Panorama du minimum vieillesse en Europe
La Fondation IFRAP s’est penchée sur les politiques relatives au minimum vieillesse en Allemagne, au Royaume-Uni, en Belgique et en Italie. De cette comparaison, on retiendra que la France et la Belgique affichent, à la fois, un montant de l’aide presque deux fois plus élevé que les autres pays et un âge d’ouverture des droits également inférieur. Il faut aussi noter qu’en Allemagne et en Italie, l’équivalent du minimum vieillesse s’inscrit dans la continuité du mécanisme du revenu minimum (équivalent RSA).
Alors qu’en France, il est attendu que la population de plus de 65 ans augmente de 2 millions d’ici 2030, l’évolution à venir du minimum vieillesse est à suivre de près… d’autant plus que la tendance est déjà la hausse pour cette prestation : +31 000 bénéficiaires et +700 millions de dépenses publiques liées entre 2018 et 2022.
Les chiffres clés du minimum vieillesse en France
- Évolution 2018-2022 : +31 621 bénéficiaires, pour atteindre 767 000 bénéficiaires.
Revalorisée de 5,3% en 2024, l’ASPA représente 70% des bénéficiaires et 77% des dépenses liées au minimum vieillesse qui, créé en 1956, est le plus ancien minima social français. Jusqu’en 2006, ce minima se composait de deux niveaux : une allocation de base (différente selon les régimes) et une allocation supplémentaire ouverte uniquement aux résidents du territoire français. Ces allocations ont fusionné pour devenir l’ASPA en 2007 pour les nouveaux entrants.
Le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), dans son rapport d’activité 2022, estimait que 257 514 allocations étaient encore versées au titre de l’ancien système contre 546 212 pour le nouveau dispositif. Au final, on compte 803 728 versements d’allocations du minimum vieillesse en 2022 : 84% dépendent du régime général (CNAV + indépendant), 4,2% d’un régime agricole (soit environ 33 750 personnes), 1,5% d’un autre régime et enfin, 10% du SASPA qui est le « service de l’allocation de solidarité aux personnes âgées », c’est-à-dire pour les personnes qui ne relèvent d’aucun système d’assurance vieillesse français. En 2022, 78 551 versements étaient pris en charge par le SASPA et on sait qu’en 2017 :
- 60 % d’entre eux concernaient une personne qui percevaient au préalable un autre minimum social (AAH ou RSA), soit environ 47 000 personnes.
- 32% d’entre eux concernaient des étrangers hors espace économique européen (soit environ 25 100 personnes).
Depuis 10 ans, si le nombre de versements au titre de l’ASPA (nouveau système) a presque triplé, le nombre de versements au titre du minimum vieillesse a, lui, baissé de près de 100 000. On observe néanmoins depuis 2018, une remontée progressive avec +31 621 versements à des bénéficiaires jusqu’en 2022.
Concernant le nombre réel de bénéficiaires, le FSV estime que « le nombre des « doublons » (personnes percevant à la fois une allocation du premier et du second niveau de l’ancien minimum vieillesse) peut être estimé à environ 36 000 personnes » et qu’après « retraitement de ces « doublons », on peut estimer le nombre de bénéficiaires du MV [minimum vieillesse] à environ un peu plus de 767 000 personnes à fin 2022 (contre environ 751 000 à fin 2021, soit + 2,1 % de progression sur un an) ». Hormis cette explication, il faut cependant regretter qu’aucun tableau du rapport ne présente ce chiffre clairement, ni l’évolution du nombre de bénéficiaires « doublon ».
- Évolution 2018-2022 : +700 millions de dépenses pour atteindre 4 milliards d’euros.
Concernant les dépenses liées au minimum vieillesse, elles étaient de 4 milliards d’euros en 2022 contre 3,3 milliards d’euros en 2018[1], soit une augmentation de +700 millions sur la période. Concernant l’aide moyenne versée, elle a également augmenté sur la période :
- Fin 2018[2], les allocataires recevaient, en moyenne, 367 euros mensuels pour l’ASV et 437 euros pour l’ASPA.
