Complexité normative : +87% en 20 ans pour atteindre les 42 millions de mots
Le secrétariat général du gouvernement vient de publier son rapport annuel intitulé Indicateurs de suivi de l’activité normative qui révèle une situation contrastée où l’activité normative apparait en phase de ralentissement depuis 2019. Mais une phase qui ne permet pas d'annuler la hausse du nombre de mots de notre stock normatif de +87,3% depuis 2002. Le tout étant passé de 22,67 millions de mots à 42,45 millions de mots en 2021. Explications :
Une activité législative « maîtrisée » malgré la crise sanitaire
Les statistiques de l’activité législative telle que suivie par Légifrance, montrent en 2020 (hors mesures de crises) un retour à un niveau proche de celui de l’année 2002. Très concrètement le nombre de lois générales était de 35 en 2002 et devrait atteindre 33 en 2020 (hors lois de crise au nombre de 14 lois).
Cette inflexion se vérifie également s’agissant des projets de lois et propositions de lois qui étaient respectivement de 20 et 15 respectivement en 2002 et qui s’élèvent (hors crises) en 2020 à 18 et 15.
Si l’on regarde maintenant l’ensemble des lois générales et des mesures d’application, on peut constater que les premières baissent entre 2007 et 2020 (passage de 50 à 47), tandis que les mesures d’application explosent (passage de 182 mesures d’application en 2007 à 559 mesures d’application en 2020).
S’agissant des lois « article 53 » c’est-à-dire des lois de transposition des accords et traités internationaux (dont font partie les directives européennes), on assiste là aussi à une baisse ainsi que de leurs décrets d’application entre 2002 et 2020. On comptabilisait 45 lois de transposition de dispositions internationales et 65 décrets d’application en découlant, en 2002 et de 12 lois « article 53 » et de 59 décrets d’applications en 2020.
Si l’on considère maintenant le nombre d’ordonnances. Là encore hors ordonnances liées à la crise Covid, celui-ci semble également en baisse : elles n’arrivent pas à atteindre le niveau de 2002 (12), mais 2020 hors crise (dont 99 ordonnances spécifiques), les ordonnances s’élèveraient à 26, soit la troisième année la plus faible depuis 2002 (exception faite des années 2007 et 2013).
Des lois et ordonnances moins nombreuses mais plus bavardes ?
Si l’on regarde maintenant le flux annuel d’articles et de mots inclus dans les lois et ordonnances, les données statistiques sont les suivantes :
On assiste, s’agissant des lois générales, à une baisse « globale » du nombre d’articles, qu’il s’agisse du nombre d’articles des projets de loi lors du dépôt devant les bureaux des différentes assemblées (738 en 2002 à 345 en 2020 (et 427 y compris crise)) ou des articles des lois promulguées (1311 en 2002 contre 954 (hors crise) en 2020). Cependant, il apparaît également que l’enrichissement en articles s’accélère entre 2002 et 2020 au cours de la discussion parlementaire, passant de +78% d’augmentation en 2002 (entre le dépôt et la promulgation) à +177% (hors crise) et +186% crise comprise en 2020.
S’agissant du nombre de mots, le flux annuel lui aussi semble relativement maîtrisé : le nombre de mots dans les lois générales s’élevait à 322.632 en 2002 et 340.367 mots en 2020.
S’agissant du nombre d’articles et de mots au sein des ordonnances, la maîtrise est moins importante bien que globalement à la baisse depuis un pic atteint en 2016. Le nombre d’articles hors crise en 2020 s’élève à 312 contre 210 en 2002, soit +48,6% (hors crise) et tandis que pour le nombre de mots la hausse est de +152,87% par rapport à 2002 avec 107.020 mots hors crise en 2020 (244.346 mots crise comprise).
D’un point de vue global, malgré un ralentissement du flux législatif, le stock de mots augmente inexorablement sur la partie législative (voir infra).
Une « logorrhée » réglementaire relativement maîtrisée
S’agissant du nombre de décrets d’application, on assiste à une meilleure maîtrise depuis 2002. 2020 est ainsi, malgré la crise, l’année où le nombre de décrets est le plus faible sur la période étudiée (hors crise 1.398 décrets d’application, 1.773 décrets mais il s’agit d’une année atypique).
S’agissant des articles et des mots contenus dans les décrets, il apparaît que les articles sont en baisse (hors crise) en 2020 par rapport à 2002 de -40,5% avec 8.967 articles, et de +8,6% s’agissant du nombre de mots (à 2.030.522 mots).
Un nombre de circulaires en baisse drastique depuis 2002
S’agissant de l’activité « infra-réglementaire », le nombre de circulaires recensés depuis 2012 et le lancement par légifrance du site circulaire.gouv.fr, baisserait drastiquement et ce dès 2019. En 2020 le nombre de circulaires en vigueur augmenterait de 3,5% par rapport à l’année précédente à 10.509, mais serait en baisse de près de 56,7% par rapport à 2012. Soit un résultat extrêmement encourageant.
Mais un stock normatif global toujours en hausse et spécifiquement s’agissant des dispositions non codifiées
Lorsque l’on considère maintenant le stock constitué par le nombre d’articles codifiés et non codifiés, qu’ils soient d’essence législative ou réglementaire, la répartition montre une inexorable montée en puissance :
En 2002 le stock total d’articles législatifs et réglementaires codifiés ou non représentaient 215.202 articles non codifiés à 69,7%. En 2012, le stock global d’articles a augmenté de 54,2% avec 331.848 articles, non codifiés à 54,2% en 2021. La codification augmente donc significativement, et le stock étant recensé au 25 janvier de chaque année, il ne prend pas en compte la codification de la partie législative du Code général de la fonction publique qui vient de paraître par ordonnance le 5 décembre au Journal Officiel[1].
S’agissant du stock du nombre de mots, là encore l’inflation est importante depuis 2002. On constate codification et hors codification confondues, une hausse de 87,3%, passant de 22,67 millions de mots à 42,45 millions de mots en 2021. On constate par ailleurs une hausse de la codification, passant de 68,6% de mots non codifiés à 54,7% non codifiés.
Par ailleurs le ratio entre les mots et les articles stockés codifiés ou non se détériore. Les articles sont donc de plus en plus longs. Ils passent de 105,34 mots en 2002 à 127,94 mots en 2021.
Conclusion
Malgré un contrôle réel de l’activité législative et réglementaire, voire infra-réglementaire au travers des ordonnances, le stock d’articles et de mots issus des lois et règlements ne fait que croître inexorablement. Avec des hausses importantes de +54,2% d’articles entre 2002 et 2021 et de +87,3 mots sur la même période. Cela démontre le besoin d’une véritable politique de simplification normative. Les actions qui sont actuellement menées (hors circulaires), ne semblent pas assez vigoureuses pour s’attaquer efficacement au stock normatif, stopper sa croissance ou même la ralentir et inverser la tendance en « déréglementant ». Ne serait-ce que pour contrebalancer le flux normatif issu des transpositions du droit international et européen.
[1] https://www.lagazettedescommunes.com/778808/le-code-de-la-fonction-publique-est-au-journal-officiel/ le code général de la fonction publique devrait entrer en vigueur au 1er mars 2022, pas de précision à ce stade sur la codification de sa partie réglementaire.