JO 2024 : combien ça va coûter ?
Le 13 avril dernier, le conseil de Paris présidé par Anne Hidalgo, validait officiellement l’entrée en course de la capitale pour l’obtention des Jeux Olympiques d’été de 2024. Avec le soutien de la plupart des politiques et d’une majorité des Français, de nombreuses questions se posent sur le budget et le financement de cet événement planétaire.
Après les échecs de ses candidatures pour les jeux de 2008 et ceux de 2012, la ville de Paris retente sa chance pour ceux de 2024. Si le vote pour l’attribution des Jeux olympiques n’a lieu qu’en juillet 2017, la candidature doit être officialisée durant l’été 2015 avant déposition auprès du Comité international olympique (CIO) le 15 septembre prochain. En candidatant à l'édition 2014, Paris espère connaitre le même succès populaire et économique que Londres en 2012. Malgré un coût total de 15.8 milliards d'euros, les chiffres de l'édition londonienne parlent d'eux même: 3,7 milliards de téléspectateurs à travers le monde, 11 millions de billets vendus et un objectif d’impact économique de 15 milliards d’euros atteint en seulement 14 mois. Cependant, en cette période de fortes contraintes budgétaires et quand on connait le coût d'un tel évènement, la prudence est de mise à l’annonce des premières estimations.
Malgré la crainte d’un coût important, les Français semblent tout de même à une très large majorité favorables à l’organisation des Jeux. Selon un sondage de l’institut CSA[1], 73% des Français et 76% des Franciliens se disent favorables. Du côté des acteurs économiques 83% sont pour une candidature et 84% d’entre eux considèrent cela comme un investissement encourageant pour l’économie du pays (Sondage Kantar Sport/ Sporsora[2]).
Ce que propose l’enquête d’opportunité
En février, le Comité français du sport international (CFSI) publiait son enquête d’opportunité sur une candidature française[3]. Ce rapport d’une trentaine de pages démontre tout l’intérêt de Paris à se porter candidate. En effet les conclusions de ce rapport mentionnent le fait que la « France dispose de réels atouts » pour être désignée ville candidate en 2017. Selon les auteurs, l’organisation des Jeux olympiques permettrait de :
- Toucher de nombreux territoires ;
- Impacter le développement économique ;
- Contribuer au rayonnement et à l’attractivité ;
- Rassembler les différents acteurs.
Le rapport du CFSI se porte ensuite sur la question du coût, qui selon cette enquête serait raisonnable par rapport aux éditions précédentes. Il faut savoir que le budget d’une ville organisatrice se divise en deux comptes distincts. Premièrement, le budget du Comité d’organisation des jeux olympiques (COJO) qui intègre les coûts directement liés aux Jeux (communication, gestion quotidienne,…). A hauteur de 3,6 milliards de dollars (3,25 milliards d’euros) selon les estimations du CFSI, celui-ci serait financé à 97% par des fonds privés dont une contribution du CIO de 2 milliards de dollars (1,8 milliard d’euros, le reste sera financé par les sponsors et la billetterie. L’expression « les Jeux financent les Jeux » reprise par l’enquête, correspond parfaitement au budget du COJO. Les 3% restants seraient donc pris en charge par les pouvoirs publics, ceci correspond à l’organisation des jeux paralympiques pour un montant de 108 millions de dollars, soit 96 millions d’euros). En second lieu, il y a le budget hors COJO. Celui-ci comprend les investissements des infrastructures permanentes utilisées pendant les Jeux. Comme le rappellent les auteurs, ces installations auront « vocation à servir la population et bien au-delà pendant plusieurs décennies », on pense notamment au Village olympique qui serait transformé en logements. Cette candidature rentrerait donc dans un projet de développement territorial. Estimé selon le rapport à 3 milliards d’euros. Le budget hors COJO se répartit de la façon suivante :
Infrastructures | Dépenses (en milliards d’€) | Financement public (en milliards d’€) | Financement privé (en milliards d’€) |
---|---|---|---|
Installations sportives | 0,3 | 0,185 | 0,122 |
Village olympique | 1,92 | 0,622 | 1,292 |
Média Center | 0,12 | 0 | 0,11 |
Autres aménagements | 0,66 | 0,67 | 0 |
Total | 3 | 1,48 (49.5%) | 1,52 (50.5%) |
Avec un financement majoritairement privé (50,5%), la part du public serait d’1,48 milliard d’euros. Comme le souligne l’enquête, les nombreuses infrastructures existantes (Stade de France, Bercy Arena, Aéroports de Paris…) permettent d’obtenir un coût plus faible que lors des éditions précédentes (Pékin, Londres, etc.). Parmi les infrastructures manquantes, on compte notamment un centre aquatique (installation totalement absente en Ile-de-France) et un village olympique. La possibilité d’installer des infrastructures provisoires et démontables (à l’image du site qui a accueilli les épreuves de basketball à Londres) permettrait d’alléger la facture et de s’abstenir d’installations qui n’auront aucune utilité post-JO.
