2 millions de personnes dans le halo du chômage et non comptées comme demandeurs d'emplois
Malgré la crise économique et sanitaire de 2020, le taux de chômage français semble continuer sa baisse. L’Insee prévoit un taux de chômage à 8,1 % fin 2021 et la croissance attendue à 4 % l’année prochaine laisse augurer d’une poursuite de la baisse du chômage. Sauf que le 8,1% affiché par l'Insee ne prend pas en compte les personnes en âge de travailler, souhaitant travailler, mais qui ne sont pas comptées comme chômeurs pour autant : ce halo du chômage englobe 2 millions de personne et ce chiffre a bondi avec la crise. