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Education nationale : +8,7 milliards depuis 2019 malgré la baisse du nombre d'élèves

+8,7 milliards d'euros depuis 2019. Le train des dépenses pour le 1er degré et le 2nd degré, public et privé sous contrat, s'emballe par rapport à la période précédente, passant d'un rythme de +1,9 milliard/an entre 2016 et 2019 à +2,2 milliards entre 2019 et 2022. Un emballement des dépenses principalement porté par l'augmentation de la masse salariale du personnel non enseignant ainsi que les dépenses de fonctionnement de l'enseignement public assurées par les collectivités territoriales. Une dérive qui, dans un contexte de baisse du nombre d'élèves et de baisse à venir du nombre d'enseignants, doit nous interpeller. D'autant plus que l'enseignement privé continue de creuses l'écart en assurant les mêmes missions pour un coût inférieur de 32% en moyenne, tout financeurs confondus.

+8,7 milliards depuis 2019 : une dérive budgétaire portée par le public

Le ministère de l’Éducation nationale vient de publier son rapport, Repères et références statistiques 2024, qui nous permet de suivre l’évolution des dépenses pour l’année 2022. Faisant suite à notre étude 2021 sur le sujet, la Fondation IFRAP privilégie l’indicateur de la dépense totale pour le 1er degré et le 2nd degré pour l’enseignant public et privé sous contrat. Il en ressort une augmentation des dépenses de +8,7 milliards d’euros entre 2019 et 2022. Soit une augmentation moyenne de 2,2 milliards d’euros par an sur la période. Sur la période précédente, 2016-2019, le rythme d’augmentation des dépenses était de +1,9 milliard annuel. 

Variations des dépenses pour le 1er degré et le 2nd degré entre 2019 et 2022, en milliards d’euros

 

Variation

2019

2022

Dépenses totales (1er degré et 2nd degré, public et privé sous contrat)

+8,7

103

112

dont dépenses de personnel des enseignantsRémunération d'activité

+1,2

43,2

44,4

Retraites et pensions

+1,3

21,1

22,4

dont dépenses de personnel (CAS Pensions inclus) du personnel non enseignant (programme 214 et 230)

+2,4

4,3

6,7

dont dépenses de fonctionnementde l'État 

+0,1

0,67

0,78

des collectivités territoriales

+3,8

27,7

31,5

dont autres dépenses (ménages, entreprises)

-0,2

8

7,8

Sources : Repères et références statistiques (éditions 2021 et 2024), ministère de l'Education nationale. Analyse de l'exécution budgétaire, Mission interministérielle « Enseignement scolaire » (édition 2023 et 2020), Cour des comptes. PLF 2020 et 2023 des programmes 141, 140 et 139.

Dans le détail, on constate que la dérive des dépenses entre 2019 et 2022 repose pour :

  • +3,8 milliards sur les dépenses des collectivités, soit des dépenses matérielles et de fonctionnement exclusivement. En regardant les données « par producteurs d’éducation », on peut distinguer la dérive des dépenses dédiées à l’enseignement public (+3,6 milliards) et celles dédiées à l’enseignement privé sous contrat (+0,1 milliard). 
  • +2,4 milliards sur les dépenses du personnel non enseignant, soit le personnel des fonctions support et « appui métier », ainsi que les AESH (accompagnant des élèves en situation de handicap) dont le nombre est passé de 80 000 en 2019 à 121 000 en 2022, et plus de 130 000 attendus pour 2024. 
  • Enfin, +1,2 milliard de rémunérations des enseignants et +1,3 milliard sur leurs dépenses de retraites. Des augmentations importantes mais qui semblent « naturelles » face à la masse des effectifs du corps enseignant dont l’évolution semble maitrisée : de 886 000 en 2019 à 888 200 enseignants, au total, en 2022 dont une part de contractuels qui passent de 63 000 en 2019 à 72 000 en 2022. 

Un corps non enseignant qui prend de plus en plus de place

Que conclure de ces chiffres ? Que sans le dire, le ministère de l’Éducation nationale est en train de stabiliser son corps enseignant, de privilégier très clairement le recrutement par contrat et non plus la titularisation et… de jouer la montre en attendant la baisse drastique du nombre d’élèves attendue d’ici 2030. 

  • Une relative stabilité du corps enseignant

En effet, la relative stabilité du corps enseignant est à mettre en perspective du nombre d’élèves qui affiche une baisse de 281 700 effectifs entre 2019 et 2022. Selon les projections, entre 2023 et 2027, le système scolaire va encore perdre 500 000 élèves. Face à ces projections, le ministère a déjà annoncé son intention de remplacer la moitié de « ces emplois », ce qui devrait faire baisser le nombre d’enseignants de 2 500 postes d’ici 2027 tout en améliorant le taux d’encadrement notamment dans le 1er degré. Cet objectif était affiché sans détour dans le PLF 2024 et sera encore plus facilité par le fait que selon la Dares, c’est 328 000 enseignants qui partiront à la retraite d'ici à 2030. C’est plus d'un tiers des effectifs actuels.

  • 48% d’augmentation du corps non enseignant depuis 2015

Concernant l’emballement de la masse salariale non enseignant. Pour une mise en perspective initiale, rappelons qu’en 2023, les programmes « Soutien à l’Éducation nationale » et « Vie de l’élève » regroupaient respectivement 2,7 et 6,2% des effectifs du ministère. Néanmoins, une véritable tendance s’est installée sur la dernière décennie. Si entre 2015 et 2022, les effectifs d’enseignants n’ont augmenté que de 1%, les effectifs non enseignants ont augmenté de 48% et ce taux monte même à 118% sur les non titulaires (contractuels) de la mission « Vie scolaire ».

