Les dividendes versés à l’État : gourmandise constante
C’est la Cour des comptes qui fait le commentaire : les dividendes versés à l’État en 2014 sont en définitive plus importants que ne l’avait prévu la loi de finances. La Cour ne s’attarde pas sur le sujet outre mesure, mais ne se prive pas de signaler au passage que le taux de distribution des résultats est plus élevé que la majorité des entreprises du CAC 40[1]. Et elle ajoute que ceci témoigne d’une préférence pour le rendement à court terme de ses participations[2]. Pour nous, nous ajoutons que cette année encore on continue la distribution de dividendes au même moment où l’on diminue la voilure en termes d’emploi, ce que la majorité parlementaire parle toujours d’interdire aux entreprises privées, et même de pénaliser.
Voici ce que constate la Cour des comptes (télécharger le rapport complet en bas de page).
Des dividendes en hausse par rapport à la LFI
- « Les dividendes et produits assimilés de l’État (6,3 Md€) ont été en 2014 d’un montant plus important que celui prévu en LFI (5,1 Md€) grâce à des dividendes plus importants que prévu d’EDF et de GDF-Suez. Les résultats d’EDF en 2013 ont bénéficié, avec l’accord de l’administration, d’un taux favorable d’actualisation du provisionnement des coûts de démantèlement. Par ailleurs, GDF-Suez a versé davantage de dividendes qu’anticipé en LFI 2014 en dépit de résultats 2013 négatifs. Au total, les dividendes versés par les entreprises non financières sont en légère baisse par rapport à 2013 (-0,2 Md€). Les dividendes et produits assimilés des entreprises financières sont en légère hausse par rapport à la LFI 2014 ainsi que par rapport à 2013, essentiellement grâce à une augmentation du versement à l’État de la part de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) au titre de ses résultats. »
- « Dans le détail, les dividendes versés par les entreprises non-financières proviennent principalement d’EDF (pour 2,0 Md€) et de GDF-Suez (pour 1,0 Md€) et, de manière plus marginale, d’Orange (0,2 Md€), de la SNCF (0,2 Md€) et de La Poste (0,1 Md€). Les dividendes de ces cinq entreprises représentent 86% des dividendes reçus par l’État en 2014 ».
Et voici ce que nous avions indiqué en septembre 2014 à propos des résultats pour 2013 de certaines des participations de l’État et de l'évolution parallèle des effectifs.
LA POSTE CICE : 297 millions pour 2013, 445 millions pour 2014. Dividendes : 171 millions en 2013 pour l'État actionnaire. « En 2013, le bénéfice net de la Poste a progressé de 31% à 627 millions d'euros. Pour les syndicats, c'est seulement grâce au Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi que ce résultat a pu être obtenu, ce que la direction ne nie pas» (Les Echos, 20 février 2013). Les syndicats qualifient le CICE de « produit dopant » en relevant qu'il compense une perte d'exploitation de 5,6% et que sans lui il n'y aurait pas eu de dividendes ! Effectifs : constants, autour de 158.000 mondialement. La Poste se glorifie d'avoir embauché 5.000 employés en 2013, mais on s'aperçoit qu'il ne s'agit que de rajeunir les cadres pour tenir compte des départs en retraite. SNCF CICE : 118 et 177 millions. Dividendes : 209 millions en 2012, pour une perte de 180 millions. L'État vient d'annoncer en août 2014 un « effort de renoncement » à 500 millions de dividendes, … mais pour contribuer au désendettement qui atteint 32,5 milliards et augmente constamment. Aucune mention n'est faite du CICE. Effectifs : 2.500 postes de cheminots supprimés par an, non remplacement de 7 départs à la retraite sur 10 en 2014. ORANGE CICE : 79 et 118 millions. Dividendes : après les rendements exceptionnels de la période 2008-2013, les rendements attendus pour 2014 et 2015 se stabilisent à 5,4% à un niveau trois fois supérieur à ceux de la période antérieure à 2008. Politique : « Le Groupe souhaite préserver une structure financière solide et viser un ratio d'endettement (dette nette/EBITDA) autour de 2.0 à moyen terme, et poursuivra en conséquence une politique de distribution de dividendes attractive, alignée sur sa génération de cash flow opérationnel ». Effectifs : 50.000 emplois supprimés en 14 ans, « l'entreprise s'engage résolument dans une nouvelle baisse d'effectifs » depuis 2012, les recrutements étant loin de compenser les départs en retraite. EDF CICE : 68 et 102 millions. Dividendes : « hausse surprise » en 2013. L'État détient 84% du capital et a perçu 1,8 milliard en 2012, soit plus de la moitié des 3,2 milliards perçus de ses participations. Effectifs : constants depuis six ans, à 105.000 en France hors filiales. AIR FRANCE CICE : 40 et 57 millions. Dividendes : Après 5 années d'absence de distribution, Air France prévoit un rendement de 2,39% en 2014 et 2,99% en 2015. Effectifs : le groupe est en pleine restructuration (plan Transform 2015), en quatre ans il aura perdu entre 12.000 et 15.000 postes (sur 106.000). |
On ne change donc pas une formule qui gagne… même si vous devez faire ce que je dis et pas ce que je fais.
[1] « Plusieurs entreprises ont versé en 2014 des dividendes alors que leurs résultats 2013 étaient négatifs. En particulier, GDF Suez a enregistré en 2013 un résultat net part du groupe négatif (-9,3 Md€) du fait de dépréciations très importantes d’actifs compte tenu de la dégradation des perspectives de production électrique et de stockage de gaz en Europe. Il a néanmoins enregistré un résultat net part du groupe positif de 2,4 Md€ en 2014. La SNCF et Air France ont également versé des dividendes en 2014 alors que leurs résultats étaient déficitaires en 2013 (respectivement à hauteur de -0,2 Md€ et -1,8 Md€). De nombreuses entreprises dont l’État est actionnaire ont offert, en 2014 comme en 2013, des taux de distribution des résultats plus élevés que la majorité des entreprises du CAC 40 (médiane de taux de distribution de 48 % en 2014). En particulier, neuf entreprises sur douze de la liste précédente ont des taux de distribution supérieurs à 48 % ».
[2] « Au total, les taux de distribution élevés et le non-respect du texte réglementaire lié au provisionnement par EDF du démantèlement des centrales nucléaires témoignent de la préférence de l’État pour un rendement à court terme de ses participations au détriment, potentiellement, des intérêts de long terme des entreprises ».