Pour sauver l'école, osons le choix de l'autonomie
[(Dans une tribune parue dans l'édition du 23 avril 2012 du Figaro, Agnès Verdier-Molinié, directeur de la Fondation iFRAP et Anne Coffinier, directeur de la Fondation pour l'école, soulignent l'intérêt des modes de gestion alternatifs des établissements scolaires.)]
Réformer l'École ? On est presque gêné de poser la question. Depuis trente ans, l'école subit un feu roulant de réformes, sans le moindre résultat. Si l'on définit l'efficacité par le rapport entre le coût et les performances, le bilan est catastrophique. Sur la période, la dépense par élève du primaire a augmenté de 76%, tandis que la proportion d'élèves sortant de l'école primaire sans savoir lire s'est envolée. Les performances des écoliers français reculent continûment dans les classements internationaux. De toute évidence, la « réformite » chronique qui s'est emparée du système éducatif n'est pas la solution. Alors que faire ?
Le problème est qu'en France, tout le monde a son idée. Il y a, comme on dit, autant de ministres de l'éducation nationale que de parents d'élèves… Mais après tout, ce que l'on prend pour un problème est peut-être la solution. Compte tenu des résultats peu reluisants des réformes autoritaires et centralisées, pourquoi ne pas essayer la voie de la réforme autonome et décentralisée ?
Lorsqu'un système connaît un taux d'échec de 40% (proportion d'élèves ayant de graves difficultés à la sortie de l'école primaire), l'heure n'est pas aux préjugés idéologiques mais à la recherche tous azimuts des bonnes solutions.
Or, selon les travaux menés à la Fondation iFRAP, il apparaît que le privé sous contrat, avec la toute petite parcelle d'autonomie que l'Etat a bien voulu lui concéder, parvient à faire mieux que le public, avec moins de moyens. Une économie qui s'élève en moyenne à 1 951 euros par élève et par an dans le primaire et 2 788 euros dans le second degré. Ce n'est donc pas en dépensant toujours plus que l'on améliore les performances, mais en laissant les écoles s'adapter aux besoins réels de leurs élèves. C'est pour cela qu'en France, les écoles privées sous contrat obtiennent de meilleurs résultats aux examens nationaux, alors que leurs élèves, contrairement aux idées reçues, sont d'origines aussi diverses qu'à l'école publique.
En conséquence, les parents se précipitent dans le privé sous contrat, de tous milieux et de toutes origines, formant des files d'attente un peu plus longues à chaque rentrée. Cela prouve qu'il y a une demande de diversité de choix. D'autant plus que les lycées les mieux notés pour la valeur ajoutée apportée par l'établissement aux élèves, les lycées privés sont 62 parmi les 100 premiers de France. Lorsqu'un établissement peut concevoir de manière un peu plus libre son projet éducatif, recruter ses professeurs et gérer son budget, il est en mesure d'adapter sa pédagogie aux profils de ses élèves. Certains pays l'ont bien compris. Les Suédois, les Danois et les Néerlandais obtiennent d'excellents résultats en partie parce qu'ils font confiance à la libre initiative de la société civile. En France, cette liberté est bridée, ce qui nuit à la qualité de notre enseignement et à l'avenir de nos enfants. Le motif le plus souvent invoqué pour refuser cette libération des initiatives est la crainte de voir se constituer un système éducatif à deux vitesses, générateur d'inégalités. Ces craintes honorent ceux qui les nourrissent. Mais force est de constater qu'elles sont infondées. Les Français sont prêts aujourd'hui à des changements majeurs : selon un tout récent sondage IFOP, « 49 % des Français sont favorables au financement par l'État des établissements scolaires d'enseignement complètement privé ». Il existe des moyens innovants de délivrer l'école du carcan qui l'étouffe sans tomber dans les travers d'un système ultra-libéral.
C'est ce que vient de démontrer la Fondation pour l'Ecole, dans le cadre d'un colloque consacré à ces questions. Elle a en particulier mis en évidence l'intérêt de multiplier les modes de gestions alternatifs de l'école. Ceux-ci rétablissent dans de nombreux pays comme la Suède, le Danemark et les Pays-Bas l'égalité des chances en donnant à chaque famille les moyens financiers de scolariser ses enfants dans l'école de son choix.
Ainsi, la capacité de choisir l'école de son enfant cesse d'être accessible à une minorité pour devenir le droit effectif de tous. Les pays qui financent depuis longtemps leur école grâce à des solutions de type forfait par élève, quel que soit le statut de l'école (public, privé, sous contrat ou hors contrat) sont parmi les meilleurs aux tests PISA de l'OCDE. Ces résultats constituent par eux-mêmes une vibrante invitation à multiplier les expérimentations de financement public d'alternatives pédagogiques en France. A l'heure où les candidats aux élections présidentielles réfléchissent à juste titre à l'avenir de l'école et de ses élèves, nous leur demandons d'oser enfin expérimenter la liberté de choix, la transparence des coûts et l'autonomie scolaire.