Toujours 17 mois en moyenne pour implanter une usine en France
Alors que la France entre dans la course à la réindustrialisation, le thème des délais d’implantation d’usines reste un frein important pour l’attractivité de la France et l’accessibilité pour les entreprises françaises.
L’Allemagne, la Pologne et la Suède qui sont pourtant soumis aux mêmes normes européennes, ont un temps de procédure drastiquement plus court. L’écart entre les délais théoriques et les délais effectifs est beaucoup moins important : 2,5 mois en Suède, nul en Allemagne, 15 jours en Pologne et 8 mois en France pour l’implantation d’une activité industrielle.
Tesla (2019), Intel (2023), Northvolt (2023), TSMC (2023), BYD (2024) : autant de grands projets d’installation d’usines perdus par la France et qui peuvent s'expliquer en partie par la complexité des procédures administratives. Mais les difficultés à l’implantation d’usines pénalisent surtout les entreprises de plus petite taille : la Caisse des dépôts estime qu’un écart de 8 mois (différence entre le délai réel et le délai théorique en France) implique un coût de 700 000 euros pour une PME de 10 millions d’euros. Seule perspective sur le sujet : la loi « Industrie verte » de 2023 prévoit de simplifier considérablement le processus d’implantation, et d'utiliser davantage les friches industrielles. Le gouvernement a également créé des sites « clés en main » pour accueillir de futures activités industrielles ou logistiques, où les démarches administratives générales, telles que l'urbanisme (terrains prêts à construire), les études environnementales et l'archéologie préventive, ont déjà été réalisées.
Un délai moyen de 17 mois
En amont du projet : manque de foncier
Le manque de foncier en France est un frein majeur dans l’implantation de nouveaux sites industriels. Et c’est un phénomène qui ne va faire qu’empirer avec l’objectif de zéro artificialisation nette en 2050 (le foncier productif représente une faible part des artificialisations) de la loi « Climat et Résilience » qui prévoit déjà de réduire par deux les surfaces artificialisées entre 2021 et 2023.
Inventaire faune/flore
En Allemagne, durée variable de 4 à 6 mois en moyenne, 12 mois maximum selon le rapport Guillot. En Suède, la durée varie selon les enjeux et la taille des projets. Or en France, l’administration demande un rapport faune/flore « sur quatre saisons, de manière quasi-systématique ».
Entre 2017 et 2019, la durée réelle des procédures d’autorisation environnementale ICPE (Installation Classée pour la Protection de l'Environnement) était inférieure à neuf mois pour 7 % des projets soumis à évaluation environnementale, alors qu’elle devrait être délivrée théoriquement entre 2 et 3 mois.
Après déposition du dossier : oppositions des riverains
Bien que le projet de loi « Industrie Verte » de 2023 prévoit de réduire par deux le temps pour obtenir les autorisations administratives et faciliter ainsi l’installations d’usines, rien n’est fait pour gérer les recours.
Les oppositions à l’arrivée d’usines dans toute la France pour des raisons environnementales ou par manque d’alignement avec l’activité historique pratiquée dans la région sont un véritable frein à l’implantation d’usines en France. Cela conduit même certains projets à être annulés : il y a l’exemple de l’usine Bridor qui a entamé la procédure en 2017 pour implanter une usine à Liffré. Six ans plus tard, le projet est annulé et le groupe a finalement choisi le Portugal pour son usine. Récemment, il y eu aussi l’annulation des projets industriels de Géosel, Airbus Helicopter, Marignane ou Rockwool.
Ainsi, se pose la question des droits de recours des opposants (riverains et associations), qui peuvent retarder, voire annuler, certains projets industriels.
Explications de l’écart si important entre les délais théoriques et les délais effectifs
Qualité insuffisante des dossiers déposés (3,6 mois)
Les dossiers déposés par les porteurs de projets ne seraient pas en adéquation avec ce qui est attendu par l’administration. Un nombre important de dossiers seraient mis en suspension pour des demandes de compléments. Le rapport Guillot, qui attribue ce phénomène à un manque d’accompagnement de la part de l’administration, estime que cela entraîne un écart de 3,6 mois entre les délais théoriques et les délais réels.
Procédures administratives (3,6 mois)
Les délais administratifs entre les différentes phases de la procédure causent un retard de 3,6 mois par rapport aux délais d’implantation théoriques. Un manque de coordination qui découle d’une trop grande complexité et de l’intervention d’un trop grand nombre d’acteurs (chacun ayant ses propres procédures et délais). Ainsi, avec le nombre d’autorisations et de permis nécessaires, les délais de traitement s’allongent considérablement.
Dépassement (1,8 mois)
Dépassement moyen de 1,5 mois du délai réglementaire en phase de décision = 20% de l’écart. Délai imputable au temps de coordination entre les acteurs.