Administrations : le silence vaut accord ?
Le gouvernement vient d’instaurer une procédure selon laquelle « le silence de l’administration vaut accord » (SVA) par l’intermédiaire de la loi n°2013-1005 du 12 novembre 2013, loi habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens. Désormais, les dispositions qui dérogent à ce principe doivent faire l’objet de décrets spécifiques afin d’en maintenir les exceptions.
- Depuis le 12 novembre 2014, le principe du SVA est officiellement entré en vigueur.
- Il a été étendu à compter du 12 novembre 2015 aux organismes de sécurité sociale et aux collectivités territoriales.
Actuellement sur les 3.600 décisions de l’État, les 2/3 environ sont constituées par des exceptions au principe (SVR). Le SVA concerne donc environ 1.200 décisions. Le bilan qui peut être fait est le suivant :
- Le principe du SVA se dédouble entre 730 procédures suivant le délai de 2 mois ;
- Le principe s’applique pour un délai > 2 mois pour 470 procédures.
S’agissant des exceptions, il apparaît qu’il existe :
- 1.800 exceptions législatives (engagements internationaux, sécurité nationale, protection des libertés, PVC (principes à valeur constitutionnelle), ordre public) ;
- 600 exceptions réglementaires « eu égard à l’objet de la décision ou pour motifs de bonne administration » (les limites sont plus étroites et devraient faire l’objet d’un suivi plus rigoureux afin de ne pas témoigner d’un manque d’adaptation de l’administration aux nouvelles technologies et à la réforme des procès administratifs).
S’agissant des exceptions au principe (les SVR) :
La Fondation iFRAP a décidé d’auditer par elle-même l’ensemble des documents disponibles afin de vérifier les chiffres avancés et de proposer des données plus fines. À cet égard elle a consulté sur la base Légifrance, la liste des décrets prévoyant des exceptions au principe « silence vaut accord », suivant sa dernière mise à jour du 18 septembre 2015[1].
Sources : Fondation iFRAP 2015.
Sur Légifrance peuvent être localisées près de 1.295 dispositions de 36 décrets. 33 décrets sont en date du 23 octobre 2014, 3 décrets sont parus postérieurement, 2 décrets du 7 avril 2015 et un décret du 25 février 2015. 4 dispositions sont relatives à la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 sur la communication de documents administratifs, et 7 qui bien que classés dans les décrets valant rejet concernent en réalité des décisions implicites d’acceptation excédant le délai de droit commun de 2 mois.
Si maintenant nous considérons les ministères qui sont concernés par les demandes d’exceptions réglementaires, il apparaît que :
- C’est le MEDDAD qui dispose du plus grand nombre d’exceptions (177 dispositions) ;
- Suivi par le Minefi avec 88 dispositions :
- Puis le ministère des affaires sociales avec 50 dispositions ;
- Et le ministère du logement pour 31 dispositions.
Source : Fondation iFRAP 2015.
La sériation par délais permet de bien mettre en évidence également l’extrême diversité de ces derniers en matière de SVR lorsqu’ils excèdent les 2 mois. Il apparaît ainsi qu’en dehors des 855 dispositifs de 2 mois, 425 dispositifs présentent des durées différentes.
Sur ces dispositifs, on constate que le délai de 6 mois est le plus fréquent (106 dispositifs), suivi par le délai de 4 mois (100 dispositifs) et 49 de trois mois.
Source : Fondation iFRAP 2015.
Dans le cadre d’un travail de « simplification » des délais, ce sont ces derniers qui devraient faire l’objet en priorité d’une normalisation (a minima) avant au besoin de basculer des exceptions dans le droit commun.
Exceptions SVR classées par délais (2 mois ou différent)
Sources : Fondation iFRAP 2015.
S’agissant de l’application du principe SVA :
Les dépouillements effectués sur le stock de dispositions SVA telles que publiées également sur Légifrance dans la liste des procédures pour lesquelles le silence gardé par l’administration sur une demande vaut accord, (version du 15 septembre 2015), permet de formuler les constatations suivantes :
Il existe tout d’abord deux répartitions qui malheureusement ne permettent pas toujours avec précision de mettre en cohérence les mesures SVA avec les mesures SVR attribuées aux ministères.
- D’une part les dispositions SVA faisant l’objet d’une codification (textes codifiés) ;
- D’autre part les dispositions SVA contenues dans des procédures non codifiées.
Les dépouillements effectués permettent de présenter les statistiques ci-jointes :
Sources : Fondation iFRAP 2015.
Tout d’abord les véhicules portant les dispositions SVA apparaissent majoritairement codifiés, avec 758 procédures dont 428 satisfont (56%) au respect de la règle des 2 mois. Les procédures non codifiées représentent 325 dispositifs identifiés (30%), dont 190 (58%) respectent également la règle des 2 mois. En tout, l’ensemble des dispositifs de la liste tenue par Légifrance, représente 1.083 procédures, dont 618 (57%) obéissent à la règle des deux mois.
Les véhicules qui les contiennent sont d’abord attribués au Code rural, qui ressortissent de la compétence du ministère de l’agriculture (ce qui n’est pas en cohérence tout à fait avec les dispositifs SVR, bien qu’une partie puisse relever du MEDDAD), ainsi que du code de l’Éducation (124) et enfin des procédures codifiées du secteur de l’écologie, des transports et de l’Énergie (relevant du MEDDAD). Les procédures codifiées ou non (CGI ou autres) relevant du ministère des finances ne représentent que 87 mesures, proches de celles relevant du code de la route (77).
Au total on peut donc relever que les procédures SVA et SVR ne sont pas totalement superposables, si bien que certains ministères régaliens ou non disposent en réalité d’un nombre de procédures de droit commun significativement divergentes du nombre d’exceptions. La notion de stock de procédures ne permet donc pas à lui seul d’expliquer les nombres de procédures avancés.
S’agissant de la typologie (délais) des procédures SVA , nous avons procédé à un classement par nombre décroissant des procédures concernées :
Source : Fondation iFRAP 2015
Il apparaît en particulier que les délais SVA autres que de 2 mois (686) sont sensiblement plus faibles que les autres. Les délais dérogatoires au droit commun les plus fréquents sont de 4 mois (159), suivis par les délais de 6 mois (150) et de 3 mois (101). La catégorie « Autre » désignant des délais non orthodoxes ou faisant l’objet de possibilité de prolongation quels que soient les délais initiaux, ils arrivent en cinquième position (45 procédures).
La proposition de la Fondation iFRAP : Un meilleur suivi ministère par ministère devrait être possible avec un total des dispositions concernées puis leur déclinaison en SVA/SVR et le taux de passage d’une catégorie à l’autre. Enfin, des éléments statistiques consolidés permettant de vérifier le nombre de dispositions légales inférieures ou égales au délai de 2 mois et celles qui l’excèdent. |
[1] Étant entendu par ailleurs que la liste est régulièrement remise à jour au fil de l’eau. Par définition elle n’inclut pas les projets de décrets actuellement soumis entre le 6 et le 21 octobre 2015 à consultation publique, sur le site www.vie-publique.fr.