Enseignants du public ou du privé : quelle différence ?
Encore une fois, l’actualité et les débats se focalisent sur la distinction entre enseignement public et… l’enseignement privé sous contrat qui, pour rappel, fait intégralement partie du service public d’éducation, exerce une mission de service public et ce, depuis les accords Lang-Cloupet signés en 1992 et 1993. À cette occasion, la Fondation IFRAP propose de revenir sur les différences de traitement entre le corps des enseignants du public et du privé…
Deux statuts pour un même métier
Pour rappel, non, les enseignants du privé n’ont pas le statut de fonctionnaire. Une fois le concours et l’année de stage validés, un enseignant du privé devient un « agent public titulaire d’un contrat définitif », néanmoins « le déroulement de carrière et la rémunération brute sont les mêmes que celles des enseignants » du public, « la protection sociale est également la même »… « sauf en matière de retraite » qui relève du régime général de la Sécurité sociale (règle du privé). Cela alors que leur employeur est bien l’État… mais que leur service se fait « dans les établissements [scolaires] sous contrat d’association ». Qu’en conclure ? Que par rapport à leurs homologues du public, les enseignants du privé bénéficient d'une sorte de « sous statut » public. Ils n’ont pas le droit d'enseigner dans les établissements scolaires publics, pas le droit de postuler au concours d'inspecteur (concours réservé aux fonctionnaires) et pour eux, il est quasi impossible de devenir professeur titulaire à l'université.
Cette distinction entre un stock d’enseignants du public « fonctionnaire » et un stock d’enseignants du privé « sous contrat définitif » qui les empêchent de réaliser des passerelles entre établissements scolaires publics et privés tout au long de leurs carrières et en fonction de besoin local, est unique au monde, ne repose sur aucune logique organisationnelle et ne sert qu’à entretenir une concurrence imaginaire entre public et privé sous contrat.
On notera qu’en Suède, le statut de fonctionnaires des enseignants a été abrogé dans les années 1990, ils sont, depuis, tous recrutés sous des « contrats de droit public », intègrent bien le service public, sont tous recrutés par les directeurs d’établissements et négocient leur salaire en fonction des besoins du marché et des finances de l’établissement. En Suède, 16% des élèves du primaire fréquentent un établissement privé, 30% dans le second degré.
Du côté de l’Angleterre, la majorité des enseignants sont recrutés sous des contrats de droit public par les conseils d’administration des établissements scolaires où ils postulent, mais ils disposent d’un statut comparable aux agents des collectivités. En 2019, 32% des écoles primaires anglaises sont privés, 75% dans le secondaire (academies ou free schools). Si 93% des élèves scolarisés en Angleterre sont inscrits dans un établissement financé par l’État, il faut noter que les 6 100 academies du pays disposent d’une autonomie renforcée et ne sont pas dans l’obligation de recruter des enseignants titulaires d’un contrat de droit public.
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Comparaison des caractéristiques d’emploi entre public et privé
Enseignants titulaires | ||
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| Enseignants titulaires du public | Enseignants titulaires du privé sous contrat |
Employeur | Ministère de l'Éducation nationale le ministère de l'Éducation nationale via l’inspecteur de l’Éducation nationale. | |
Concours / titularisation | Dans le premier degré : CRPE public (professeurs des écoles). Dans le second degré : agrégation ou CAPES, CAPEPS (Certificat d'aptitude au professorat d'éducation physique et sportive), CAPET (Certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement technique), C.A.P.L.P. (concours d'accès au corps d'enseignement en lycée professionnel), COP (conseiller d'orientation-psychologue)et C.P.E. (Conseiller principal d'éducation). Si réussite au concours, le lauréat acquiert le statut de fonctionnaire. | Dans le premier degré : CRPE privé (professeurs des écoles). Dans le second degré : CAER, concours d'accès à l'échelle de rémunération de professeur agrégé ; CAFEP, certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement secondaire, CAFEP-CAPEPS (équivalent du CAPEPS pour l'enseignement privé). Après 3 ans de suppléances (contractuel), l'enseignant peut passer le concours interne de professeur des écoles ou celui du second degré, le CAER-PC (Concours d'accès à l'échelle de rémunération des professeurs certifiés), et ainsi obtenir le statut de contractuel « définitif ». Dans tous les cas, pour les concours de l'enseignement privé, l'enseignant n'acquiert pas le statut de fonctionnaire. |
Niveau de diplômes nécessaire | Master 2 (obtenu ou en cours d'obtention), plus des diplômes spécifiques pour certains concours : une licence STAPS pour le CAPEPS. Pour le concours de conseiller d'orientation psychologue, il faut détenir une licence en psychologie. | Master 2 et Bac +5. Critère valable pour l'obtention du concours (mais on peut passer le concours dès le Master 1). |
Chômage | Un enseignant ayant validé le concours est titulaire de son poste et dans le cas d’une fermeture d'une classe ou d'un établissement, l'enseignant est prioritaire au mouvement sur tout emploi vacant dans sa discipline et dans son académie. | |
Salaire | Versé par le rectorat | |
| Salaire net moyen, en 2020 : Titulaire du premier degré : 2 402 euros Titulaire du second degré : 2 867 euros | Salaire net moyen, en 2020 : Titulaire du premier degré : 2 129 euros Titulaire du second degré : 2 488 euros |