- Fin 2022[3], les allocataires recevaient, en moyenne, 440 euros mensuels pour l’ASV et 490 euros pour l’ASPA.
En 2022, les dépenses totales étaient réparties comme suit :
On note que les bénéficiaires du SASPA qui ne représentent que 10% des effectifs perçoivent 14% de la dépense totale : pour ce service, la dépense par bénéficiaire est en effet très supérieure à la moyenne (7 600 euros contre 5 049 euros) et plus du double de la moyenne de l’ancien système (3 405 euros).
Suite à la dernière réforme des retraites, il est attendu que les nouvelles règles encadrant l’ASPA aboutiront à dégrader le solde de notre système de retraite de 100 millions d’euros d’ici 2030. Avant la réforme, le gouvernement estimait que 50% des bénéficiaires potentielles à l’ASPA n’en faisant pas la demande et l’objectif affiché est de remonter le recours de 3 points. Pour y parvenir, un allègement du recouvrement des créances pour les héritiers a été mis en place. En effet, l’ASPA est une prestation partiellement récupérable par l’État dans le cas d’une succession supérieure à 39 000 euros jusqu’en 2022 (100 000 euros dans les outre-mer), un seuil remonté à 100 000 euros depuis septembre 2023 (150 000 euros dans les outre-mer). Notons que seule la part de patrimoine dépassant les 100 000 euros est prise en compte dans le cas d’un recouvrement et hors part revenant au conjoint ou héritier de plus de 62 ans inapte au travail et à la charge du défunt. Le gouvernement mise désormais sur une baisse de 50% des récupérations sur succession concernant l’ASPA, soit environ 70 millions d’euros sur les 149 millions récupérés en 2022.
Notons que ces récupérations sur successions ne représentent que 3,6% de la dépense totale du minimum vieillesse en 2022... et que la France est le seul pays à avoir mis en place un mécanisme de recours sur succession sur un revenu de subsistance aux personnes âgées.
Et ailleurs en Europe ?
Tableau récapitulatif : comparaison du « minimum vieillesse » en Europe
Sources : données nationales de chaque pays, *COR, document n°6, 16 février 2023.
En France
Pour rappel, en France, pour bénéficier du minimum vieillesse, il faut remplir les critères suivants :
- Être âgé d’au moins 65 ans (ou 62 ans pour les personnes bénéficiant de la retraite anticipée pour inaptitude au travail).
- Résider en France de manière stable et régulière (minimum 9 mois dans l’année).
- Dans le cas d’un étranger non communautaire, il faut justifier de 10 ans de présence sur le territoire avec un permis de séjour.
- Avoir des ressources (pensions de retraite, revenus fonciers, revenus d’activité et revenus financiers) inférieures à un certain plafond : 12 144 euros annuels pour une personne seule pour bénéficier de l’ASPA, 18 854 euros annuels pour une personne seule.
Concernant le montant mensuel maximal versé, en janvier 2024, il est de 1 012 euros par mois pour une personne seule, 1 571 euros pour un couple. Comme vu précédemment, 767 000 personnes bénéficient de cette aide pour une dépense totale de 4 milliards en 2022.
En Allemagne
L’équivalent du minimum vieillesse (sozialhilfe) en Allemagne est qu’il s’inscrit dans la continuité du mécanisme du revenu minimum (équivalent RSA) et sur lequel le montant est aligné. Notons que ces deux minima ont été créés en même temps, en 2005, en Allemagne.
Pour bénéficier de ce « minimum vieillesse », il faut remplir les critères suivants :
- Être âgé d’au moins 65 ans et 5 mois pour la génération 1951, 66 ans et 6 mois pour la génération 1961 et 67 ans à partir de 1967[4].
- Justifier d’une résidence permanente en Allemagne.
- Avoir des ressources inférieures à 981 euros par mois[5], incluant les revenus d’origine sociale inclus et excluant 30% des revenus provenant d’un emploi, ainsi que 224 euros de pension brute, résultat de 33 années de cotisations.
