Réformer le financement des syndicats, une promesse désormais enterrée
Tous les mercredis, avant le Conseil des ministres, Le Macronomètre, l'observatoire des réformes du gouvernement lancé par la Fondation iFRAP, attribue une note aux réformes d'Emmanuel Macron. La note de la semaine du Macronomètre est présentée dans le Figaro. Cette semaine : une mesure abandonnée, le chèque syndical.
Une fois encore, les syndicats CGT, FO, FSU, Solidaires, CFTC, CFE-CGC et FA-FP appellent à la grève ce jeudi. La seule solution pour mettre fin à cette prise en otage récurrente des Français eût été de couper le plus rapidement possible durant ce quinquennat les crédits publics qui tombent automatiquement dans l'escarcelle syndicale, leur permettant de faire des réserves en caisses de grève et de bloquer régulièrement la France. Avec 2 à 3 millions de jours de grève par an, nous sommes servis.
Le taux français de syndicalisation est de 8,7 % dans le secteur marchand et associatif et de 19,8 % dans le secteur non marchand (équivalent au secteur public), soit des taux sans rapport avec ceux des pays qui nous entourent. Comme on va encore pouvoir le mesurer cette semaine avec les blocages des services publics, notamment des transports, contre la réforme de la SNCF, nos syndicats ont une assise réelle faible qui contraste avec leur pouvoir important de blocage. Associés dans la gestion des organismes sociaux, ce que l'on appelle le paritarisme, nos syndicats disposent chaque année (patronat et syndicats de salariés confondus) d'environ 100 millions d'euros de financements issus de ces organismes ou de la taxe AGFPN qui a remplacé les financements issus de la formation professionnelle. Ce financement institutionnel éloigne les syndicats des salariés qu'ils sont censés représenter et les syndicats du patronat des entreprises, car ceux-ci ne dépendent pas des cotisations reçues.
Nos syndicats vivent de seulement 6 à 7% des financements provenant de leurs recettes propres. Ils sont très largement financés par les deniers publics, à plus de 80%. Une spécificité française qui rend nos centrales très politiques. La promesse du futur président Emmanuel Macron, à la fois dans son livre programmatique (où il parle du «chèque syndical») puis sur son site de campagne, était la suivante : «Nous permettrons à chaque salarié d'apporter des ressources financées par l'employeur au syndicat de son choix».
Mais cette promesse a été clairement abandonnée par le gouvernement puisqu'il n'y avait rien sur le chèque syndical dans les ordonnances travail adoptées par le gouvernement à l'automne, alors même que la mesure était annoncée dans la loi d'habilitation «renforçant le dialogue social par la possibilité pour le salarié d'apporter au syndicat de son choix des ressources financées en tout ou partie par l'employeur».
Qu'est-ce que le chèque syndical ?
Le «chèque syndical» est un titre de paiement émis par l'employeur à destination du salarié, qui peut l'utiliser pour financer un syndicat de son entreprise sans obligation d'adhésion. Ce chèque syndical aurait vocation à remplacer tous les financements publics et paritaires actuels.
Cette mesure a été clairement sacrifiée dans la négociation au motif que «les organisations syndicales n'y étaient pas du tout favorables» (sic !). Le sujet ne serait pas tout à fait clos mais, selon la ministre du Travail, «un peu en avance sur l'évolution de la société». D'où le fait que les amendements déposés par l'opposition au moment de la ratification des ordonnances aient été tous rejetés… Seule la CFDT ne serait pas fermée au chèque syndical, sauf, vraisemblablement, si les financements publics étaient supprimés en face…
Et pourtant, pour faire passer des réformes ambitieuses dans notre pays qui en a tellement besoin (en ce moment la réforme de la SNCF, à laquelle succédera celle des retraites), il faudra bien aller vers un syndicalisme de service, moins idéologisé, porté par de réels adhérents. Comment croire que les syndicats qui sont financés par le modèle public et social français pourraient choisir de soutenir la bataille pour la compétitivité de notre pays ? Le syndicalisme nouveau, patronal et salarial est une urgence.
Pourtant, le porte-parole du gouvernement, Castaner, avait appelé fin septembre à «remettre à plat le financement des syndicats» en concluant que «ce serait une faute de l'exclure». Il avait mille fois raison. Le gouvernement ne doit pas oublier cette promesse de campagne car nos syndicats continuent largement à, comme le disait Emmanuel Macron en campagne, «faire trop de politique». Cela ne risque pas de s'arrêter avec leur mode de financement, leurs intérêts à ne pas faire bouger le système et leur situation monopolistique.