Primes annuelles | Éligible à : la prime d’entrée (1 500 euros), la prime d’installation (2 000 euros), l’indemnité de 1re affectation (2 202 euros), l’indemnité de sujétion spéciale ZEP (1 156 euros), dans le premier degré : l’indemnité de Suivi et d'Accompagnement des Élèves- ISAE (1 200 euros), l’indemnité spéciale instituteurs et professeurs des écoles en EREA, ERPD, SEGPA (1 558 euros). dans le second degré : l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves – ISOE (1 200 euros), l’indemnité pour mission particulière (312 à 3 750 euros), la sujétion pour classes des enfants déficients et inadaptés – IFSS (462 euros). | Éligible à : la prime d’entrée (1 500 euros), dans le premier degré : l’indemnité de Suivi et d'Accompagnement des Élèves- ISAE (1 200 euros), l’indemnité spéciale instituteurs et professeurs des écoles en EREA, ERPD, SEGPA (1 558 euros), dans le second degré : l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves – ISOE (1 200 euros), l’indemnité pour mission particulière (312 à 3 750 euros), la sujétion pour classes des enfants déficients et inadaptés – IFSS (462 euros). + sujétion voie professionnelle (400 euros), la sujétion pour effectif pléthorique – plus de 35 élèves par classe (1 250 euros). |
Inspection | À la charge de l’Inspection de l’Éducation nationale. | |
Retraites | Pension attachée au régime de retraite de l’État, calculée sur les 6 derniers mois pour une moyenne de 2 500 euros nets mensuels auxquelles il faut ajouter la retraite additionnelle (RAFP) qui prend, en partie, en compte les primes dans la limite de 20 % du traitement indiciaire. | Pension attachée au régime général de la Sécurité sociale, calculée sur les 25 meilleures années pour une moyenne de 2 130 euros nets mensuels. |
Enseignants non titulaires | ||
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| Enseignants non titulaires du public | Enseignants non titulaires du privé sous contrat |
Employeur | C’est l’Académie (recteur) qui recrute et verse le salaire des enseignants non titulaires pour occuper des postes non pourvus par des titulaires.
| Les directions diocésaines (97% de l’enseignement privé sous contrat est catholique), généralement via les directeurs d’établissements, recrutent les enseignants contractuels et leur délivrent un pré-accord collégial de l’enseignement privé. L’Académie prend ensuite en charge la carrière (et le salaire) des contractuels. |
Contrats/mode d’embauche | Contrat de droit public (CDD ou CDI) sur un service complet ou incomplet, pour une durée variable au cours d'une même année scolaire. Normalement, le candidat doit justifier de trois années d'études post-bac en liaison avec la discipline d’enseignement, mais des exceptions sont de plus en plus fréquentes. | Contrat de droit public (CDD), mais après 6 ans de suppléances sans interruption de plus de 4 mois entre deux contrats, le CDD peut être converti en CDI (prioritaire au mouvement sur le CDD, mais après le mouvement des enseignants en contrat définitif ou en année de stage). Normalement, le candidat doit justifier de trois années d'études post-bac en liaison avec la discipline d’enseignement, mais des exceptions sont de plus en plus fréquentes. |
Chômage | Depuis 2018, les agents non titulaires de l’Éducation nationale sont assurés par Pôle Emploi (France Travail depuis le 1er janvier 2024) et sont indemnisés via l’allocation d’Aide au Retour à l’Emploi (ARE) pendant les périodes de chômage. Ils doivent fournir une attestation écrite de leur administration pour justifier le non-renouvellement de l’emploi. Minimum 4 mois d’activité avant ouverture des droits, entre 4 mois et 2 ans, la durée d’indemnisation est équivalente au nombre de jours travaillés. Au-delà, les indemnisations sont de 2 ans. | Les règles du privé (Unedic) s’appliquent et pour ouvrir leur droit, l’Académie doit fournir à l’ex-employé une attestation écrite de fin de contrat. La durée d'indemnisation est égale à la durée d'affiliation et limitée à : - 24 mois (730 jours) pour les moins 50 ans, - 36 mois (1095 jours) pour les 50 ans et plus. Les droits sont ouverts le lendemain du dernier jour travaillé (congés payés inclus) si toutefois l'agent est bien inscrit à Pôle Emploi à cette date. |
Salaire | Versé par le rectorat | |
| Salaire net moyen, en 2020 : Non titulaire du premier degré : 1 896 euros Non titulaire du second degré : 1 952 euros | Salaire net moyen, en 2020 : Non titulaire du premier degré : 1 415 euros Non titulaire du second degré : 1 597 euros |
Primes annuelles | Éligible à : l’indemnité de sujétion spéciale ZEP (1 156 euros), dans le premier degré : l’indemnité de Suivi et d'Accompagnement des Élèves- ISAE (1 200 euros). dans le second degré : l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves – ISOE (1 200 euros), l’indemnité pour mission particulière (312 à 3 750 euros), la sujétion pour classes des enfants déficients et inadaptés – IFSS (462 euros). | Éligible à : dans le premier degré : l’indemnité de Suivi et d'Accompagnement des Élèves- ISAE (1 200 euros), dans le second degré : l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves – ISOE (1 200 euros), l’indemnité pour mission particulière (312 à 3 750 euros), la sujétion pour classes des enfants déficients et inadaptés – IFSS (462 euros). + sujétion voie professionnelle (400 euros), la sujétion pour effectif pléthorique – plus de 35 élèves par classe (1 250 euros). |
Inspection / Évaluation | À la charge de l’Inspection de l’Éducation nationale, mais très rare. | À la charge de l’Inspection de l’Éducation nationale, mais très rare. À la fin de chaque contrat de suppléance, un "billet d'appréciation (SUPP ou DAX)" (pour suppléant ou délégué auxiliaire) est envoyé par le chef d'établissement au service des enseignants de la direction diocésaine, et (normalement) signé par l'enseignant. |