Concernant le montant mensuel maximal versé, il était est de 432 euros par mois pour une personne seule en 2020. Fin 2022, la prestation était versée à 658 000 bénéficiaires[6] pour une dépense totale de 1,3 milliard d’euros[7].
Au Royaume-Uni
On peut comparer le minimum vieillesse français au « pension credit » britannique qui est le minima social existe à destination des personnes de plus de 66 ans. Ce dernier se compose de deux aides :
- Le « garantee credit » chargé d’aider les retraités à atteindre un niveau de revenu minimum : l’aide maximum est de 201 livres par semaine et pour une personne seule, 306 livres pour un couple. Les « aidants » et les personnes en situation d’handicap peuvent bénéficier d’une aide supplémentaire (entre 42 et 76 livres par semaine). Pour être éligibles à cette aide, les revenus du bénéficiaire ne doivent pas dépasser le montant maximum de l’aide (équivalent à environ 12 219 euros de revenus annuels) et le demandeur doit avoir moins de 10 000 livres d’épargne (au-dessus de ce seuil, chaque 500 livres d’épargne représente un revenu de 1 livre par semaine : 12 000 livres d’épargne = 4 livres de revenus hebdomadaires additionnels).
- Le « savings credit » ouverte à ceux qui perçoivent déjà une retraite minimum ou qui justifie d’un patrimoine minimum. L’aide accordée est de 16 livres par semaine pour une personne seule, 18 livres pour un couple.
En plus des questions de ressources, dans le cas d’un couple, il faut que les deux conjoints aient dépassé l’âge de la retraite pour ouvrir une demande : 66 ans depuis 2020, 67 ans à partir de 2028, 68 ans en 2030, etc. Enfin, il faut justifier d’une résidence permanente au Royaume-Uni et ce, pour tous les demandeurs, qu’ils soient Britanniques, citoyens européens, immigrés légaux ou réfugiés.
L’aide maximum annuelle tourne autour de 3 300 livres, soit environ 3 800 euros[8].
En 2021, 1,4 million de personnes touchaient un « pension credit » pour une dépense totale d’environ 5 milliards de livres[9]. En juin 2022, le gouvernement britannique estimait le non-recours à 850 000 bénéficiaires potentielles pour une dépense attendue de 1,7 milliard de livres.
En Belgique
En Belgique, l’équivalent d’un minimum vieillesse est la Garantie de revenus aux personnes âgées (GRAPA). Pour bénéficier de ce « minimum vieillesse », il faut remplir les critères suivants :
- Être âgé d’au moins 65 ans, 66 ans à partir de 2025, 68 ans à partir de 2030.
- Résider en Belgique de manière stable et régulière (minimum 6 mois dans l’année).
- À préalable des versements, justifier d’une présence d’au moins 10 ans sur le territoire belge, dont 5 ans sans interruption.
- Avoir des revenus inférieurs à 1 519 euros par mois[10] pour une personne seule.
Concernant le montant mensuel maximal versé, il était est de 1 083 euros par mois pour une personne seule en 2018. Notons que le montant de l’allocation est plafonné à 90% de la pension moyenne du Service fédéral des pensions. Cette prestation était versée à 110 000 bénéficiaires[11] en 2021 pour une dépense totale de 0,95 milliard d’euros[12].
En Italie
Côté italien, le minimum vieillesse s’appelle le assegno sociale et, comme en Allemagne, il s’inscrit dans la continuité du mécanisme du revenu minimum (équivalent RSA). Pour bénéficier de ce « minimum vieillesse », il faut remplir les critères suivants :
- Être âgé de 67 ans depuis 2019.
- Résider en Italie de manière stable et régulière.
- Préalable des versements, justifier d’une présence d’au moins 10 ans sur le territoire.
- Avoir des revenus inférieurs à 7 115 euros par an pour une personne seule, 14 897 euros pour un couple[13].
