Énergies renouvelables : les moins mauvaises subventions
Pour se développer, les nouvelles énergies renouvelables (éolien, hydrolien, photovoltaïque, biogaz, biocarburant, etc.) estiment avoir besoin de subventions. Même si c'est justifié, la façon dont ces milliards puis ces dizaines de milliards d'euros par an sont distribués en France est essentielle pour leur efficacité. Toute une série de solutions existent, au-delà de celle qui à conduit à la bulle et la gabegie de 2011. Pourquoi ne pas choisir la moins mauvaise ?
La distribution de subventions par la puissance publique est toujours très délicate. Pour les entreprises comme pour les particuliers, la tentation est forte d'obtenir des privilèges de l'État plutôt que des résultats de son action dans la vraie vie. Le désordre qui règne en Europe sur le marché de l'énergie (augmentation des prix, fermeture de centrales à gaz neuves, faillites de constructeurs de centrales, risques de pénurie) montre les dangers de la distribution d'aides incontrôlées.
La pire des méthodes
C'est celle qui a été appliquée en France au photovoltaïque et à l'éolien terrestre à partir de 2007. Pour être certain de trouver des investisseurs, le gouvernement a contraint les consommateurs français à acheter toute la production proposée par les centrales photovoltaïques et éoliennes, et à des prix très supérieurs à ceux du marché : jusqu'à sept fois plus élevés pour le photovoltaïque [1] que ceux des centrales au gaz, hydrauliques ou nucléaires. Cette production a rapidement explosé, des particuliers et des entreprises décidés à profiter de cette manne, allant jusqu'à construire des bâtiments inutiles pour disposer de vastes toits où installer les panneaux photovoltaïques. Fin 2011, la situation était devenue intenable, les projets déposés menaçaient de renchérir les factures des consommateurs de plusieurs dizaines de milliards par an, et ce pendant vingt ans. Bien que ces projets aient été tout à fait légaux, le gouvernement Fillon a été forcé de prendre en panique un décret rétroactif rejetant la plupart des projets en attente et perturbant complètement ce secteur.
Une précaution élémentaire
Les entreprises qui se lancent dans ce genre de promotion ou de concours le savent : il faut limiter, soit le nombre de gagnants, soit le montant des sommes en jeu. C'est la technique minimale que l'État aurait dû appliquer. Et son objectif devait se limiter à quelques expérimentations ou prototypes, pas à une production industrielle de grande ampleur.
Appel d'offres
Échaudé, l'État a amélioré sa méthode pour les champs d'éoliennes marines. Au lieu de lancer un appel d'offres illimité à un prix fixé par lui, il a lancé des appels d'offres pour des quantités définies de production, se réservant d'attribuer les contrats aux candidats proposant les prix les plus bas et répondant par ailleurs à diverses conditions (emplois, localisation des usines, etc.). Les critères d'attribution des contrats étaient assez flous mais l'ensemble sans risque de dérapage pour l'État et les consommateurs.
Appel d'offres + subvention directe
Les deux méthodes précédentes présentent des inconvénients mais ont l'avantage d'afficher clairement le coût d'achat de l'électricité produite : environ 220 euros par MWh pour les éoliennes marines. Sans doute parce que ce prix semble effarant comparé au prix du marché (50 à 70 euros par MWh), le gouvernement a encore changé de méthode pour le lancement des hydroliennes, ces grandes turbines immergées dans les courants marins. Le prix d'achat est de 143 euros par MWh « seulement », mais l'entreprise responsable du projet reçoit de l'État une prime unique au lancement du projet. Une méthode pire que la précédente puisqu'elle ne permet pas de connaître le prix de revient du MWh et empêche donc toute comparaison avec les autres sources d'énergie.
Prix garantis + subvention
Pour le biogaz obtenu à partir de la méthanisation de déchets agricoles, les prix garantis (de deux à cinq fois supérieurs à ceux du gaz naturel importé d'après Les Échos) ne suffisent pas à rentabiliser les exploitations. Des subventions représentant de 30 à 40% de l'investissement initial doivent être fournies par l'ADEME et les régions. Une diversité de financement qui complique l'évaluation objective de la rentabilité de ces systèmes.
Prix du marché + subvention
D'après Les Échos, le document préparatoire à la loi sur la transition énergétique prévoit de réformer à nouveau les aides aux énergies renouvelables. En complément des méthodes actuelles, les producteurs pourraient vendre leurs énergies au prix du marché, mais recevraient un complément de rémunération fixé par l'État. Le texte ne dit pas si les acheteurs (ex. EDF) seraient toujours tenus ou non d'acheter la totalité de la production de ces nouvelles énergies renouvelables, mais c'est très probable.
La moins mauvaise méthode
Aucune des méthodes précédentes ne permet de connaître la véritable utilité ou valeur de l'énergie produite par les fournisseurs des nouvelles énergies renouvelables. Une information essentielle qui ne peut être fournie que par le marché. La proposition de la fondation iFRAP est donc de lancer des appels d'offres d'abord aux acheteurs d'énergie (gros utilisateurs, intermédiaires revendeurs comme EDF, GDF Suez, Direct énergie, consommateurs étrangers) : à quel prix sont-ils prêts à acheter la production annuelle d'un ensemble d'éoliennes ou de centrales photovoltaïques ? Une fois ce prix connu, l'État pourrait le compléter par les subventions qu'il estimerait politiquement nécessaires, et on connaîtrait enfin la véritable valeur de ces énergies intermittentes.
La bonne méthode
Les entreprises sont en principe prêtes à investir beaucoup de capitaux dans la mise au point d'innovations, si elles sont convaincues qu'après des années de pertes, elles récolteront des profits beaucoup plus importants. C'est le cycle typique de l'investisseur. Bolloré affirme avoir investi un milliard dans sa batterie lithium-métal-polymère, Apple plus dans ses téléphones et ses tablettes, et Toyota dans sa voiture hybride, tous avant de gagner un seul euro.
L'idée qu'il est normal d'aider les énergies renouvelables à se développer est donc assez étrange. On a peine à croire que des entreprises françaises de la taille d'AREVA ou d'EDF qui ont investi des milliards dans la construction d'un EPR, ou étrangères comme Siemens ou General Electric ne pouvaient pas investir dans ces nouvelles technologies sans subventions étatiques, si elles y avaient vraiment cru. Les éoliennes ne dépendent pas des résultats hypothétiques de la recherche fondamentale. Et si l'efficacité du photovoltaïque dépend au contraire de recherches en physique, il est inutile de passer à leur industrialisation massive tant que cette recherche n'a pas abouti.
A quoi est due cette soif de subventions ? A une simple opportunité pour les entreprises face à l'activisme des politiques, ou à de sérieux doutes sur la rentabilité de ces investissements même à moyen terme ?
France : NON à la Directive européenne de la Direction Générale de la ConcurrenceEn réponse à la nouvelle "Directive européenne sur les aides d'État environnementales et énergétiques, destinée à prévenir la concurrence déloyale et à promouvoir un système de financement des énergies bas carbone davantage basé sur le marché", les ministres de quatre pays (Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie) viennent de répondre de façon très négative.
En bref, laissez-nous continuer à faire chacun nos petites affaires de façon confidentielle.
Une attitude étonnante au moment où ces pays se plaignent des conséquences catastrophiques du manque total de cohérence entre les politiques énergétiques des différents pays.
[1] Le coût de ces énergies doit aussi tenir compte de leur caractère intermittent