7 mesures prises par l'Allemagne pour redresser ses finances publiques
Pour l’Allemagne, nous allons nous intéresser à une période plus récente, à savoir le début des années 2000. L’Allemagne se décrit alors comme « l’homme malade de l’Europe », à la suite des coûts engendrés par la réunification et l’intégration de l’ex-RDA dans l’économie nationale. Aujourd'hui, le pays a une dette publique de 66% du produit intérieur brut (contre près de 82% pour la moyenne de l’Union européenne et 111% pour la France), la population allemande est aussi plus active, de 63% en 2003, elle est passée à 68% en 2022 pour les 15-64 ans. Voici 7 mesures prises par l'Allemagne durant ces 20 dernières années a permis au pays de vivre vécu deux grandes périodes de stabilité budgétaire.
Entre 2003 et 2005, la coalition rouge-verte (sociaux-démocrates et écologistes) met en œuvre un programme appelé « Agenda 2010 » censé redonner à l’économie allemande une place importante dans le monde et surtout de rééquilibrer les comptes publics, avec une dette qui a beaucoup grimpé depuis 1991.
Le volet le plus connu de l’Agenda 2010 est l’ensemble des réformes Hartz, votées entre 2003 et 2005. Celles-ci ont révolutionné le monde du travail et ont permis à l’Allemagne de s’adapter à la tertiarisation de son économie, historiquement basée sur le modèle industriel (qu’elle a gardée dans une large mesure). Ces lois étaient directement dirigées contre le chômage de masse :
Création d’agences pour l’emploi en intérim qui travaillent avec les agences publiques et renforcement de la conditionnalité des minimas sociaux (Hartz I) ;
Création du régime d’autoentrepreneur (Ich-AG) et des midijobs et minijobs (Hartz II) ;
Réforme des agences publiques pour l’emploi et durcissement des conditions d’indemnisation pendant la période de recherche d’emploi (Hartz III) ;
Rapprochement entre l’aide sociale forfaitaire et l’assurance-chômage, avec la nécessité pour l’allocataire de signer un contrat de réinsertion à l’emploi (Hartz IV).
Le principal succès des réformes Hartz réside dans le raccourcissement des périodes de recherche d’emploi. Lors d’une procédure de licenciement, le salarié est déjà accompagné pour trouver un autre emploi.
Au-delà des réformes Hartz, l’Allemagne a adopté une stratégie globale assez payante sous Schröder puis Merkel. Fait surprenant, les dépenses publiques n’ont pas particulièrement baissé pendant ces périodes, mais le déficit et la dette si (ou du moins, cette dernière a stagné au moment où elle s’envolait en France). Les efforts ont donc été mis sur la stimulation de la croissance en priorité, afin de soutenir le PIB même lorsque la situation budgétaire était plus difficile (notamment lors de la crise de la zone euro).
Ainsi, par exemple, l’Allemagne a dépensé plus que la France sur l’ensemble des années Schröder et Merkel (rappelons que l’Allemagne compte une quinzaine de millions d’habitants de plus), mais grâce à un PIB supérieur et une maîtrise de la dette, elle s’en est mieux sortie.
L’Allemagne a procédé à une réduction du nombre des fonctionnaires, des libéralisations de certains secteurs publics (ferroviaire, télécoms, poste…). Mais c’est l’orientation plus stratégique des subventions qui a fait la différence dans la stabilisation de la dette publique allemande. Les services publics allemands sont ostensiblement plus performants que leurs homologues de l’autre côté du Rhin. Le solde des administrations publiques allemandes est sans égal avec la France, justement à partir de la mise en œuvre de l’Agenda 2010 (2005). Le taux de prélèvements obligatoires allemand est significativement plus bas que le français sur toutes les années (par exemple, en 2010 : 38% en Allemagne contre 44% en France). Mais cette différence au niveau de l’impôt ne suffit pas à expliquer l’écart au niveau des comptes publics.
Une population plus active au cours des trente dernières années
Là où les réformes Hartz ont été décisives dans l’histoire économique allemande et expliquent la santé budgétaire outre-Rhin, c’est l’augmentation de la population active. En 2022, le taux d’emploi des Français (pour les 15-64 ans) est de 68 % alors qu’il est de 77 % chez les Allemands. En 2003 pourtant, l’écart n’était que d’un point (63% en Allemagne contre 62 % en France). Cette activité plus importante, conjuguée à une croissance plus soutenue, et une meilleure gestion des dépenses publiques, allège sensiblement les comptes. Et contrairement à une idée préconçue, ces réformes n'ont pas plongé des millions de salariés dans la pauvreté. D’ailleurs, il y a même moins de personnes vivant aujourd’hui sous le seuil de pauvreté en Allemagne (8,5%) qu’en France (9,1%).
L’Allemagne a vécu deux grandes périodes de stabilité budgétaire : avant la crise de la zone euro (2005-2008, donc la période d’effet de l’Agenda 2010) et la période 2011-2019. La seconde est marquée par une maîtrise de la dette gouvernementale assez remarquable, surtout lorsqu’on la compare avec celle de la France. Sur cette période, la dette allemande augmente de 3,3% seulement, alors qu’en France, elle s’envole avec +51,48% !
La Schuldenbremse
L’un des succès de la santé budgétaire allemande réside aussi dans le fait que les déficits excessifs sont constitutionnellement réservés aux périodes de récession. Ce frein à l’endettement, Schuldenbremse en allemand, a par exemple empêché le dernier gouvernement allemand de faire voter le budget 2024 en l’état et l’a réduit de 60 milliards d’euros, décision prise par la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe. Le seuil est fixé à 0,35% de déficit pour l’Etat fédéral. Les Länder peuvent eux aussi adopter des freins à l’endettement. Si l’Allemagne est restée dans les clous fixés par l’UE la plupart du temps (3% du PIB), c’est aussi grâce à cette règle d’or. Cependant, elle n’a pas réussi à tenir l’objectif sur les dernières années (en 2021 et 2022, avec des règles certes plus souples en sortie de pandémie).
Aujourd’hui, cette Schuldenbremse est remise en cause en Allemagne à cause de la production de richesses en berne (une probable récession en 2024 d’environ -0,1%). Le manque d’investissements publics est pointé du doigt, autant dans le secteur de l’environnement que de la défense. Mais si la reprise est possible en 2025, c’est aussi parce que le déficit public, qui reste maîtrisé selon les critères de Maastricht (2,5% du PIB), garantit des taux d’emprunt plus bas qu’en France (2,40% pour les obligations à 10 ans contre 3,16% en France).