Enfin n’oublions pas que le budget consacré au processus de candidature en lui-même est de l’ordre de 60 millions d’euros. Ce montant servira à financer par exemple la communication, les études techniques ou encore les relations internationales (lobbying).
Sous-estimer le budget : un sport olympique
Attention tout de même, le budget est loin d’être définitif et l’Histoire nous montre que le budget d’une ville organisatrice est souvent sous-estimé par rapport à la facture finale. Dans un article publié en 2012 par l’économiste Wladimir Andreff (professeur émérite à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne)[4], les budgets annoncés au moment de la candidature sont très largement sous-estimés. En prenant comme base théorique la malédiction du vainqueur de l’enchère (« winner’s curse » en anglais), Andreff dresse un constat plutôt édifiant sur cette sous-estimation. A l’image d’un processus d’enchères, la ville candidate va voir son coût augmenter tout au long du processus, ainsi selon l’auteur « plus la ville candidate a minoré ses coûts affichés pour l’emporter, plus la winner’s curse se matérialise par des coûts plus élevés par rapport à ceux anticipés lors de la candidature et plus le risque de déficit de l’événement mondial est élevé ». En effet avec les retards, surcoûts et révisions du projet olympique à la hausse, les budgets ne peuvent qu’augmenter au fil des ans et ce, souvent une année précédant le début des épreuves.
Pour exemple la ville de Londres annonçait en 2005 (année d’obtention des JO 2012) un budget total de 4,6 milliards d’euros, l’année suivante un budget de 5 milliards et ainsi de suite pour atteindre un coût total en 2011 de 15,8 milliards d’euros. Nous pouvons constater le même phénomène lors des éditions précédentes. De nombreux exemples illustrent cette hausse budgétaire en cours de route, Andreff expose notamment le cas du stade olympique de Londres dont le coût est passé de 380 à 483 millions d’euros. Bien conscient du coût astronomique d’un tel événement, le CIO dans son agenda 2020 prévoit, parmi ses 40 recommandations, de réduire le coût des Jeux et de renforcer la flexibilité de leur gestion (recommandation n°12) ainsi que de réduire le coût de candidature (recommandation n°3). L’agenda 2020 semble en tout cas déjà faire ses effets pour les Jeux de Tokyo en 2020. Contrairement à l’attribution des Jeux de 2012 (Londres) et 2016 (Rio), la candidature tokyoïte n’a pas présenté le projet le plus coûteux en liste.
L’article d’Andreff montre aussi que les études d’impact économique sont souvent surévaluées pour prouver le bénéfice d’une compétition en faveur du territoire. Dans une étude de 2010, Eric Barguet et Jean-Jacques Gouguet (Université de Limoges, CDES) ont mesuré l’impact économique de la Coupe du monde de rugby de 2007[5], l’un des derniers grands événements sportifs organisés en France. Cette étude montre que l’impact économique de la Coupe du monde est évaluée à 589,9 millions d’euros, bien loin de l’étude de l’ESSEC de 2007 qui prévoyait 8 milliards de retombées. L’annonce récente des très bons résultats des Jeux équestres mondiaux qui se sont déroulés à Caen en 2014, démontre tout de même l’impact positif de tels événements sur un territoire. La France sera, dans les années à venir, organisatrice de nombreuses grandes compétitions internationales (Euro 2016, mondiaux de handball en 2017, Ryder Cup en 2018…) il sera intéressant d’analyser l’impact économique de ces événements sur les régions.
