Le Gouvernement a mis en place un certain nombre de mesures de baisse de prélèvements obligatoires lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron : suppression progressive de la taxe d’habitation depuis 2018, baisse progressive du taux de l’impôt sur les sociétés, baisse des impôts sur la production (CVAE et CFE) à partir de 2021. Des mesures de basculement ont également été mises en œuvre : baisse des cotisations sociales à la charge des salariés contre une augmentation de CSG, transformation du CICE en allègements pérennes de cotisations sociales à la charge des employeurs.
Grâce à ces mesures et malgré la hausse de certaines taxes (tabac, énergie), le taux de prélèvements obligatoires français est resté à peu près stable sur la période, passant de 45,7 % en 2016 à 45,1 % en 2021 et retrouvant un niveau proche de celui de 2019 (45,3 %), tandis qu’il progressait dans le reste de la zone euro, pour s’établir à 38,7 % en 2016, 39 % en 2019 et 40,1 % en 2021.
Cette évolution favorable pour la France ne doit cependant pas masquer le supplément de prélèvements obligatoires considérable que notre pays acquitte comparativement aux autres pays de la zone euro (hors France). Même s’il s’est réduit au cours des dernières années, cet écart représente encore 125 milliards € en 2021 (contre 157 milliards € en 2016). Et les mesures de baisses des prélèvements obligatoires depuis 2018 expliquent une partie seulement de la réduction : 15 milliards € sur la baisse de 32 milliards €. L’autre explication tient à la hausse de prélèvements obligatoires dans les autres pays de la zone euro.
Le niveau des prélèvements obligatoires reste donc très élevé en France, et particulièrement sur les entreprises. Le taux de cotisations sociales à la charge des employeurs a certes diminué de 1 point de PIB mais il demeure un écart de 71 milliards € avec les cotisations employeurs acquittées dans les autres pays de la zone euro. Le poids des taxes indirectes (qui comprennent la TVA, les taxes sur les produits et les impôts sur la production) s’est accru de 0,7 point de PIB, et cela malgré la baisse en 2021 de la CVAE et de la CFE. L’écart d’impôts de production entre la France et le reste de la zone euro atteint 70 milliards € en 2021, contre 66 milliards € en 2016, après avoir culminé à 83 milliards € en 2020 avant la baisse de la CVAE et de la CFE. On note également un supplément d’impôts sur les produits (TICPE, droits d’enregistrement, etc.) de 44 milliards € en 2021.
Au total, l’écart de prélèvements obligatoires entre la France et le reste de la zone euro s’explique exclusivement par le surcroît d’imposition pesant sur les entreprises de 148 milliards € en 2021 (pour un écart global de 125 milliards €). Les cotisations à la charge des employeurs expliquent les deux tiers de cet écart, les impôts sur la production l’autre tiers.
Malgré les baisses nettes de prélèvements sur les entreprises, le quinquennat d’Emmanuel Macron a donc été marqué par un alourdissement de la charge des prélèvements qui pèsent sur les entreprises. Pendant ce temps, l’écart de prélèvements entre les ménages français et ceux du reste de la zone euro s’est inversé au bénéfice des ménages français.
❙ Les prélèvements obligatoires s’établissent en 2021 à 45,1 % du PIB. Les prélèvements obligatoires de la zone euro (hors France) se situent à 40,1 % en 2021. Ce qui représente un écart en défaveur de la France de 125 milliards € ;
❙ Cet écart se justifie exclusivement par le surcroît d’imposition pesant sur les entreprises : 148 milliards € en 2021, soit 5,9 points de PIB. Les cotisations à la charge des employeurs expliquent les deux tiers de cet écart, les impôts sur la production l’autre tiers.
125 MILLIARDS € : L’ÉCART DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES FRANCE-ZONE EURO
Le supplément de prélèvements obligatoires de la France vis-à-vis de la zone euro (hors France) s’est réduit au cours des dernières années, passant de 157 milliards € en 2016 à 125 milliards € en 2021. Les mesures de baisses de prélèvements obligatoires mises en œuvre en France expliquent une partie seulement de ce mouvement : 15 milliards € sur la baisse de 32 milliards €. L’autre explication tient à la hausse de prélèvements obligatoires dans les autres pays de la zone euro.
