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Mars 2024 : 124,6% de surpopulation carcérale

Le service de statistique du ministère de la justice vient de publier les statistiques pénitentiaires de mars 2024 et les chiffres ne sont pas bons s’agissant de la surpopulation carcérale. En mars 2024 les personnes incarcérées s’élèvent à 76.766 écroués incarcérés. Il s’agit d’un chiffre jamais atteint dans la période récente. Mais dans la mesure où la production de projets pénitentiaires additionnels n’avance pas au même rythme que les incarcérations, la surpopulation carcérale explose. Elle s’élève au niveau national quelle que soit la nature de l’incarcération à 124,6%. Pour les QA/MA (quartiers d’arrêt/maisons d’arrêt) qui reçoivent les courtes peines et les personnes en instance de jugement, les chiffres explosent, atteignant 148,7%. Il est donc urgent de modifier rapidement et en profondeur nos capacités carcérales car la situation semble de plus en plus critique.

Une surpopulation carcérale qui s’aggrave même au-delà de la période Covid

Si l’on reprend les statistiques disponibles à partir de janvier 2018 et qu’on les prolonge jusqu’en mars 2024, on s’aperçoit que l’effet Covid qui avait courant 2020 vidé les prisons françaises (pour les détenus les moins dangereux) pour raisons sanitaires, est aujourd’hui totalement effacé. A date nous constatons que :

  • Le nombre de détenus sur la période a augmenté de +11,3%
  • Le nombre de places opérationnelles a quant à lui cru de 3,12%
  • Il en résulte donc que la surpopulation carcérale s’est appréciée de +9,2 points atteignant au niveau national 124,6% en mars 2024 contre 115,4% en janvier 2018.

Source : ministère de la Justice, statistiques pénitentiaires (base mensuelle[1]). 

Si maintenant nous pointons uniquement sur les QA/MA quartiers et maisons d’arrêt où sont détenus les personnes en détention provisoire et les courtes peines, les statistiques sont beaucoup plus dégradées, ce qui témoigne d’un effet pénitentiaire des lenteurs de la justice (puisqu’il s’agit ultra-majoritairement de personnes en instance de jugement) :

Source : ministère de la Justice, statistiques pénitentiaires (base mensuelle). 

Après un point bas obtenu durant la crise Covid en juin 2020 à 109,8%, les QA/MA atteignent désormais les 148,7% en moyenne nationale en mars 2024, soit +24,1 points au-dessus de la moyenne nationale. 

La surpopulation carcérale la plus importante est atteinte dans la direction interrégionale de Toulouse

Si maintenant nous cherchons à localiser les territoires les plus dégradés en matière de surpopulation carcérale, ces derniers sont localisés en 1er lieu dans la direction interrégionale de Toulouse, où la densité d’occupation carcérale toutes infrastructures pénitentiaires confondues représente 142,7%, soit +6,4 points par rapport à la 2ème plus dégradée représenté par la direction interrégionale des outre-mer (136,3%). 

Source : ministère de la Justice, statistiques pénitentiaires (base mensuelle). 

Si l’on regarde maintenant la répartition de cette surpopulation dans la direction interrégionale de Toulouse, les chiffres sont très impressionnants :

Source : Extrait de la situation carcérale mensuelle de mars 2024

Ainsi la moyenne des MA/QMA dans la Direction interrégionale de Toulouse atteint 180,1%. Des pics sont mêmes visibles égaux ou supérieurs à 200% de densité carcérale à la maison d’arrêt de Foix (200%), dans les MA/QMA du centre pénitentiaire de Perpignan (204,1%), à la maison d’arrêt de Nîmes (208,5%). Le maximum étant atteint à la maison d’arrêt de Foix (220,3%). 

Cette situation est plus structurelle qu’il n’y paraît puisque la direction interrégionale de Toulouse se partage souvent la 1ère place (en moyenne nationale) toutes capacités carcérales confondues avec Paris. Entre mars 2018 et mars 2024, les statistiques générales sont les suivantes :

Source : Extrait de la situation carcérale mensuelle de mars 2024 et années antérieures sur base glissante. 

Nous vérifions qu’en mars 2018, La Direction interrégionale de Paris était la plus surpeuplée, avec la densité carcérale la plus forte à 149,4% tandis que Toulouse arrivait en seconde position à 131,7%. Cette situation ne s’est reproduite qu’en mars 2023 avec un écart beaucoup plus modeste de seulement 1,1 point. Pour l’ensemble des autres années la densité carcérale dans la DISP de Toulouse était plus importante. 

S’agissant spécifiquement des QA/MA, les statistiques toulousaines montrent qu’il existe des mécanismes de régulation entre les inter-régions tous les deux ans, afin de soulager les surpopulations carcérales constatées. 

Source : Extrait de la situation carcérale mensuelle de mars 2024 et années antérieures sur base glissante. 

Conclusion

Les chiffres mis en évidence pour le mois de mars 2024 montrent que la surpopulation carcérale s’accroît inexorablement malgré les plans immobiliers carcéraux en cours de réalisation. L’augmentation du parc carcéral est beaucoup trop timide par rapport à celle de la population incarcérée. Des phénomènes de cannibalisation des nouvelles cellules construites par les réfections des ensembles existants peuvent expliquer en partie ce lent déploiement. La surpopulation en MA/QMA montre également que la réponse pénale est ferme, mais que le temps de traitement des affaires en cours par la justice est beaucoup trop long. Il existe donc deux goulets d’étranglement : la lenteur de la justice qui multiplie les placements préventifs en MA/QMA en attente de jugement, et les capacités de parc pénitentiaire toujours sous-dimensionnées. Mais dans une situation générale de plus en plus tendue, la DISP de Toulouse présente en moyenne période les caractéristiques les plus dégradées, même par rapport à celle de Paris et à celles des DOM. 


[1] Voir en particulier, pour l’année 2024, pour l’année 2023, pour l’année 2022, pour l’année 2021, pour l’année 2020, pour l’année 2019