Macronomètre : le bilan du quinquennat
Il y a 4 ans, le 15 décembre 2017, la Fondation iFRAP lançait, en partenariat avec le Figaro, le Macronomètre, l'observatoire des réformes du gouvernement. A l'approche des élections présidentielles et alors que le rythme des réformes ralentit, il est temps de dresser le bilan du quinquennat : avec 179 mesures évaluées et réparties dans 109 réformes, la moyenne finale du Macronomètre est de 5,2/10... soit la même moyenne qu'à son lancement et l'illustration de la stratégie du "et en même temps" d'Emmanuel Macron et de son gouvernement.
Le Macronomètre à son lancement, dans les pages du Figaro Magazine, le 15 décembre 2017
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Parmi les mesures évaluées par la Fondation iFRAP, un tiers touchait aux finances publiques (dont la moitié sur des mesures fiscales), 18% touchaient à l’administration, aux collectivités et à la fonction publique, 13% à l’économie, 13% aux mesures de réponse à la crise sanitaire et 7% au régalien (justice, sécurité intérieure, terrorisme, etc.)
Les réformes « Administration, collectivités et fonction publique » : moyenne, 6/10
Les mesures marquantes : dès 2017, plusieurs engagements présidentiels ont été adoptés. Ainsi en est-il du rétablissement du jour de carence, mesure qui clôt un long débat sur l’application des règles concernant l’absentéisme entre les secteurs public et privé. De même, la loi pour la Confiance dans l’action publique est, quant à elle, venue revoir les règles encadrant la rémunération et les frais de représentation des parlementaires. La loi comporte quelques manquements flagrants, notamment la non soumission de l'indemnité des parlementaires à l'impôt. On observe ainsi que les lois étaient souvent plus ambitieuses à l’état de projet et de promesses de campagne. Le gouvernement a ensuite travaillé sur la Loi pour un Etat au service d’une société de confiance qui a notamment mis en place le droit à l’erreur et a renforcé la dématérialisation des services administratifs. Même chose pour la réforme de la fonction publique qui, sans venir bouleverser le management public, est parvenu à ouvrir l’accès des postes de directeurs d’administrations publiques aux personnes issues du privé et surtout, à instaurer le respect des 35h dans la fonction publique territoriale. Il faut également y ajouter la suppression, ou plutôt, la transformation de l’ENA en Institut national du service public (INSP).
Du côté de la réforme territoriale en revanche, une loi 4D devenue 3DS a bien été présentée en fin de quinquennat mais n’a toujours pas abouti. Le gouvernement justifie le manque d’ambition du texte par sa volonté de ne pas bousculer le fonctionnement territorial en pleine crise sanitaire et économique.
Les réformes économiques : moyenne 5,7/10
Les mesures marquantes : dès 2017 encore, le gouvernement a voulu frapper fort avec les ordonnances Travail dites « Pénicaud », qui ont été suivies de la loi pour l’Avenir professionnel, la loi Pacte et une réforme de l’Assurance chômage que l’Etat a reprise en main après l’échec des négociations entre partenaires sociaux. La réforme qui proposait un nouveau calcul des allocations chômage n’a depuis cessé d’être repoussée à cause de la crise économique qui se poursuit depuis 2020, reculant à une date inconnue la mise en place complète de la réforme qui néanmoins rentre partiellement en vigueur depuis la fin de l’automne.
Ces lois se caractérisent, encore une fois, par des manquements ou des abandons de promesses en cours de route, notamment sur la question du référendum d’entreprise qui avait beaucoup animé les débats publics en 2017 ou encore, la problématique des seuils sociaux.
Les réformes dans le domaine régalien : moyenne 5,2/10
Les mesures marquantes : Le quinquennat, en matière de sécurité, aura commencé par la réalisation d’une promesse de campagne avec la mise en place d’un coordonnateur national du renseignement et lutte contre le terrorisme, et un Centre national du contre-terrorisme. En 2020, le gouvernement renforçait également le droit des propriétaires face aux squatteurs. En 2021, ce n’est pas moins de 5 textes en 5 mois qui seront mis sur la table en matière de sécurité… mais tout cela, sans qu’une loi de programmation ne vienne renforcer les budgets et offrir une vision à long terme. C’est pourtant de cela que souffre notre politique de sécurité globale (police/justice) : on peut évoquer le problème de la Justice dont le budget est systématiquement sous-utilisé, ou encore la politique pénitentiaire. Pour rappel, Emmanuel Macron avait promis 15 000 nouvelles places de prison. Au final on ne compte que +2 227 places depuis le début du quinquennat, soit moins de 50% de l’objectif (déjà revu à la baisse) de 5 000 places opérationnelles supplémentaires d’ici 2022 et encore largement préemptées par les quartiers de réinsertion et de probation. Plus largement le Beauvau de la sécurité et les Etats-Généraux de la justice devraient s’incarner dans un volet programmatique reporté à la veille des échéances présidentielles. Rien ne dit que cette promesse sera tenue.
