Vignettes Crit'air : arrêter les contraintes inutiles
L’interdiction de circulation des véhicules Crit’Air 3 est la mesure phare actuelle de la ZFE (Zone Faible Emission) parisienne. Décidée en 2015 pour application en juillet 2022, elle a été repoussée à janvier 2023 puis à juillet 2023. Il est désormais question de la retarder à 2024 au moins, vu les problèmes concrets qu’elle pose... et de sa légitimité au vu de la quantité de polluants émis à cette date par les véhicules qui circulent encore.
Si l'amélioration de la qualité de l’air à Paris et dans les autres grandes villes est nécessaire, la ZFE pénalise fortement la population la plus modeste, et coûte cher aux consommateurs et aux contribuables. En organisant une obsolescence programmée par l’Etat des véhicules existants, elle va à l’encontre de la politique de réparabilité et de durabilité de ces objets.
Les voitures particulières et les véhicules utilitaires légers (datant au plus tôt du 1er janvier 1997) sont rangés en 5 classes Crit’Air (de 1 à 5, la pire) selon la norme d’émissions polluantes auxquelles ils sont soumis. Pour les véhicules datant d'avant le 31 décembre 1996, une sixième catégorie « hors classe » existe. Les normes elles-mêmes vont de EURO 1, pour la plus mauvaise, à EURO 6 pour la plus exigeante. En outre, les voitures de collection qui ont plus de 30 ans et attestées par la Fédération française des véhicules d'époque (FFVE), bénéficient d'une exception de circulation : on en compte environ 300 000 en France.
Classe | Voitures et Véhicules utilitaires légers Diesel | Voitures et Véhicules utilitaires légers Essence | ||
|---|---|---|---|---|
Norme | Date à partir de | Norme | Date à partir de | |
Crit’Air 1 | - | - | EURO 5 et 6 | 1/1/2011 |
Crit’Air 2 | EURO 5 et 6 | 1/1/2011 | EURO 4 | 1/1/2006 |
Crit’Air 3 | EURO 4 | 1/1/2006 | EURO 2 et 3 | 1/1/1997 |
Crit’Air 4 | EURO 3 | 1/1/2001 | - | - |
Crit’Air 5 | EURO 2 | 1/1/1997 | - | - |
Hors classe | EURO 1 | - | EURO 1 | - |
Note de lecture : La classe Crit’Air 3 concerne les voitures particulières et utilitaires légères à essence mises sur le marché à partir du 1er janvier 1997, et avant le 1er janvier 2006. La Classe Crit’Air se retrouve sur les vignettes Crit’Air apposées sur les pare-brise des véhicules.
En 2024, tous les véhicules Crit’Air 3 auront respectivement plus de 18 ans (essence) et plus de 13 ans (diesel), soit en moyenne plus de 15 ans.
Parc automobile parisien
A Paris, seuls 39% des 1,3 million de ménages ont une voiture, soit un total de 620.000, et 80.000 véhicules utilitaires légers. La durée moyenne de vie des véhicules avant d’être mis à la casse ou sortis de France, était de 11 ans et 100.000 kilomètres en 1980. Les progrès techniques, l’augmentation des prix des véhicules et la légère baisse du nombre de kilomètres par véhicule l’auraient portée en 1999 à 13,9 pour les véhicules à essence et 12,7 pour les véhicules diesel[1], soit 14 ans actuellement en moyenne.
En 2008, date moyenne (essence + diesel) d’arrêt de production des véhicules Crit’Air 3, tous les véhicules en circulation à Paris étaient au mieux Crit’Air 3[2]. Leur moyenne d’âge était déjà de 15 ans. Seize ans plus tard, en 2024, la moyenne d’âge de ces véhicules Crit’Air 3 sera de 31 ans (15+16), soit très supérieure à la durée moyenne de vie des véhicules : peu de véhicules Crit’Air 3 seront encore en fonction à cette date.
Evolution du parc
Au-delà de la baisse du nombre brut de véhicules polluants, plusieurs facteurs sont favorables à la réduction de leurs émissions.
Parmi toutes ces voitures, celles qui sont le plus rapidement éliminées sont celles qui roulent le plus (Taxi, VTC, livraisons par exemple) qui parcourent 60.000 kilomètres par an.
De plus, comme le montre le diagramme ci-dessous, les véhicules disparaissent rapidement après 5 ans et jusqu’à 15 ans, plus lentement après. Les moins utilisés disparaissant plus tard (ceux des personnes âgées, des ménages disposant de faibles revenus et des personnes ne les utilisant pas pour des raisons professionnelles). Si les véhicules (France entière) parcourent en moyenne 12.000 kilomètres par an, ceux de ces catégories ne parcourent que 8.000 kilomètres. Beaucoup peuvent être en très bon état mécanique.