Crowdfunding : la solution pour réduire la facture ?
Dans l’idée de faire baisser sensiblement la part de financement public, de nombreuses idées émergent depuis quelques semaines pour développer d’autres sources de financement. Le crowdfunding (financement participatif) est sans doute celle qui a fait le plus de chemin et est confortée par une étude du CNOSF qui précise que 40% des Français seraient prêts à verser au moins 1 euro pour l’organisation des JO 2024. Nouvelle tendance dans le financement de projet, le crowdfunding pourrait être une solution très intéressante et permettrait de rassembler les Français et les acteurs économiques autour de la candidature parisienne. Attention tout de même à l’échec d’une telle initiative, le secteur du financement participatif regorge de ratés et la contribution des Français à un projet de grande envergure n’est absolument pas assurée. D’autres solutions sont également à l’étude comme l’idée de taxer les licences sportives (au nombre de 17,6 millions) à hauteur de 0,5 à 1 euro. Déjà utilisé par la Fédération française de golf pour financer la Ryder Cup 2018 qui aura lieu à Saint-Quentin-en-Yvelines, cet impôt déguisé fait pour l’instant débat au sein des instances fédérales.
En conclusion, les jeux olympiques de 2024 sont une véritable opportunité pour Paris et la France entière (de nombreuses compétitions seront délocalisées en province), à conditions que les coûts soient maitrisés et qu'un bénéfice économique global positif se dégage pour le territoire.
Rappel du calendrier du processus de candidature :
Procédure d’acceptation des candidatures :
- 15 septembre 2015 : signature du document « Procédure d’acceptation des candidatures » ;
- 8 Janvier 2016 : remise des dossiers de demande de candidatures et des lettres de garantie au CIO ;
- Printemps 2016 : réunion du CIO pour évaluer les demandes de candidature puis Commission exécutive pour sélectionner les villes candidates.
Procédure de candidature :
- Mai 2016 : envoi du dossier de ville candidate aux villes retenues ;
- Janvier 2017 : remise des dossiers de candidature et des lettres de garanties au CIO ;
- Février/Mars 2017 : visite de la Commission d’évaluation du CIO ;
- Juin 2017 : publication du rapport de la Commission d’évaluation ;
- Eté 2017 : Présentation des villes candidates et vote lors de la session du CIO de Lima au Pérou.
Boston 2024 : un référendum auprès de la population Dans le reste du monde, d’autres villes ce sont également lancées dans la course. On compte actuellement les villes de Boston, Hambourg et Rome. Budapest devrait elle aussi se porter candidate. Parmi ces candidates, là aussi la crainte d’un projet onéreux inquiète la population. A Boston les habitants seront consultés via référendum à la demande du maire, celui-ci se déroulera en 2016, après l’annonce de la « shortlist » pour le vote final. Très sceptique il y a quelques mois avec une majorité d’opposants au projet, la tendance semble s’inverser avec 57% d’opinions favorables à l’organisation des épreuves olympiques dans la capitale du Massachussetts. Pour autant la population n’y est que favorable, qu'à condition qu’aucun argent public ne serve à financer les Jeux. |
[1] Sondage CSA pour direct Matin, enquête réalisée auprès de 1.010 personnes âgées de 18 ans et plus via téléphone le 02/02/2015 et le 03/02/2015. http://bit.ly/1c4ERPm
[2] Sondage KantarSport/Sporosra enquête réalisée auprès de 207 entreprises françaises via internet le 18/12/2013 et le 29/01/2014. http://bit.ly/1EfRTzU
[3] Enquête d’opportunité remise le 12/02/15 au ministère des Sports et de la Jeunesse, dans la région Ile-de-France et à la mairie de Paris. http://bit.ly/1IfY5zf
[4] Andreff Wladimir, 2012, Pourquoi le coût des jeux olympiques est-il toujours sous-estimé ? La « malédiction du vainqueur de l’enchère » (winner’s curse), Papeles de Europa 2012 - N°25 - pp. 3-26.
[5] Barguet Eric, Gouguet Jean-Jacques, 2010, La mesure de l’impact économique des grands événements sportifs. L’exemple de la Coupe du monde de rugby 2007, Revue d’Economie Régionale & Urbaine, 2010 - N°3 - pp. 379-408.