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Mayotte : une économie déjà très dégradée

Le cyclone Chido a frappé Mayotte le 14 décembre 2024 avec des vents dépassant les 200 km/h. C’est la plus puissante tempête qui a atteint l’archipel du canal du Mozambique depuis 90 ans, certaines rafales atteignant même les 225 km/h. Dans ces conditions et étant donné la très forte densité de population sur place, soit près de 511 habitants au km², les impacts matériels et humains sont colossaux. Le bilan très provisoire est aujourd’hui de 31 décès, mais aussi de 100.000 personnes sans abri (soit 1/3 de la population de 321.000 habitants au 1er janvier 2024), près de ¾ des habitations en dur privées de toit et des bidonvilles (banga) détruits. La pénurie d’électricité et d’eau potable fait porter un risque épidémiologique et sanitaire sans précédent. Cette catastrophe naturelle inédite intervient sur une situation économique et sociale très dégradée et explosive, qui résume sur un même territoire le cumul de nos démissions collectives : 37% de chômage, des milliers d'enfants non scolarisés, une île dépendante à 65% des exportations pour son alimentation, 55% de la population mahoraise est étrangère (légale et illégale) et seulement 6% des habitations sont assurées...autant de handicaps qui se cumulent. Nous proposons sur ce volet une courte mise au point.

Une économie aux fondamentaux très atypiques et dégradés :

37% de chômage au sens du BIT à Mayotte 

Le taux de chômage au sens du BIT à Mayotte atteint 37%[1] en 2023 (soit 29.000 personnes) selon l’INSEE. L’emploi salarié s’élève à 50.000 personnes. 55% des emplois se concentrent dans le tertiaire non marchand c’est-à-dire l’emploi public et le secteur sanitaire et social. Le tertiaire marchand ne représente que 29% de l’emploi en 2022, la construction 9%, l’industrie 5% et l’agriculture 2%. 

Ces fondamentaux sont totalement orthogonaux par rapport aux statistiques françaises de l’emploi qui affichent au contraire un tertiaire marchand de 50%, un tertiaire non marchand de 30%, une industrie de 11%, une construction de 7% et une agriculture de 2%.

L'île est dépendante à 65% des échanges extérieurs pour son alimentation

A l’hypertrophie du secteur public et non marchand (sanitaire et social) dans l’archipel (+16 points par rapport à la moyenne nationale) et à l’étroitesse du tertiaire marchand (-21 points) répond un secteur agricole en ligne avec la moyenne nationale. Et pourtant : ce secteur agricole[2] très peu mécanisé, est également faiblement diversifié et à faible productivité. L’île était ainsi préalablement à l’épisode Chido dépendante à près de 65% des échanges extérieurs pour son alimentation[3]. Le département affiche 1.400 agriculteurs enregistrés par la MSA mais il y aurait entre 4.000 et 6.000 agriculteurs vivriers. Depuis la tempête les productions végétales ont été détruites. 

Mais le pire est sans doute les tendances à l’œuvre lorsque l’on fait des comparaisons entre les situations 2019 et 2023 :

  • L’emploi représentant 29% des personnes âgées de 15 à 64 ans enregistre une baisse de 5 points depuis 2019.

  • Le taux de personnes souhaitant travailler augmentent de 2 points tandis que celles ne souhaitant pas travailler augmentent de 3 points ;

  • Le taux de chômage augmentent cependant de 7 points en 4 ans.

Au total le taux d’activité (nombre de personnes actives en emploi ou au chômage, sur le nombre de personnes âgées de 15 à 64 ans) baisse de 3 points depuis 2019 pour atteindre 46% en 2023. 

Ces chiffres témoignent de l’importance d’une immigration peu qualifiée et que le marché du travail ne parvient pas à absorber. On doit par ailleurs ajouter que le taux de chômage est minoré car sociologiquement, la société mahoraise reste matriarcale (et souvent matrilocale), si bien que les femmes ne sont que très peu insérées dans le marché de l’emploi et traditionnellement restent au foyer. 

Immigration illégale, un manque de fermeté face aux Comores :

La plupart des immigrés illégaux ou non ont transité par l’archipel voisin des Comores pour s’installer à Mayotte. Qu’il s’agisse de comoriens ou de populations issues de régions de l’Est du continent africain (Tanzanie, Kenyans etc.).

A Mayotte d’après les dernières projections de l’INSEE et les calculs de la Fondation IFRAP, il est possible d’estimer qu’en 2023 la population étrangère (toutes causes, légale et illégale) représenterait 54,8% de la population mahoraise totale (310.000 habitants), soit environ 170.000 habitants. En 2024, cette proportion atteindrait 179.000 habitants soit 55,8% de la population (321.000 habitants). Soit des augmentations de 8.822 étrangers en 2023 puis de 9.185 étrangers en 2024 représentant 83,5% environ de l’accroissement naturel sur ces deux années. Désormais, il est donc vraisemblable que la population étrangère est majoritaire dans l’archipel mahorais[4].

Cette question n’est pas triviale puisqu’elle conditionne en partie l’identification des populations à secourir et d’identifier les morts éventuels (certaines sources parlent de charniers dans les banga) dont les identités demeurent inconnues et en provenance de territoires qui n’ont pas nécessairement d’état civil solide.