Les réformes « Finances publiques » : moyenne 4,6/10
Les mesures marquantes : Le début du quinquennat a été marqué par de nombreuses promesses de campagne comme la transformation de l’ISF en IFI, la mise en place du PFU, la transformation du CICE en baisse de charges, la baisse de l’IS à 25%. D’autres mesures importantes ont dû évoluer : ainsi la suppression de la taxe d’habitation est devenue une baisse progressive pour 80% des ménages (l’atteinte des 100% ayant été repoussé pour après 2022), la hausse de la CSG pour les retraités a été revue à la baisse suite aux protestations des Gilets Jaunes fin 2018, tout comme la hausse de la fiscalité verte. Le mouvement aura aussi permis le retour de l’exonération des heures supplémentaires (mais uniquement la part salariale contrairement à la mesure de Nicolas Sarkozy qui incluait aussi les charges patronales). Dernière mesure marquante en matière fiscale : la mise en place d’une taxe GAFA au niveau national avec le risque qu'une fiscalité mal ajustée ou imposée à contretemps ne freine le développement de nos propres start-up. Enfin, la baisse de 10 milliards des impôts de production a été décidée par l’exécutif à compter de la loi de finances 2021, dans le cadre du Plan de Relance. Un premier pas pour alléger le poids de la fiscalité sur l’appareil productif, mais qui devrait en nécessiter d’autres.
Au final, l’effort peut donc être évalué à une trentaine de milliards d’euros d’allègements fiscaux sur le quinquennat… mais sans qu’aucune baisse des dépenses publiques ne soit mise en face. Seule une limitation des hausses avec les pactes dits « de Cahors » a été négociée avec les collectivités locales, mais ceux-ci ont été levés dès 2020 (pandémie oblige). Pour rappel sur le volet « Dépenses publiques », Emmanuel Macron s’engageait en 2017 à baisser les dépenses de 60 milliards d’euros afin de les ramener à 53,5% du PIB à l’horizon 2017, et à 50% en 2022. Cela n'est évidemment pas le cas. Une évolution inquiétante puisque ces baisses d’impôts ont entraîné une dégradation du solde public et un surcroît de dette, et interrogent sur leur pérennité même.
Notons que les dépenses de personnel de l’Etat auront augmenté de +10,3 milliards sur le quinquennat. Cette augmentation est clairement une conséquence de l’abandon par le Président de la République de son objectif de baisse de 50.000 postes dans la Fonction publique d’Etat (120.000 postes pour l’ensemble de la fonction publique en comptabilisant 70.000 suppressions d’emplois dans la fonction publique territoriale), mais aussi de substantielles revalorisations salariales. Pourtant, en 2017, l’économie annoncée sur le quinquennat sur la masse salariale publique était de 3 milliards.
Enfin la gouvernance des finances publiques a été modifiée via une modification des lois organiques relatives aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Il n’y a cependant pas de « big bang » s’agissant de l’amélioration de la gestion des finances publiques. Une loi de financement des collectivités territoriales n’est pas proposée, non plus qu’un véritable frein à l’endettement sur le modèle allemand ou suisse. Les prérogatives du Haut Conseil des finances publiques sont rehaussées, mais sans en faire l’équivalent de ses homologues britanniques, espagnol ou suédois. Il appartiendra au prochain exécutif de renforcer substantiellement la démarche entreprise.
Les réformes « Retraite » : moyenne 3,8/10
C’est le grand manquement du quinquennat alors que l’une des mesures emblématiques du programme d’Emmanuel Macron en 2017 était la mise en place d’une réforme systémique des retraites et d’un système universel de retraites. Après de nombreuses tergiversations et grèves, rien n’a été fait : le gouvernement a dépensé plus sur le minimum vieillesse à 903 euros par mois tout en rationalisant le paysage des retraites supplémentaires. Mais il n’a pas mené les réformes essentielles qui permettraient de rééquilibrer les comptes de la vieillesse, à savoir, reporter l’âge.
Alors que le gouvernement a toujours refusé de faire une réforme paramétrique, il apparait que le président de la République a maintenant changé d’avis et proposera visiblement de repousser l’âge dans son programme 2022 – 2027.
Les 5 plus mauvaises notes :
Les 5 meilleures notes :
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