Concernant la dérive de ce contingent, elle est principalement liée à la bascule des AESH depuis 2023 et jusqu'en 2025 dans les dépenses de titre 2 du programme 230 (« Vie de l’élève »). Il s’agit donc de dépenses déjà existantes mais précédemment « cachées » car rémunérées sur le hors titre 2 du ministère. En 2022, les AESH représentaient déjà 58% des effectifs du programme… mais et c’est un fait à souligner, ils ne sont pas fonctionnaires et n’engagent pas les finances de l’État comme un emploi à vie le ferait. En effet, depuis 2019, les AESH sont recrutés sur un contrat de droit public de 3 ans. Suite aux revendications syndicales, leur grille de rémunération a été revalorisée en 2023 et un CDI leur est désormais accessible après 3 ans mais le rectorat garde la main sur le nombre d’heures du contrat. 

  • 41% d’élèves « encadrés » en plus dans le privé et par agent

Il y a néanmoins un véritable problème lié au taux d’encadrement et des fonctions supports de notre système scolaire. En 2019, on comptait plus de 250 000 agents à temps plein employés par le ministère, et donc au sein des établissements publics et des rectorats, pour des missions « non enseignement ». À ces personnes, il faut ajouter tous les personnel techniques (entretien, restauration, transport scolaire, médecine scolaire…) et les surveillants employés par les collectivités pour une masse salariale de 12 milliards d’euros, en 2017 dont 8 milliards reposant uniquement sur les communes Soit environ 350 000 agents. Au total, c’est environ 600 000 agents qui encadrent les 10,2 millions d'élèves du public. En face, selon les données du secrétariat général de l’enseignement catholique (qui gère 97 % des élèves du privé), les établissements emploient environ 77 600 salariés dans les services supports (personnel administratifs, d’éducation, d’entretien, de restauration…) et 5 870 directeurs d’établissements pour encadrer 2 millions d’élèves. Ainsi, on compte 1 agent « non enseignant » pour 17 élèves dans l’enseignement public contre 1 agent « non enseignant » pour 24 élèves dans l’enseignement privé. C’est 41% en plus. 

Un taux d’encadrement qui revient à employer 175 000 personnes en plus dans le public, par rapport au privé, soit l’équivalent de 6 milliards de masse salariale. Cette surreprésentation du personnel non enseignant dans le système éducatif est d’ailleurs isolée dans les données de l’OCDE qui constate que la France consacre 21,6 % des dépenses de fonctionnement des établissements à la rémunération du personnel non enseignant alors que la moyenne européenne est à 14,9 %.

L’écart de dépenses par élève se creuse : +31,9% de dépenses du public par rapport au privé

La conséquence de ces dérives : l’écart de dépense par élève entre public et privé s’aggrave avec un surcoût du public qui pèse jusqu’à 31,9% des dépenses totales. 

Comparaison de la dépense par élève, en 2022

Nombre d'élèves

Dépenses totales 

Dépenses totales par élève

Surcoût du public par élève, par rapport au privé

Surcoût du public par an

1er degré

Public

5 486 500

45 140 000 000 €

8 227 €

3 603 €

19 767 749 854 €

Privé sous contrat

853 500

3 947 000 000 €

4 624 €

 

 

Total

6 340 000

49 087 000 000 €

7 742 €

2nd degré

Public

4 465 200

53 104 000 000 €

11 893 €

3 595 €

16 052 021 486 €

Privé sous contrat

1 191 500

9 887 000 000 €

8 298 €

 

 

Total

5 656 700

62991000000

11 136 €

TOTAUX

 

11 996 700

112 078 000 000 €

9 342 €

35 819 771 339 €

Source : Repères et références statistiques 2024), ministère de l'Education nationale. 

Depuis plus de 10 ans, la Fondation IFRAP suit l’écart de dépense par élève entre l’enseignement public et privé sous contrat pour le 1er degré et le 2nd degré.  En 2022, on compte une dépense moyenne de 9 342 euros pour chacun des 11,9 millions d’élèves (+942 euros par élève par rapport à 2019) mais ce chiffre fluctue énormément en fonction du niveau de l’élève… mais aussi de son établissement, privé ou public passant de 4 624 euros à 8 227 euros pour un élève du 1er degré et de 8 298 euros à 11 893 euros pour un élève du 2nd degré (voir tableau ci-dessous). 

En moyenne, il est ainsi dépensé, en 2022 : 

  • 3 603 euros de plus pour les élèves du 1er degré public, 
  • et 3 595 euros de plus pour les élèves du 2nd degré public. 

Cette surdépense est connue, la Fondation IFRAP l’avait déjà mis en évidence en 2014 et en 2016, et sa part était jusqu’alors relativement stable. Elle augmente néanmoins en 2022 passant de 28,4 à 31,9% des dépenses totales. Une dépense mieux contrôlée pour l'enseignement privé et ce, pour des résultats équivalents qui doit nous interpeller sur la bonne utilisation des moyens dans le public car sur un quinquennat, c’est entre 140 et 150 milliards d’euros qui sont donc surdépensés pour l'enseignement public.

Évolution de la dépense totale pour le 1er degré et le 2nd degré et du nombre d’élèves depuis 2014