L’allocation est versée sur 13 ans et son montant mensuel maximal versé, il était est de 534 euros par mois[14] pour une personne seule en 2024, soit 6 947 euros annuels. Ce montant est majoré de 13 euros par mois pour les bénéficiaires de plus de 65 ans depuis 2001, de 21 euros par mois pour les plus de 75 ans. Le montant de l'allocation sociale est réduit de 50 % en cas d'hospitalisation du titulaire dans des établissements entièrement pris en charge par des organismes publics.
D’après le COR, en 2020, cette allocation non contributive forfaitaire était versée à 6,6% de la population de plus de 65 ans, soit entre 920 000 et 1 million de bénéficiaires. On peut également estimer la dépense totale liée entre 6,4 et 6,9 milliards d’euros.
42,6% des plus de 65 ans bénéficient d’un mécanisme d’aide en France Si le minimum vieillesse est un minima social, il s’inscrit dans la politique de minima de pensions. Sur ce sujet, les données publiées par le COR permettent de comparer la part de la population de plus de 65 ans à bénéficier du minimum vieillesse (ou d’un équivalent) et/ou d’un mécanisme de pension minimum (minimum contributif en France). On constate alors que, sur cette part, la France arrive très largement en tête avec 42,6% de la population de plus de 65 ans qui bénéficient d’un de ces mécanismes. En face, il convient de noter que la France se caractérise par un taux de pauvreté de la population de plus de 66 ans particulièrement bas, en comparaison du même taux en Europe, mais également en comparaison au reste de la population nationale : 8,4% contre 4,4%. Source : COR, document n°6, 16 février 2023. Donnée incomplète pour l’Allemagne où un mécanisme de pension minimale (Grundrente) n’existe que depuis 2021. Incontestablement, plus que le minimum vieillesse, c’est la pension minimum qui fait la plus grande différence au niveau français : avec 38,3% de recours, nous nous plaçons 6 à 11 points au-dessus des autres pays. |
[1] https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2021-01/Fiche%2027%20-%20Les%20allocataires%20du%20minimum%20vieillesse%20et%20les%20montants%20vers%C3%A9s.pdf
[2] https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2021-01/Fiche%2027%20-%20Les%20allocataires%20du%20minimum%20vieillesse%20et%20les%20montants%20vers%C3%A9s.pdf
[3] https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/communique-de-presse-jeux-de-donnees/minimum-vieillesse-donnees-2022
[4] https://www.bmas.de/DE/Soziales/Sozialhilfe/Grundsicherung-im-Alter-und-bei-Erwerbsminderung/grundsicherung-im-alter-und-bei-erwerbsminderung.html
[5] https://www.deutsche-rentenversicherung.de/DRV/DE/Rente/In-der-Rente/Grundsicherung/grundsicherung_node.html#:~:text=Grundsicherung%20im%20Alter%20und%20bei,mindestens%2018%20Jahre%20alt%20sind.
[6] https://www.ihre-vorsorge.de/rente/nachrichten/gefluechtete-aus-der-ukraine-sorgen-fuer-mehr-bezieher-von-altersgrundsicherung
[7] https://www.destatis.de/DE/Themen/Gesellschaft-Umwelt/Soziales/Sozialhilfe/Tabellen/ausgaben-einnahmen-t02-nettoausgaben-insg-hilfearten-ilj-zv.html
[8] https://www.gov.uk/government/news/eligible-pensioners-urged-to-claim-pension-credit-to-help-with-cost-of-living
[9] https://www.bbc.com/news/explainers-63129705
[10] https://www.sfpd.fgov.be/fr/droit-a-la-pension/grapa
[11] https://fgtb.be/deconfinons-la-grapa#:~:text=La%20GRAPA%20(Garantie%20de%20revenus,personnes%20dont%2065%20%25%20de%20femmes.
[12] https://www.lecho.be/economie-politique/belgique/federal/pourquoi-une-reforme-de-la-pension-legale-s-impose/10449951.html
[13] https://www.patronato.acli.it/lassegno-sociale-inps-2024-53441e-per-tredici-mensilita/
[14] https://www.patronato.acli.it/lassegno-sociale-inps-2024-53441e-per-tredici-mensilita/