Le référendum, pour lever les obstacles à la réforme de l'Etat
Bertrand Nouel de la Fondation iFRAP revient sur le référendum voulu par Nicolas Sarkozy.
Tribune parue dans l'édition du 22 février au Monde.
Le maniement du référendum est délicat. D'abord, l'initiative est gouvernementale et la question politique va immédiatement se poser : pourquoi un référendum sur ce sujet et pas sur les autres ? Cependant, la direction indiquée par Nicolas Sarkozy est intéressante : l'idée est de ne faire intervenir le référendum qu'en bout de course, pour dénouer un blocage après qu'il en ait été longuement débattu entre gouvernement et partenaires sociaux, et, on peut l'espérer, après que les citoyens se soient intéressés au sujet et familiarisés avec lui. Ce serait une forme de démocratie participative à encourager.
Le président de la République propose vraisemblablement cette option car il a éprouvé pendant cinq ans la difficulté de réformer. La France est un pays difficile à réformer notamment car les responsables de nos administrations et de nos syndicats ont du mal à accepter que le système tel qu'il a été conçu peu à peu depuis la seconde guerre mondiale puisse être remis en question et ce, malgré ses incohérences. Cette résistance a pour conséquence qu'il serait peut-être plus facile de réformer en interrogeant directement les Français sur certaines réformes. Sur le sujet des retraites par exemple, on aurait pu poser la question suivante : "Êtes-vous favorable à un système de retraite universel qui fusionne tous les systèmes de retraite, publics et privés ?" On aurait certainement gagné une dizaine d'années de petits pas législatifs vers l'inéluctable fusion.
Quant au problème du chômage, on se trouve ici devant une question qui peut être prise sous différents aspects, car il y a au moins quatre variables imaginables : les ressources de la formation, la durée de l'indemnisation, son montant et enfin l'obligation de reprendre un emploi. Cette question pose aussi la question de l'efficience des dépenses des quelque 30 milliards consacrés chaque année à la formation professionnelle (efficience que les partenaires sociaux ne semblent pas vouloir évoquer). Et elle pose encore celle de la définition de l'offre raisonnable d'emploi qui est clairement à préciser puisque le bénéficiaire de l'indemnité chômage peut aujourd'hui refuser un emploi si, par exemple et entre autres critères, le temps de trajet pour se rendre sur le lieu de l'emploi proposé dépasse 1 heure ou 30 km. Le nombre des questions possibles sur ce sujet est tellement important que le débat peut facilement s'enliser devant les partenaires sociaux.
L'utilisation du référendum permettrait ainsi de revêtir d'une légitimité populaire la décision politique face aux corporatismes. Un référendum sur la réforme du statut de la fonction publique et l'embauche des nouveaux entrants sous contrats de droit privé pourrait aussi permettre la réforme que tous nos voisins européens ou presque ont déjà effectuée. Si le recours à la technique référendaire peut permettre que les réformes nécessaires deviennent possibles en France comme ailleurs en Europe, pourquoi s'en priver ?