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Absentéisme : encore une démonstration de l'effet du jour de carence

Les statistiques du cabinet Sofaxis parues cette semaine à propos de l'absentéisme dans les collectivités locales, relancent le débat sur l'intérêt du jour de carence. Avec 40 jours d'absence en moyenne en 2013 contre 34 en 2007, le cabinet met en avant une nette progression de l'absentéisme (+18%) avec à la clé une augmentation du coût des absences évaluée à 1.772 euros par agent employé.

Les principaux résultats de cette étude :

Le cabinet évalue l'impact de l'absentéisme au moyen de trois indicateurs :

  • La durée des absences qui indique la gravité ;
  • La répétition des absences qui renvoie à la fréquence ;
  • Le nombre d'agents absents qui indique l'exposition au risque d'absentéisme.

Pour chacun de ces thèmes plusieurs chiffres sont détaillés. Nous vous renvoyons à l'étude complète pour plus d'informations : [1]

Les principales informations sont les suivantes :

  • Le taux d'absentéisme a bondi de 18% entre 2007 et 2013 : si l'on regarde par nature d'arrêts, on voit que ce sont les accidents du travail qui ont le plus progressé (+48%), suivi de la maladie ordinaire (+27%) ; la longue maladie progresse de 3% et la maternité recule de 7% ;
  • La durée moyenne des arrêts est de 40 jours : 23 jours pour la maladie ordinaire, 101 jours pour la maternité, 221 jours pour la longue maladie, et 53 jours pour les accidents du travail. La durée moyenne a augmenté de 6 jours en 6 ans. L'étude explique que « ce phénomène est notamment lié à l'augmentation de la gravité en accident du travail, mais également en maladie ordinaire en 2012 et 2013, consécutivement à la baisse des arrêts de courte durée (1 à 3 jours) » ;
  • Indicateur légèrement différent du précédent mais qui se rapproche des enquêtes de la Fondation iFRAP : le nombre de jours d'arrêt par agent employé. Il se situe à 25 jours en 2013 et se décompose en 11 jours pour la maladie ordinaire, 8 jours pour la longue maladie/longue durée, 4 jours pour l'accident du travail, 2 jours pour la maternité. Le nombre de jours d'arrêt par agent employé progresse de 17% entre 2007 et 2013 ;
  • La fréquence des arrêts atteint 60 arrêts pour 100 agents. La maladie ordinaire représente 80% des arrêts, puis les accidents du travail (12%). La fréquence des arrêts a progressé entre 2007 et 2011 passant de 59 à 70 arrêts pour 100 agents employés. Puis le mouvement s'est inversé en 2011 pour revenir à son niveau de 2007. L'étude indique « la baisse des arrêts maladie de courte durée, notamment expliquée par la mise en place du jour de carence est très forte ». Seuls les accidents du travail voient leur fréquence augmenter régulièrement et se stabiliser en 2013 ;
  • Enfin s'agissant de l'exposition des agents aux absences, elle est en augmentation de 8% depuis 2007 : la proportion d'agents en arrêt était de 37% en 2007, de 42% en 2011 et de 40% en 2013. Là encore, l'étude indique que «  le fléchissement d'agents absents en maladie ordinaire explique ce phénomène ». Le nombre d'agents absents pour maternité et longue maladie est en baisse ; et c'est le nombre d'agents en arrêt pour accident du travail qui est en hausse (+16%) devant la maladie ordinaire (9%).

Comment ces résultats se rapprochent-ils de ceux des enquêtes publiés par la Fondation iFRAP

Rappelons que dans le cadre de notre enquête sur l'absentéisme dans les conseils régionaux sortie le mois dernier dans Société civile, nous parvenions aux chiffres suivants : 27,7 jours d'absence dans les conseils régionaux dont 14,6 jours au titre de la maladie dite ordinaire. Ces chiffres, pour des raisons de méthodologie, ne comprenaient pas les arrêts maternité contrairement à l'étude Sofaxis. Mais nous avions calculé qu'en moyenne, il fallait additionner 1,4 jour de maternité.

Par ailleurs, en début d'année 2014, nous avions également publié des chiffres pour les 30 plus grandes villes de France : les chiffres étaient assez proches de ceux des régions mais cette fois comprenaient les arrêts maternité : 26,4 jours d'arrêts toutes causes et 14,1 jours d'arrêts pour la seule maladie ordinaire.

Compte tenu des chiffres donnés par Sofaxis il apparaît que nos enquêtes sont cohérentes : 26 jours totaux en moyenne dans les grandes villes, 27,7 jours en moyenne dans les régions contre 25 jours dans l'étude Sofaxis qui porte sur tous les types de collectivités locales [2]

On peut donc en conclure que dans nos études portant sur de grosses collectivités, la taille de la collectivité est un facteur un peu aggravant de l'absentéisme. C'est d'ailleurs ce que confirmait l'enquête BILANS SOCIAUX 2011 - 8e SYNTHÈSE NATIONALE DES RAPPORTS SUR L'ÉTAT AU 31 DÉCEMBRE 2011 DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES (voir page 53), publié par la Direction générale des collectivités locales et le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale [3].