Cette modification de la composition sociologique de la population mahoraise montre à l’envie la difficulté qu’a eue jusqu’à présent l’exécutif pour limiter l’immigration illégale à Mayotte. Il semble qu’étant donné l’urgence sanitaire sur l’île, des mesures extraordinaires en matière de sécurité publique devraient être prises : blocus de l’archipel afin de limiter les flux en direction de l’île, suspension du droit du sol, mise en place y compris autoritairement de couloirs de remigration vers des territoires non touchés par la tempête (les Comores ont été épargnés par le cyclone Chido). Pour décongestionner le territoire, des mesures de rétorsion (y.c. via le blocage de transferts de fonds) ou de codéveloppement avec les territoires de départ doivent rapidement être engagées.

Deux institutions fortement sous contrainte l’Education nationale et la maternité :

Alors que Mayotte comporterait environ 108.000 enfants âgés de 3 à 15 ans, entre 5% et 8,8% de ceux-ci ne seraient pas scolarisés, ce qui représente entre 5.300 à 9.500 enfants[5] voir près de 20.000 selon certaines estimations[6]. Par ailleurs une étude de l’INSEE déjà datée (2015) fait état de 75% des Mahorais âgés de 15 ans et plus sans diplôme qualifiant, soit un taux deux fois plus élevé qu’en métropole.

Côté santé, la maternité de Mayotte est la plus importante d’Europe, forte de 160 lits[7], elle accueille près de 12.000 naissances par an, avec près de 90% des mères de nationalité étrangère.

Décongestionner l’archipel pour reconstruire dans de bonnes conditions :

La densité de population majoritairement étrangère représente un enjeu en matière sanitaire, mais aussi de logement, d’alimentation (dont l’accès aux ressources d’eau[8] qui représente d’abord un enjeu démographique), d’accès aux services publics (surcharge des services de soin et d’enseignement) et sécuritaires (phénomène des bandes de jeunes désœuvrées et armées). 

Le Gouvernement a déclenché l’état de calamité naturelle, mais pour être efficace il faudrait que les victimes soient assurées pour que l’Etat puisse se substituer aux assureurs dans les réparations/indemnisations à effectuer. Malheureusement les mahorais sont très peu assurés : seulement 6% des ménages assurent leur habitation[9]. La situation exceptionnelle devrait donc aboutir au déclenchement de procédures exorbitantes permettant à la puissance publique de reprendre la main.

Si les habitations en dur et légales doivent être priorisées, le traitement des habitations temporaires doit être mis en perspective avec une « massification » des retours forcés. Pour cela, la déclaration de l’état d’urgence est légalement possible, puisque celui-ci peut être déclaré sur « tout ou partie du territoire national » et notamment « soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’évènements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique. » Critères qui semblent caractérisés dans la situation hors norme présente (article 1 de la loi du 3 avril 1953). 

Le bilan très mitigé de l’opération Wuambushu de 2023

 

Pour mémoire, l’opération Wuambushu (« récupération » en shimaoré) qui en 2023 a constitué une initiative mise en place pour lutter contre l’immigration clandestine et démanteler les bidonvilles sur le territoire n’a aboutit qu’à la destruction de 700 bangas, tandis qu’en 2021 près de 1.600 cases en taule avaient été détruites. Par ailleurs les expulsions vers les Comores n’avaient représenté que 22.000 personnes en 2023 contre 25.380 un an auparavant[10].  

Pour y parvenir tout en soulageant les besoins des populations en médicaments (risque de propagation épidémique), mais aussi en eau et en nourriture, des corridors d’extraction vers les territoires environnants doivent être mis en place et à loisir négociés ou imposés contre sanction (contrôle des transferts de fonds etc.). Bien que des départs volontaires de comoriens semblent déjà se manifester sur fond de pénurie

Une fois que la situation sera stabilisée, il faudra empêcher les afflux nouveaux de population vers l'île. A cet effet, un blocus partiel de l’archipel en direction des Comores semble une solution permettant de limiter les flux d’arrivant, et la suspension provisoire du droit du sol envisagé. 

Seul un contrôle migratoire strict sur un territoire aux ressources limitées devrait permettre de restaurer des fondamentaux économiques et de services publics sains… ce qui paraît indispensable en raison de la faiblesse des réserves hydriques et agricoles et de l’écart de niveau de vie entre les mahorais et les territoires environnants. 


[1] https://www.insee.fr/fr/statistiques/8248702 

[2] Mayotte: https://www.lopinion.fr/economie/mayotte-une-agriculture-emergente-ravagee 

[3] Ainsi par exemple pour 100% du riz pourtant à la base de l’alimentation mahoraise comme à Madagascar qui est acheminé par bateau. 

[4] https://www.ifrap.org/etat-et-collectivites/mayotte-les-chiffres-cles-dune-situation-explosive 

[5] https://www.cnape.fr/documents/cp_-etude-sur-la-non-scolarisation-des-enfants-a-mayotte/?utm_source=chatgpt.com 

[6] https://www.senat.fr/questions/base/2024/qSEQ24100145S.html?utm_source=chatgpt.com 

[7] https://www.lefigaro.fr/actualite-france/mayotte-accueille-t-elle-la-plus-grosse-maternite-d-europe-20240212 

[8] https://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/breves/eau-a-mayotte 

[9] https://www.linfodurable.fr/mayotte-beaucoup-de-degats-mais-peu-dassures-48437 

[10] https://www.20minutes.fr/societe/4067940-20231222-mayotte-resultats-decevants-operation-wuambushu ainsi que https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/09/13/mayotte-le-bilan-contraste-de-l-operation-wuambushu_6189113_823448.html