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Les aides sociales sont-elles incomprises ?

Commencer par faire directement régler par les administrations les dépenses correspondant aux aides en nature.

Le répertoire des aides sociales est tellement immense et compliqué qu'il n'est pas compris de leurs bénéficiaires, et ce d'autant moins que ces derniers sont souvent des personnes qui ne possèdent pas la bonne compréhension de ces aides. Ce n'est pas une affaire de fraude aux aides sociales, mais de complication et de défaut de pédagogie. Voici quelques exemples pris sur le vif.

Elle avait acheté une vache pour sa fille avec son allocation APA. Lui, avait donné son argent à ses enfants, etc…

Cela se passe dans le Finistère. Une personne âgée se voit réclamer par le département une somme relativement importante faute d'avoir justifié des dépenses engagées pour lesquelles elle avait reçu une allocation dans le cadre du « plan d'aide » prévu par l'APA (Aide Personnalisée d'Autonomie). Le médecin avait en effet considéré que son état justifiait 4 heures d'aide ménagère. Mais la bénéficiaire s'était contentée d'une seule heure, et avait donc économisé les trois-quarts de son allocation. Lors d'une hospitalisation, elle reçoit la visite d'une assistante sociale auprès de qui elle se plaint de recevoir une demande de remboursement faute d'avoir justifié de dépenses correspondant au plan d'aide. « Je n'ai plus cet argent », dit-elle. « Mais qu'avez-vous fait des sommes qui vous ont été versées ? » demande l'assistante sociale. Réponse : « Je n'avais pas besoin de toute cette aide, alors j'ai acheté une vache pour ma fille… » ! - « Mais Madame ce n'est pas fait pour ça, l'aide que vous recevez ». – « Ah bon, mais pourquoi ? L'État me donne de l'argent, je le dépense… »

Toujours dans le même département, un homme tétraplégique fait une demande d'un fauteuil électrique au titre de la PCH (Prestation de Compensation du Handicap). Au bout de huit mois, il obtient 3.000 € de complément d'aide, puis se plaint de ne pas avoir suffisamment d'argent pour payer le fauteuil. « Mais qu'avez-vous fait de cette aide ? » demande l'assistance sociale. « Madame, on m'a donné de l'argent, et, comprenez-moi, pour une fois que j'ai la possibilité de donner à mes enfants, j'en ai profité »…

Encore dans le même département, l'assistante sociale reçoit un appel téléphonique d'une personne demandant un rendez-vous pour savoir à quoi sa mère, qui vient d'être atteinte de paraplégie, peut avoir droit. Elle précise à la demande de l'assistante sociale que sa mère, veuve d'un PDG important, dispose d'une pension mensuelle de 5.000€, et a beaucoup de peine à comprendre que de telles ressources limitent le montant de l'allocation à 10% du coût engendré par cette maladie.

Enfin, cette fois dans une petite commune d'un département du Lot, quelques logements sociaux ont été réalisés. Une demande d'attribution arrive en provenance d'un couple qui gagne entre 4.000 et 5.000 € par mois et qui refuse d'admettre qu'il n'est pas éligible au logement social

Un système infiniment compliqué inventé par une bureaucratie dépassée par l'effort nécessaire de pédagogie.

Nous l'avons souvent souligné dans ces colonnes, les aides sociales constituent un maquis impénétrable d'allocations répondant à des règles différentes. Il en est ainsi de la combinaison du RSA avec plus d'une dizaine d'autres allocations accordées suivant des conditions de ressources dont le calcul et les plafonds ne coïncident jamais.

Cette fois, les deux premières scènes que nous rapportons évoquent le problème des aides en nature par opposition aux aides en espèces. Deux régimes différents dont la compréhension n'est pas évidente comme nous le voyons. Les aides en espèces sont effectivement de l'argent donné par les pouvoirs publics (État, collectivités locales variées, CAF …), alors que les aides en nature comme celles qui sont distribuées au titre de l'APA ou de la PCH doivent être utilisées pour un objet particulier. Mais l'argent nécessaire est donné aux bénéficiaires au lieu d'être directement utilisé par les pouvoirs publics auprès des prestataires. D'où la confusion commise par ces bénéficiaires, en dehors de toute fraude consciente.

Il faut changer ce système et faire en sorte que les dépenses correspondant aux aides en nature soient réglées directement par les administrations.

Autre interrogation, la bénéficiaire de l'APA a jugé inutiles 3 des 4 heures d'aide ménagère accordées par le « plan d'aide » de l'APA : générosité culpabilisante, clientélisme ou absence de conscience de ce qu'exige le bon usage des deniers publics ?

Tout ceci démontre qu'il faut poser le problème en termes généraux, et les derniers exemples cités montrent que les Français ont difficilement conscience que l'État n'est pas un distributeur automatique de billets de banque, mais qu'il ne devrait intervenir que dans les cas spécifiques où le devoir de solidarité envers les plus nécessiteux l'exige. A voir se multiplier les allocations attribuées à tout bout de champ, les Français ont perdu le sens de leur propre responsabilité et ont acquis le réflexe de se tourner constamment vers l'État comme s'il revenait à ce dernier d'accorder des revenus complémentaires (la prime pour l'emploi en est un autre bon exemple) au lieu de se borner à répondre à un devoir limité de solidarité. Un grand effort général de pédagogie s'impose, tant auprès des commissions et administrations appelées à distribuer les aides qu'auprès des bénéficiaires potentiels. Et ceci dépend d'une définition claire du devoir de solidarité.