Le taux de prélèvements obligatoires a légèrement baissé en France, passant de 45,7 % en 2016 à 45,1 % en 2021 et retrouvant un niveau proche de celui de 2019 (45,3 %), tandis qu’il progressait dans le reste de la zone euro, passant de 38,8 % en 2016 à 39,3 % en 2019 et 40,2 % en 2021. Le niveau des prélèvements obligatoires reste donc très élevé en France, particulièrement sur les entreprises, mais les hausses de prélèvements chez les autres partenaires de la zone euro tendent à réduire l’écart.
L’écart des prélèvements obligatoires s’est réduit du fait des baisses des cotisations sociales en France (bascule des cotisations sociales à la charge des salariés vers la CSG et transformation du CICE en allègements de cotisations à la charge des employeurs) et de la légère augmentation des cotisations sociales dans le reste de la zone euro. Le taux de cotisations sociales à la charge des salariés a diminué en France de 0,8 point de PIB (passant de 5,5 points de PIB en 2016 à 4,7 points de PIB en 2021). Le taux de cotisations sociales à la charge des employeurs a diminué de 1 point de PIB (passant de 11,2 points de PIB en 2016 à 10,2 points de PIB en 2021).
Sur la réduction globale de 2 points de PIB de l’écart de prélèvements obligatoires entre la France et le reste de la zone euro, 2,4 points de PIB sont expliqués par ces évolutions du poids des cotisations sociales. Les cotisations sociales effectives ont progressé de 0,5 point de PIB dans le reste de la zone euro tandis qu’elles baissaient de 1,9 point de PIB en France.
En revanche, pour le poids des taxes indirectes (qui comprennent la TVA, les taxes sur les produits et les impôts sur la production), l’écart s’est accru de 0,7 point de PIB, et cela malgré la mise en place en 2021 en France d’une baisse des impôts de production (baisse de la CVAE et de la CFE). L’écart d’impôts de production entre la France et le reste de la zone euro atteint 70 milliards € en 2021, contre 66 milliards € en 2016, après avoir culminé à 83 milliards € en 2020 avant la baisse de la CVAE et de la CFE. On note également un supplément d’impôts sur les produits (autres que la TVA) en France comparée à la zone euro de 44 milliards € en 2021 contre 24 milliards € en 2016. Ces impôts sur les produits sont très divers (TICPE, droits d’enregistrement, taxes sur le tabac et les boissons…).
La spécificité du poids élevé des impôts en capital (droits de donation et de succession) en France demeure même si ces prélèvements obligatoires ont un poids faible dans le total des prélèvements obligatoires (la France prélève à elle seule 42 % des impôts en capital de l’ensemble de la zone euro…).
LE POIDS DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES ACQUITTÉS PAR LES ENTREPRISES EXPLIQUE L’ÉCART AVEC LE RESTE DE LA ZONE EURO
L’écart de prélèvements obligatoires entre la France et le reste de la zone euro s’explique par le surcroît d’imposition pesant sur les entreprises. L’écart de prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises entre la France et la zone euro (hors France) s’établit à 148 milliards € en 2021 contre 140 milliards € en 2016. Les cotisations à la charge des employeurs expliquent les deux tiers de cet écart, les impôts sur la production l’autre tiers.
Il n’est pas possible d’allouer les impôts indirects (TVA, taxes sur les produits) entre les différents agents (entreprises, ménages, administrations publiques). Les seuls prélèvements qui sont directement allouables aux entreprises sont donc les impôts de production, les impôts sur le revenu (impôts sur les sociétés principalement) et les cotisations sociales à la charge des employeurs.
Comme le montrent les tableaux suivants et la synthèse du tableau ci-dessous, la totalité du supplément de prélèvements obligatoires de la France par rapport au reste de la zone euro pèse sur les entreprises en 2021. Malgré les baisses nettes de prélèvements sur les entreprises (baisses de la CVAE et de la CFE en 2021), le quinquennat d’Emmanuel Macron a été marqué par un alourdissement de la charge des prélèvements qui pèse sur les entreprises. Pendant ce temps, l’écart de prélèvements entre les ménages français et ceux du reste de la zone euro s’est inversé au bénéfice des ménages français.
