Discours de Nicolas Sarkozy à Toulon : la voie du désendettement
Après le discours de Nicolas Sarkozy à Toulon et le discours d'Angela Merkel ce matin, on comprend encore mieux que la seule voie possible est celle du désendettement et que nul pays de la zone euro, à commencer par la France, ne pourra se permettre de continuer à donner dans le laxisme budgétaire. Il est frappant que la plus grande partie du discours du Président ait été consacrée à la nécessité du désendettement.
Même si le Président ne s'est pas exprimé sur ce qui se dira lors du sommet européen du 9 décembre, il semble avoir tenu un discours plus résolu que d'habitude. D'abord sur l'Europe : « L'Europe n'est plus un choix, c'est une nécessité », ce qui est un langage fort, puis sur l'obligation de discipline budgétaire, insistant notamment sur la continuation de la RGPP, sur les efforts à réaliser, la refondation de notre modèle social, indiquant même qu'il ne transigerait « jamais » sur l'objectif de convergence avec l'Allemagne.
Il est certain que cette prise de position ferme comporte un risque politique fort dans l'époque actuelle où les Français ne sont guère favorables à l'Europe, et dans une certaine mesure la voie ainsi désignée devient un engagement crucial et probablement clivant de la campagne présidentielle. Le risque est pris, il éclaire le débat et c'est tant mieux.
Reste encore à savoir plus précisément quelles politiques publiques seront ciblées en priorité. Il y aura un sommet social sur la compétitivité en janvier, une réforme du financement du modèle social et un changement de fond de la protection sociale. On attend avec impatience.
Sur le même sujet, l'OCDE a publié cette semaine un rapport sur la situation économique de la France soulignant à nouveau que notre pays doit absolument rompre avec la dérive des comptes publics. Le rapport OCDE souligne que le « non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite doit être poursuivi tout en limitant les rétrocessions des économies ainsi réalisées » et que « le regroupement des petites communes et la suppression de l'échelon départemental pourraient engendrer des économies substantielles », qu'il faut « introduire un élément incitatif dans les dotations de l'État en assignant des objectifs d'efficience aux collectivités territoriales », sur le volet santé, l'OCDE propose de réduire la durée des séjours à l'hôpital, plus longs en France que dans les pays comparables. A propos des retraites, l'OCDE propose « d'harmoniser la multitude des régimes de retraites ». Pour le logement social, recentrer l'éligibilité au parc social sur les ménages les plus modestes, ouvrir le marché des HLM aux fournisseurs privés, regrouper les organismes HLM existants et fixer le niveau des loyers en fonction des valeurs de marché et non pas du coût initial de la construction. En outre, l'organisme se positionne pour que la RGPP soit étendue aux collectivités locales et à la Sécurité sociale.
Ce rapport incite aussi la France à se doter d'une règle d'or budgétaire et d'un Conseil budgétaire indépendant pour : « évaluer les projections macroéconomiques réalisées par le gouvernement et qui sous-tendent le budget ; examiner la cohérence du programme pluriannuel avec la règle budgétaire ; identifier les failles qui pourraient être utilisées pour contourner les règles ; et détecter les dérapages en cours d'exécution. » Ce Conseil budgétaire indépendant pourrait être créé sur le modèle de l'OBR britannique avec des personnalités issues du secteur privé et expertes en politiques publiques. La Fondation iFRAP retrouve avec satisfaction dans le rapport de l'OCDE bien des recommandations figurant au plan de réduction des dépenses publiques qu'elle a publié en Octobre 2011.
« Pour réduire nos déficits nous devons éliminer nos mauvaises dépenses, celles qui sont inutiles, celles que l'on peut supprimer sans diminuer la qualité du service public. » A dit hier le Président à Toulon.
Oui, il faut dépenser moins et mieux mais maintenant la question qui va se poser va être comment dépenser moins sur les dépenses sociales, sur celles de l'État, sur les collectivités ? Avec des propositions concrètes. Il n'est pas tellement difficile d'en faire puisque nos politiques publiques ne sont quasiment pas contrôlées à ce jour par le Parlement dont c'est pourtant une mission essentielle. La réforme constitutionnelle de 2008 a d'ailleurs manqué à ce propos une belle occasion de faire travailler une partie de la Cour des comptes auprès du Parlement en lui faisant des propositions d'économies à réaliser.
« On n'éduque pas, on ne soigne pas comme hier. » a encore dit le Président. Dans les dépenses d'éducation, dans les dépenses de nos hôpitaux, les viviers d'économies sont énormes. Ces économies se chiffrent en milliards. Nous avons montré -la Cour des comptes aussi- que les hôpitaux publics génèrent chaque année 7 milliards de coûts supplémentaires sur les actes, par rapport aux cliniques privées, et que les écoles privées sous contrat sont moins chères pour la collectivité de plus de 2.000 euros par élève et par an.
Cette réforme en profondeur de nos politiques publiques à la fois attachée à des économies mais aussi à une amélioration de nos services publics, passera par des délégations de nos services publics et par une réforme en profondeur du statut des personnels, statut qui contribue à bloquer les réformes de fond depuis trop longtemps.
Politique publique par politique publique, une feuille de route doit être tracée le plus vite possible afin de permettre à la France de voir s'éloigner l'ombre angoissante de la dette, mais aussi de renouer avec la croissance.
Les 30 ans de dérives budgétaires imputables à la fois à la droite et à la gauche sont fondées sur deux erreurs majeures : ne pas avoir contrôlé année après année nos administrations mais aussi avoir oublié que l'entreprise et l'entrepreneuriat doivent être au cœur de notre modèle.
Demain, nous aurons vraisemblablement un pacte de stabilité de la zone euro renforcé et un contrôle plus important de nos budgets à Bruxelles, mais c'est la détermination politique en France qui permettra de faire les réformes qui peuvent nous sortir de la crise. Notre salut réside en grande partie dans notre détermination à sortir des incantations sur la dette et à dire vraiment où nous allons couper dans les dépenses. Une question de vérité mais aussi de transparence.
Un énorme chantierCeux qui espéraient une sortie, et des solutions rapides pour sortir de la crise, en seront pour leurs frais. Ce matin, la Chancelière allemande n'a pas hésité à dire qu'il faudrait plusieurs années pour résoudre cette crise, et le seul point sur lequel notre Président et la Chancelière convergent paraît se résumer à une proposition de modification du Traité pour dépasser l'union monétaire en allant vers l'union politique. Mais le mot tabou qui fâche, « fédéralisme », n'a pas été prononcé, ni d'un côté ni de l'autre. Quoi qu'il en soit, c'est un énorme chantier qui s'ouvre, et qui ne pourra être qu'à peine ouvert avant les prochaines élections dans les deux pays. La première question est de savoir si les marchés attendront, si, comme les gouvernants allemands ont l'air de le penser, mais pas les économistes dans leur majorité, les états comme l'Italie vont pouvoir continuer à emprunter à 8% à trois ans. Le pari paraît audacieux, malgré la détente observée ces jours-ci avec l'heureuse initiative prise par les banques centrales du monde entier. La seconde question sera de voir si, dans la durée, les futurs gouvernements suivront la même piste. Nous en aurons une première idée au cours de la campagne présidentielle. En attendant, travaillons à ce que pourrait signifier la « convergence » franco-allemande que notre Président appelle de ses vœux avec une détermination peut-être excessive.