Estimation de la durée de vie des véhicules
Source : Une estimation du parc automobile, Note de synthèse du SES, François Jeger, 2001
D’après cette courbe, en 2024, il restera moins de 120.000 Crit’Air 3 parisiens en circulation, et 50.000 en 2040, parcourant de moins en moins de kilomètres, soit une réduction automatique des polluants émis par les véhicules Crit’Air 3, de 87% en 2024 à 97% en 2040.
Paris | 2008 | 2024 | 2030 | 2040 |
|---|---|---|---|---|
Nombre de voitures Crit’Air 3 (ou + anciennes) en circulation | 700.000 | 120.000 | 50.000 | 30.000 |
Nombre de kilomètres parcourus par voiture | 12.000 | 8.000 | 7.000 | 6.000 |
Baisse de la Pollution | - | 88 % | 96 % | 98 % |
Une autre étude, celle de 2016 des « Cahiers du club d’Ingénierie prospective, énergie et environnement » fournit des chiffres sur la présence effective des véhicules dans la circulation, et non pas sur la seule existence de ces véhicules. Ils montrent à quel point les véhicules « anciens » disparaissent rapidement de la circulation après 10 ans et 15 ans.
Conclusion
Les deux approches ci-dessus montrent que la baisse de pollution produite par les Crit’Air 3 est très rapide, dix ans après l’arrêt de leur production, et qu’il est quasiment impossible de l’accélérer significativement. C’est ce qu’a montré le cas des voitures Crit’Air 4 et 5. Interdites en principe depuis 2017, la décision n’a pas pu être appliquée face aux problèmes pratiques des propriétaires de ces véhicules, et à ceux des contrôleurs chargés d’appliquer la loi.
Permettre à quelques dizaines de milliers de véhicules de 20 ans ou plus, de continuer à rouler présente très peu d’inconvénients pour le niveau de pollution de Paris. Les exigences du contrôle technique bisannuel suffisent à éviter les anomalies excessives. Contrairement aux logements dont la durée de vie se situe en siècles, celle des automobiles se limite à deux dizaines d’années. Pour réduire leurs émissions de polluants, ou améliorer leur sécurité, la bonne méthode consiste à fixer des contraintes progressives sur les véhicules neufs comme cela a été fait avec les normes EURO1 à EURO6. Le progrès se diffuse ensuite rapidement sans mettre en place de mesures coercitives sur les citoyens, d’interventions inutiles, coûteuses et irritantes des forces de l’ordre, et en évitant l’obsolescence programmée par l’Etat de véhicules en état de fonctionner. L’interdiction éventuelle des véhicules Crit’Air 2 à Paris à partir de 2030 ou le 100% voiture électrique à partir de 2035 constitueraient des transitions brutales, exposées à de nombreux aléas économiques et techniques, et insupportables pour les Français. Six millions de voitures d’occasion sont vendues chaque année en France contre moins de deux millions de voitures neuves. Ce marché de l’occasion est trop important pour de nombreux ménages pour qu’il soit étranglé par des contraintes largement inutiles.
Que ce soit pour les ZFE (zones faibles émissions), la ZAN (zéro artificialisation nette), le ZGS (zéro utilisation de gaz de schiste en France), le ZG (zéro glyphosate) ou le ZN (zéro nucléaire), les gouvernements se lancent régulièrement dans des projets électoralistes et irréalistes dont leurs successeurs doivent assumer l’abandon, et le discrédit.
Paris vs. Ile-de-France vs. France Le raisonnement est sensiblement le même pour l’Ile-de-France qui compte 573.000 voitures Crit’Air 3. Entre Paris et la petite couronne très assimilable à Paris, les voitures circulent de façon équilibrée. En grande couronne, les habitants circulent davantage en voiture, surtout à l’intérieur de la grande couronne, mais la pollution y est plus diluée. La situation dans les grandes villes régionales est similaire à celle de Paris. Dans les zones moins denses, les véhicules sont plus utilisés qu’à Paris, et sont plus anciens dans certains secteurs, mais la pollution plus diffuse pose moins de problèmes.
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[1] Une estimation du parc automobile, note de synthèse du SES, François Juger, 2001
[2] En réalité il y avait des Crit’Air 4 et 5 qui seront plus rapidement éliminés que les Crit’Air 3
