Dépenses publiques : ne surtout pas relâcher l’effort
Le ministère des finances a communiqué sur une nouvelle trajectoire amendée des finances publiques le 19 septembre 2017. En effet, il est apparu que la croissance a sans doute été plus forte qu’escompté en 2017 justifiant son relèvement à 1,7% du PIB contre 1,6 dans le cadre de la présentation du DOFiP cet été. Dès lors nous dit Bercy, « la prévision de déficit public est de 2,9% » pour 2017 au lieu des 3% escomptés, ainsi qu’une révision à la baisse du déficit public pour 2018 à 2,6% du PIB (contre 2,7% en juillet). De bonnes nouvelles en somme, puisque la France parviendrait ainsi à sortir de la procédure pour déficits excessifs (PDE) dès la fin 2018, retrouvant ainsi certaines marges de manœuvres budgétaires qui lui étaient interdites par le volet correctif du pacte de stabilité.
En réalité, la situation est beaucoup plus mitigée. Il en résulte en effet que si mécaniquement pour 2017 (puisque le PIB est plus important) on assiste à une baisse faciale de la dépense publique en volume qui passerait pour 2017 de 54,7% du PIB à 54,6% sur l’année 2017, la dépense publique se réduirait moins que prévu en 2018 (53,9% du PIB contre 53,8% anticipé), l’embellie du solde résultant en définitive de mouvements en sens contraire :
- De plus importantes rentrées de prélèvements obligatoires : 44,7% en 2017 (contre 44,6% estimé cet été), et surtout une baisse plus faible qu’escompté 44,3% (contre 44%) en 2018 ;
- En sens contraire des recettes non fiscales en baisse, avec des estimations sur ces deux années à 7% contre 7,1% anticipés[1].
C’est donc bien l’embellie fiscale qui conduit à réduire les efforts programmés sur les dépenses, et c’est cela le plus dangereux. Bien sûr il est possible de soutenir que baisser le volume de coupes dans les dépenses initialement prévues devrait permettre de ne pas trop entamer les effets de la reprise et peser sur la croissance. Mais attention à une embellie qui ne proviendrait en définitive que de meilleures rentrées fiscales qu’escomptées. Certes, en passant d’un taux de prélèvements obligatoires de 44,7% à un taux de 44,3% en 2018, cela représente une baisse de -0,4 point de PIB correspondant à 9,3 milliards environ), mais rappelons qu’il aurait normalement fallu restituer au regard du DOFiP, non pas 0,4 point de PO mais 0,6 point de PO, ce qui in fine ne représentera qu’une baisse de 0,1 point par rapport au niveau des PO de 2016 (44,4%). Avec un niveau de 44,7% en 2017 des PO. nous sommes quasiment aussi haut qu’au plus haut point du quinquennat précédent de François Hollande (2013) lorsque la fiscalité culminait à 44,8% des PO. Avec 44,3% nous reviendront au niveau de 2015 et 2016. Ce n’est pas très brillant.
Quid de la croissance potentielle et des réformes structurelles, lorsque la composante structurelle du déficit n’est pas véritablement réduite par des économies en dépenses sonnantes et trébuchantes ? L’idéal, nous enseigne la science économique, est de les pratiquer lorsque la situation est saine et la croissance soutenue (en haut de cycle). Cela permet de réduire le déficit structurel à moindre coûts (économiques et sociaux). Or en annonçant dès avant le PLF 2018 et la LPFP 2018-2022 que le volume d’économies pour 2018 ne sera pas de 20 milliards (même en tendanciel) mais plutôt de 16, on rate sans doute une chance sans précédent (parce que l’on est en tout début de mandat) d’effectuer les ajustements nécessaires le plus rapidement possible. Il aurait ainsi par exemple été sans doute faisable de réduire plus les dépenses publiques de 0,1 ou 0,2 point et dans le même temps de baisser les recettes fiscales de 0,3 point, quitte à ajuster par une augmentation de 0,1 point des recettes non fiscales (ressources propres, redevances, dividendes, etc.) dans un climat général des affaires en pleine reprise.
Nous estimons la décomposition des économies anticipées pour 2018 comme suit : sans doute 5,4 milliards d’efforts sur l’Etat, 2,6 milliards sur les collectivités territoriales et 8 milliards sur la Sécurité sociale.