Les commentaires sur le rapprochement public-privé

Alors que nous nous étions appuyés sur des comparaisons public/privé pour nos enquêtes sur les 30 plus grandes villes de France et notre enquête régions qui mettaient bien en avant les différences en matière d'absentéisme, l'enquête Sofaxis veut écarter toute discussion à ce sujet : « De la même façon, toute tentative de comparaison entre statistiques d'absences pour raison de santé issues du secteur privé avec celles des Fonctions publiques est à envisager avec beaucoup de précaution. D'abord parce que les régimes de protection sociale sont différents (ne serait-ce que par les règles d'application d'une carence sur la maladie) : régime général et statut de la Fonction publique ne peuvent être valablement comparés. Quel secteur d'activité du régime général prendre en référence, pour espérer se rapprocher au plus près des activités exercées au sein d'une commune (voirie, espaces verts, restauration collective, état civil, bibliothèques, équipements sportifs …) ? »

L'étude précise même que : «  La même réserve prévaut lorsqu'il s'agit de comparer les résultats de deux communes. Du fait des transferts de compétences aux structures intercommunales, des délégations de service public… Les métiers exercés au sein de deux collectivités peuvent sensiblement différer. Les risques associés à ces métiers et les modalités de survenance des absences seront donc aussi différents, rendant toute comparaison hasardeuse. »

Il nous semble au contraire que ces comparaisons sont utiles : elles sont largement répandues dans les entreprises privées pour évaluer l'impact de l'absentéisme dans le temps ou avec les autres entreprises du secteur. Elles sont bien entendu utilisées avec les réserves qui s'imposent : l'absentéisme dans le secteur de la métallurgie traduit une exposition plus élevée aux risques d'accidents du travail que dans la banque par exemple. De même que le secteur de la banque qui comporte une plus forte proportion d'employées sera donc davantage exposé aux absences pour maternité…

Mais les comparaisons peuvent être instructives lorsqu'elles révèlent un poids plus élevé des absences, et notamment des absences pour maladie ordinaire dans le secteur public que dans le privé comme l'ont justement montré les chiffres que nous avions mis en évidence dans nos enquêtes. C'est d'ailleurs ces comparaisons qui ont guidé vers la mise en place en 2012 du jour de carence dont l'enquête Sofaxis estime qu'elle a eu un effet sur la fréquence et l'exposition des agents des collectivités locales à la maladie ordinaire. En revanche, la conclusion de Sofaxis est ambigüe dans sa rédaction, dans la mesure où elle indique que si la durée moyenne des absences s'est allongée au global de 6 jours sur la période 2007-2013, c'est notamment lié à l'allongement des arrêts en maladie ordinaire, consécutivement à la baisse des arrêts courts.

L'impact du jour de carence

Dans cette enquête il ressort très nettement que le jour de carence a donc eu un effet très important sur l'absentéisme pour maladie ordinaire. Ces absences de courte durée qui sont les plus fréquentes sont celles qui déstabilisent le plus le fonctionnement des services, provoquant à la fois l'insatisfaction des agents en place qui doivent faire face à une charge supplémentaire de travail (car pas de remplacement) et celles des usagers/clients. Cette étude est donc très importante et ses conclusions méritent d'être reconnues. Et ce, contrairement à ce qu'avait affirmé la ministre de la Fonction Publique, Madame Lebranchu, lorsqu'elle a annoncé sa suppression. Cette suppression était une forme de compensation au gel du point d'indice. Que les négociations salariales au sein de la fonction publique impliquent des compromis est une chose ; mais qu'au nom de ça on supprime ce qui est un outil pour les responsables locaux de maîtrise des coûts de personnel et de gestion des ressources humaines, n'est pas acceptable. D'ailleurs le Sénat a voté la restauration du jour de carence. Il est probable que l'Assemblée nationale défera cette décision mais elle le fera au mépris des chiffres qui sont aujourd'hui sur la place publique.

La proposition iFRAP :

La Fondation iFRAP, qui avait été à l'origine de la mise en place du jour de carence, propose qu'à défaut, soit appliquée la règle en vigueur dans la convention collective des banques, qui prend en charge les 3 jours de carence (en vigueur dans le privé) pour deux arrêts maximum sur une période de 12 mois glissants.

[1] http://fichiers.acteurspublics.com/…

[2] La population concernée par l'étude regroupe un échantillon de 366.700 agents affiliés à la CNRACL, répartis dans 18.500 collectivités assurées, pour toutes les natures d'arrêt (maladie ordinaire, maternité, longue maladie/longue durée, accident du travail).

[3] http://www.collectivites-locales.go…