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La baisse du niveau de vie des retraités se poursuit

Le niveau de vie des retraités pourrait bientôt être plus faible que celui des actifs

Le retour de l’inflation et le débat sur la réindexation des retraites a remis en lumière la question du pouvoir d’achat des retraités. La mesure de revalorisation de 4 % concerne uniquement la retraite de base. En ce qui concerne les régimes complémentaires Agirc-Arrco (81 milliards € de pensions versées en 2020), les organisations syndicales et patronales gestionnaires des retraites ont décidé une revalorisation de 5,1% applicable au 1er novembre.

Un engagement en 2019 : celui de ne plus utiliser la désindexation des retraites

Pour les retraités, le terme de réindexation a une connotation toute particulière puisque la règle veut que les pensions suivent les prix. Mais ce paramètre fixé par la réforme Balladur de 1993 avait subi de nombreuses entorses ces dernières années pour maîtriser l’évolution des dépenses de retraite.

Emmanuel Macron s’était engagé en 2019 à ne plus y toucher. La revalorisation votée à l’été 2022 représente un rattrapage de 5 milliards € soit l’équivalent d’une demi-année ; la revalorisation aurait dû de toute façon avoir lieu en janvier prochain.

Revalorisation annuelle moyenne des pensions brutes %

 

2005-2010

2010-2015

2015-2020

2020-2021

Indice des prix à la consommation

1,56

0,95

1

2,8

Régime de base19

1,48

1,12

0,4

0,4

AGIRC

1,37

0,64

0,3

1

ARRCO

1,37

1,04

0,3

1

Dévalorisation des retraites : une réforme silencieuse

Il n’en reste pas moins que le ressenti des retraités est celui d’une stagnation de leurs revenus par rapport à ceux des actifs. Il existe deux moyens d’en juger : par l’évolution du pouvoir d’achat et par le niveau de vie.

Pour détailler l’érosion du pouvoir d’achat subie par les retraités ces 25 dernières années, le Conseil d'orientation des retraites (Cor) a étudié dans son dernier rapport deux cas types : un salarié et un cadre du privé. Entre l’année de son départ à la retraite et 2020, le pouvoir d’achat du non-cadre du privé aura diminué d’environ 4 % pour les 4 générations étudiées. En cause, la non-revalorisation Arrco (2014, 2018) et la non-revalorisation Cnav (2018). Pour le cadre, la situation est encore plus défavorable : la perte de pouvoir d’achat représente entre 8 % et 15 %. Les 15 % concernent la génération 1932 qui a été affectée par la hausse de la CSG (1993, 1997, 2018) et la sous-indexation du point Agirc (1994, 2004).

Le découplage prix-salaires : la réforme la plus importante des retraites

À un niveau plus macroéconomique, et en reprenant une période plus longue, l'Insee a montré que la réforme de 1993 avec le passage d’une indexation sur les salaires à une indexation sur les prix a eu un impact considérable : sans réforme, les dépenses de retraite étaient projetées pour atteindre 20 % en 2040, avec l’indexation sur les prix, cela a ramené la part à 15,7 % du PIB.

Pour Didier Blanchet, actuel président du Comité de suivi des retraites, les mesures portant sur l’âge de liquidation ont eu le plus de visibilité et ont suscité le plus de résistance. Pourtant, cette augmentation reste très en deçà de celle qu’il aurait fallu si l’âge avait été la seule variable d’ajustement : ce sont huit ou neuf années de report qu’il fallait envisager car le report de l’âge permet de limiter les déficits futurs mais ne règle pas les acquis du vieillissement (accroissement de l’espérance de vie).

Ainsi, deux autres leviers ont été mis en œuvre en 1993 : la moindre revalorisation des salaires pris en compte dans le calcul de la pension qui fait baisser le taux de remplacement et la moindre revalorisation de cette pension après sa liquidation, les deux revalorisations se faisant désormais sur les prix. Autrement dit, on aurait tort de réduire les réformes passées à des mesures d’âge au seul détriment des actifs. Les mesures d’indexation ont aussi pris leur part au redressement des comptes.

Le niveau de vie des retraités pourrait bientôt être plus faible que celui des actifs

La comparaison internationale du niveau de vie des seniors rapporté à celui de l’ensemble de la population est en faveur de la France qui fait figure avec l'Italie et l'Espagne d'exception. Mais il faut bien comprendre que ce niveau de vie est la somme des pensions et des autres revenus (revenus du patrimoine, transferts sociaux) et tient compte de la composition du ménage. Si le niveau de vie des retraités est comparable à celui de l’ensemble de la population (99,8 % en 2018), il existe aussi des disparités selon l'âge : à 65 ans, le niveau de vie s’améliore (enfants à charge qui quittent le foyer), les retraités de plus de 75 ans voient leurs charges augmenter, notamment sous le poids de la dépendance.