LA COMPARAISON FRANCE - ALLEMAGNE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES SUR L’INDUSTRIE
Que l’on prenne l’ensemble des activités, l’industrie ou l’industrie manufacturière (des données pour des secteurs d’activités plus fins ne sont pas encore disponibles pour 2021), on relève que malgré la relative baisse des cotisations sociales à la charge des employeurs en France, le poids de celles-ci dans la valeur ajoutée des entreprises demeure supérieur en France comparativement à l’Allemagne. Ceci réduit d’autant l’excédent brut des entreprises et donc le taux de marge.
L’autre spécificité est bien entendu le poids élevé des impôts sur la production desquels on soustrait les subventions sur la production. Ceci amène parfois des subventions nettes pour l’Allemagne, alors que le poids élevé des impôts sur la production en France n’est que faiblement allégé par les subventions sur la production accordées aux entreprises.
Les aides aux entreprises : où se situe la France ? Le rapport de l’Ires de mai 2022 (« Un capitalisme sous perfusion. Mesure, théories et effets macroéconomiques des aides publiques aux entreprises françaises ») indique un montant d’aides aux entreprises de 157 milliards € en 2019 qui se décompose en 61 milliards de dépenses fiscales (crédits d’IS et niches fiscales sur l’ensemble des impôts des entreprises), 64 milliards de dépenses socio-fiscales (allègements de cotisations sociales à la charge des employeurs) et 32 milliards de dépenses budgétaires (subventions aux entreprises). Le choix de l’année 2019 est problématique puisque cette année est exceptionnelle, voyant se cumuler pour les entreprises les allègements de charges et le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Il conviendrait donc de retirer les 20 milliards € de CICE cette année-là pour avoir un montant plus juste. Le montant des aides aux entreprises sans le cumul de l'allègements de charges et du CICE exceptionnel de 2019 serait donc plutôt de 137 milliards €. Ce montant peut apparaître élevé mais doit être mis en regard du supplément de prélèvements obligatoires que les entreprises subissent relativement à leurs partenaires de la zone euro. Imaginons un instant que ces aides aux entreprises disparaissent totalement : Sans les aides, les prélèvements obligatoires sur les entreprises en 2019 auraient été supérieurs de 5,2 points de PIB à ce qu’ils étaient, alors même que l’écart était déjà cette année-là de 5,8 points de PIB2. La baisse des subventions à la production rajouterait encore des charges supplémentaires sur les entreprises de 1,3 point de PIB. Les effets sur l’emploi et la compétitivité seraient dramatiques. On remarquera que les subventions à la production sont relativement faibles en France si on les met en regard du niveau élevé des impôts sur la production (voir tableau page suivante). L’Allemagne parvient même à présenter un niveau d’impôts sur la production net des subventions sur la production, négatif et ce, avant même les aides durant la crise de la Covid. |
LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES SUR LES ENTREPRISES SELON LA TAILLE DES ENTREPRISES
À partir de la base de données Esane de l’Insee, nous établissons le niveau des prélèvements obligatoires par grandes catégories d’entreprises pour les secteurs marchands non agricoles hors banques et assurances : Microentreprises, PME hors microentreprises, ETI et grands groupes. Il y avait 4,1 millions d’entreprises en France en 2019. Les microentreprises (3,94 millions de microentreprises) représentaient 96,1 % des entreprises, les PME (152 700 entreprises) 3,7 % des entreprises et les ETI et grands groupes (6 140 entreprises) 0,1 % des entreprises. Cependant, les ETI et grands groupes réalisaient 57,5 % de la valeur ajoutée de l’ensemble des entreprises et acquittaient 61,2 % des prélèvements obligatoires sur l’ensemble des entreprises. Les PME réalisaient 23,2 % de la valeur ajoutée et acquittaient 21,5 % des prélèvements obligatoires sur les entreprises. Les microentreprises ne réalisaient que 19,3 % de la valeur ajoutée des entreprises et acquittaient 17,4 % des prélèvements obligatoires sur les entreprises.
Le taux de prélèvements obligatoires est donc croissant avec la taille des entreprises. Il est en moyenne de 30,7 % pour l’ensemble des catégories d’entreprises, de 27 % sur les microentreprises, de 28,3 % pour les PME et de 33 % pour les ETI et grands groupes (taux de PO non nets des subventions d’exploitation).