Et encore, ces économies nous annonce-t-on, ne seront que tendancielles, significativement pour le bloc local. Il s’agira donc de parvenir à une quasi-fixité en volume de la dépense locale, analysée par l’ODEDEL. L’ambition de la contractualisation avec les 300 plus grandes collectivités sera donc cruciale et l’enjeu sur l’emploi public territorial déterminant, le gouvernement ayant communiqué sur une simple baisse du nombre des fonctionnaires d’Etat de 1.600 postes seulement[2]. Puisque le plan de baisse de 120.000 postes ne semble pas recalculé : cela veut dire que c’est l’emploi territorial qui devrait faire l’objet des premiers ajustements. Sans doute en conventionnant par objectif avec les 300 plus grandes collectivités des plafonds d’emplois plus restrictifs. L’hospitalière semblant pour l’heure encore sanctuarisée.
Par ailleurs, comme le dernier rapport de la Cour des comptes relatif à l’application des lois de financement de la Sécurité sociale[3] le montre, la bonne maîtrise du solde résulte comme chaque année de beaux artifices comptables. C’est en particulier l’ONDAM et le déficit du régime des retraites qui suscitent le plus d’interrogations. En effet, pour 2017 l’objectif à été rehaussé à 2,1% de croissance, tandis que des économies devraient être trouvées à hauteur de 4,05 milliards d’euros. Or la Cour a pu mettre en évidence une progression réelle de l’objectif de +2,4% et l’ajustement à +2% en 2018 devrait nécessiter des économies supplémentaires hors effets de périmètre de l’ordre de 500 millions d’euros. Il semble donc difficile dans ces conditions et pour prolonger cet objectif au-delà pour 2019, de ne pas s’attaquer à une réforme enfin ambitieuse de l’hôpital public. Cela veut donc dire également qu’il faudra en complément regarder en direction d’autres composantes de la dépense de Sécurité sociale, notamment ne plus différer la grande réforme d’alignement des retraites, afin de produire les effets tendanciels massifs à réaliser, sur base quasiment annuelle (de l’ordre de 8 milliards d’euros environ sur le champ des ASSO (administrations de sécurité sociale) tout au long du quinquennat.
Conclusion
Lorsque des marges de manœuvre se profilent, aussi maigres soient-elles, il est toujours tentant de temporiser en rééchelonnant l’agenda des réformes. En définitive c’est à une marche forcée vers l’excédent primaire que devrait entamer le gouvernement afin de mettre en ordre ses finances publiques et de se préparer progressivement à la procédure de désendettement prévue dans le cadre du TSCG sitôt l’OMT (l’objectif à moyen terme) atteint. Dans une lecture plus keynésienne, il importe également de retrouver des marges de manœuvre budgétaires futures afin de pouvoir de nouveau, lors du prochain retournement de cycle, laisser filer les stabilisateurs automatiques (dont l’assurance chômage et les minima sociaux) sans trop dégrader nos comptes publics. Dans cette perspective il importe donc qu’une meilleure croissance conjoncturelle que prévue ne nous conduise pas à amoindrir les efforts en dépenses nécessaires à la résorption de notre déficit structurel, tout en baissant le niveau de nos PO, afin d’améliorer notre attractivité et la compétitivité de nos entreprises et donc améliorer à moyen terme notre croissance potentielle. Les chantiers sont bien connus :
- Réformer substantiellement les dépenses d’interventions les plus importantes au niveau de l’Etat sans faillir (minima sociaux (simplification), APL, etc.) ;
- Piloter enfin rationnellement la dépense locale ;
- S’attaquer aux gisements identifiés sur les dépenses sociales (chômage, formation professionnelle, hôpital public, système de retraites, coûts de gestion des différentes caisses).
[1] Ces résultats sont en ligne avec les dernières prévisions budgétaires, voir situation mensuelle de l’Etat en juillet, avec des recettes non fiscales en repli de 38% par rapport à l’année précédente : https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/files/documents/ressources_documentaires/SMB/2017/situation_menuselle_budget_Etat_31072017.pdf. Il en résulte des recettes publiques globalement fixes en 2017 par rapport aux prévisions estivales à 51,7% et pour 2018 en augmentation par rapport aux prévisions à 51,3% (contre 51,1% calculées en juillet), soit une baisse très contenue de 0,4 point contre 0,6 point de PIB, escomptée.
[2] Il est cependant encore non précisé s’il s’agissait d’un flux ou d’un solde, en effet, on a tout lieu de penser qu’avec les nouvelles embauches annoncées dans les forces de sécurité, de défense et de justice, la simple stabilisation des effectifs par rapport aux années antérieures (2016 ou 2017 par exemple) pourrait donner lieu à des efforts de compensation plus lourds. Par ailleurs, des emplois de contractuels de droit public ou de droit privé, y compris dans les opérateurs, pourraient être sollicités.
[3] https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2017-09/20170920-rapport-securite-sociale-2017_1.pdf