on à avoir des professeurs aussi mécontents alors que les effectifs totaux n'ont en réalité pas diminué d'un pouce et que les dépenses de personnels de l'Education nationale sont en nette augmentation ? Outre cela, entre 2009 et 2011 par exemple, le budget de l'Education nationale est passé de 60 milliards à 63 milliards…
Comme le souligne le rapport du sénateur Longuet, le Ministère semble avoir des difficultés à compter les heures de travail de ses enseignants et de ses autres personnels, ainsi que leurs départs en retraite (les prévisions de départs sont faites 5 ans à l'avance pour des personnels qui doivent annoncer leur choix de partir en retraite 2 ans avant) et donc à ajuster effectivement leur nombre. Et le rapport de critiquer « l'augmentation paradoxale du plafond du ministère de l'éducation nationale alors même que le PLF pour 2011 prévoit la suppression de 16.000 emplois à la rentrée 2011 ».
Pour expliquer cela [on supprime plein des postes mais on dépense plus], il semble que nombre de suppressions de postes soient en réalité par exemple des suppressions des postes de professeurs-stagiaires ou des suppressions de postes comptables. En effet pour 2011, il est clair que dans les 16.000 postes affichés, « 5.600 enseignants en surnombre dans le 1er degré » ont été supprimés.
Le sénateur Carle, que nous avions interviewé en décembre 2010, avertissait déjà du danger qu'il y a à parler de « 16.000 suppressions de postes » : « sur les 13.767 postes d'enseignants du public, 5.600 sont des régularisations comptables, donc virtuelles, de surnombre dans l'enseignement primaire dues à de mauvaises prévisions de départs en retraite. (…). »
Le Ministère de l'Education nationale est-il fâché avec le calcul ?« Réunie le mercredi 17 novembre 2010, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de MM. Thierry Foucaud et Gérard Longuet, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Enseignement scolaire ».
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. (…)Toutefois, en matière d'emplois, l'aspect le plus spectaculaire concerne le ministère de l'éducation nationale qui semble manifestement fâché avec la comptabilité. En effet, il nous propose, en 2011, un effort de suppression d'emplois comparable à celui de l'année précédente, soit 16.000 postes de moins à la rentrée prochaine, tout en réévaluant son plafond d'emplois de 20.359 ETPT. In fine, le plafond d'emplois augmente entre 2010 et 2011 de plus de 4.000 ETPT.
M. Jean Arthuis, président. – Pourtant le calcul fait partie des fondamentaux [à l'école]…
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. – Oui, Monsieur le Président, mais pas la comptabilité ! »
Source : Rapport Longuet
Pour une gestion plus flexible des enseignants
En France, quand l'Etat recrute un enseignant, il le fait pour une durée de près de 40 ans. Ensuite, il gère les ressources humaines de la manière la plus étrange : les plus jeunes professeurs allant dans les établissements les plus difficiles et les plus expérimentés dans les autres, tout cela en vertu d'acquis statutaires… Certains pays ont choisi de réduire cette contrainte par le recours systématique à des enseignants contractuels. La France n'est malheureusement pas dans ce cas, parce que les syndicats bloquent toute évolution dans ce sens, craignant certainement que l'arrivée massive de contractuels compétents ne sonne la remise en cause de leur système de notation égalitariste à l'ancienneté dissocié de l'intérêt des élèves.
Quant à accuser la France de ne pas financer l'enseignement des jeunes, elle est à relativiser ! Dans la part de la richesse nationale consacrée à l'éducation, la France se situe légèrement plus haut que la moyenne des pays de l'OCDE (6% contre 5,7%). La dernière enquête PISA montre d'ailleurs que la France, consacre 74.600 dollars par élève de 6 à 15 ans, contre 69.100 dollars en moyenne dans les pays de l'OCDE. Et pourtant, dans le classement PISA, la France perd des places. Ne serait-ce pas lié à une gestion hyper-bureaucratique de l'Education nationale ? Tellement bureaucratique qu'on ne sait plus où sont les professeurs, qu'on a finalement plus de personnes à rémunérer mais qu'on nous brandit toujours ces fameux 16.000 postes soi-disant supprimés. Mais en fait ? Bienvenue en absurdie.
A l'occasion de ses vœux pour l'année 2011, Nicolas Sarkozy déclarait au monde de la Culture et de la Connaissance : « depuis le début des années 90, il y a 600.000 enfants de moins et il y a 45.000 enseignants de plus. La réponse ne peut pas être celle uniquement du niveau des effectifs [1] ».
[1] Le discours des vœux du Président au monde la Connaissance et de la Culture, 19 janvier 2011.