Niveau de vie des seniors rapporté au niveau de vie de l'ensemble de la population en 2018

 

Plus de 65 ans

De 66 à 75 ans

Plus de 75 ans

Belgique

80

85

73

Royaume-Uni

81

86

74

Japon

85

92

78

Suède

86

97

71

Pays-Bas

86

91

77

Allemagne

89

92

85

Canada

91

95

84

États-Unis

94

102

81

Espagne

96

102

88

Italie

100

109

81

France

100

104

94

Source OCDE.

La baisse du taux de remplacement

L’amélioration du niveau de vie des retraités était liée au fait que depuis plusieurs années, le niveau des pensions versées augmentait de façon régulière. C’est ce que l’on appelle l’effet noria : les nouveaux retraités ont en moyenne des pensions plus élevées que les générations les plus anciennes, car ils ont eu des carrières avec des revenus plus importants. Or on constate depuis quelques années que cet effet ralentit. Pour le Cor, le niveau de vie relatif des retraités qui « avait fortement progressé depuis 1970, devrait diminuer à long terme ». Si on observe une parité actuellement en France, les projections anticipent pour les années 2040 un retour vers un ratio de 90 et 94 % et entre 77 et 86 % en 2070.

Plus précisément, la pension moyenne brute (1 600 € en 2020), qui représente plus de la moitié de la rémunération brute par tête aujourd’hui (taux de remplacement), n’en représenterait plus que 40 à 45 % à horizon 2070. Cela ne signifie pas que le niveau réel des pensions va baisser, mais leur niveau relatif par rapport aux revenus d’activité est appelé à décrocher significativement. Si cette méthode de contrôle des dépenses des retraites est efficace pour maintenir les dépenses des retraites et fait dire à certains que « le problème est réglé », elle conduit à un sentiment de déclassement inacceptable parmi les retraités. Cette baisse tendancielle du niveau des pensions est l’équivalent d’une réforme des retraites silencieuse. Et les syndicats de salariés et mouvements patronaux, focalisés sur la situation des actifs, n'ont pas forcément 

La baisse du niveau des pensions doit-elle être la seule réforme des retraites ?

La baisse du niveau relatif des pensions doit-elle être l’antidote du vieillissement dans les comptes de la Sécurité sociale, ou faut-il la contrecarrer ? Faut-il faire les économies sur les retraites pour financer d’autres pans de l’État-providence, tels que l’autonomie ou la santé ? Jusqu’à présent, on n’entend pas un discours de vérité : dire que faute d’économies, le système de retraite risque de demeurer déficitaire pendant trente ans, même si certains estiment que l’on peut s’accommoder du niveau de dépenses actuel, dans la mesure où leur trajectoire est « maîtrisée ». Inciter à travailler plus longtemps est une nécessité pour maintenir un taux de remplacement plus élevé.

À quoi bon garantir par la loi des objectifs de taux de remplacement (66 % minimum) si celui-ci s’érode au fil des non-revalorisations. D’après Didier Blanchet : « Avec une croissance des salaires réels de 1,5 % par an, le pouvoir d’achat relatif du retraité [indexé sur les prix] enregistre un recul cumulé de 14 % au bout de 10 ans de retraite, de 26 % au bout de vingt années, de 36 % s’il survit jusqu’à ses 90 ans... Rappeler cela n’est pas plaider pour un retour aux règles d’indexation plus favorables qui ont prévalu jusqu’aux années 1980. Il s’agit juste de rappeler que ce levier de l’évolution des droits après liquidation a déjà été beaucoup utilisé ». En Suède, l’indexation des retraites reste « accrochée » à la croissance avec une indexation basée sur la croissance du PIB -1,6 point. Un moyen efficace de créer un pacte entre actifs et retraités sur le partage de la croissance. En contrepartie le taux de remplacement est plus faible. En 2019, les partenaires sociaux qui gèrent les retraites complémentaires Agirc-Arrco ont choisi de mettre en oeuvre un système similaire pour 3 ans avec une indexation sur les salaires - 0,2 point (dit facteur de soutenabilité, le résultat ne pouvant être inférieur à l'inflation).