Les prélèvements obligatoires sur l’ensemble des catégories d’entreprises se sont élevés à 362 milliards € en France en 2019. À noter que le périmètre de la base de données Esane est le secteur marchand non agricole hors banques et assurances. Les prélèvements obligatoires sur l’ensemble des entreprises, y compris banques et assurances sont donc certainement plus proches de 400 milliards €.
En pourcentage de la valeur ajoutée des entreprises, il apparaît que les « impôts, taxes et versements assimilés », qui comprennent notamment les impôts de production, sont bien supérieurs pour les ETI et grands groupes que pour les PME et microentreprises (10 % de la VA contre respectivement 4,6 % et 4,8 %). Les PME ont le poids des cotisations patronales en pourcentage de la VA le plus faible des trois catégories (35,9 % contre 41,7 % pour les ETI et grands groupes et 41,4 % pour les microentreprises). En revanche, le niveau de l’IS (en % de la VA) est relativement équivalent entre les catégories d’entreprises (3,8 % pour les ETI/grands groupes et les PME, 3,5 % pour les microentreprises). Les grands groupes bénéficient d’un niveau de subventions d’exploitation supérieur à ceux des autres catégories d’entreprises (les subventions d’exploitation représentent 1,9 % de leur VA contre 1,2 % pour les PME et 0,7 % pour les microentreprises). Néanmoins, le taux de prélèvements obligatoires, nets des subventions d’exploitation, est bien croissant avec la taille des entreprises : 26,3 % pour les microentreprises, 27,1 % pour les PME, 31,1 % pour les ETI et les grands groupes (pour une moyenne de 29,2 % pour l’ensemble des catégories d’entreprises).
Le taux d’IS a été abaissé depuis quelques années avec une montée en charge progressive de cet allègement (selon des seuils de chiffres d’affaires et de résultat fiscal).
Le taux d’IS brut (c’est-à-dire avant l’imputation des crédits d’impôts) a donc plutôt baissé depuis 2015 passant pour l’ensemble des entreprises de 32,1 % en 2015 à 28,2 % en 2020. Cependant, dans le même temps, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) a été supprimé en 2019, abaissant le montant des crédits d’impôts. Par ailleurs, les allègements de cotisations sociales à la charge des employeurs (2019) et les baisses d’impôts de production (CVAE et CFE depuis 2021) occasionnent des retours d’IS puisque la baisse de ces charges du compte d’exploitation augmente le résultat.
On constate ainsi que le taux d’IS, net des crédits d’impôts, a plutôt stagné entre 2015 et 2020 (passant de 24,5 % en 2015 à 25,6 % en 2019 puis 25,2 % en 2020), voire légèrement augmenté, notamment pour les grandes entreprises qui recourent davantage à ces dispositifs.
Écart des prélèvements obligatoires France-Allemagne Faute d’une granularité suffisante, il n’est pas possible d’identifier les écarts entre pays, taxe par taxe, frappant les entreprises. En revanche il est possible de le faire en isolant les cotisations et contributions des personnes morales, à partir des National tax List publiées par Eurostat. Malheureusement, les entreprises sont associées aux administrations publiques qui paient elles aussi des impôts et cotisations sociales. Et pourtant, l’écart entre la France et l’Allemagne reste significatif, de l’ordre de 144,9 milliards € (5,8 points de PIB en 2021). Le tableau suivant détaille l’écart de la fiscalité des personnes morales en 2021 entre la France et l’Allemagne et montre le poids des impôts de production fonciers (+24,6 milliards €) et assis sur la masse salariale et les effectifs (+47,6 milliards €) et des cotisations patronales (+78,5 milliards) du côté français. En revanche l’Allemagne a une fiscalité plus lourde sur les actifs fixes (-0,7 milliard), la pollution (-6 milliards €) et les taxes assimilables à l’IS (Gewerbesteuer, -3 milliards €).
Note de lecture : les lignes en bleu indiquent les impôts qui pèsent en plus sur les entreprises françaises, les lignes en orange, les impôts qui pèsent en plus sur les entreprises allemandes. |
Notes :
1 : Zone euro ramenée à la taille de la France
2 : Les subventions n'apparaîssent bien entendu pas dans les prélèvements obligatoires.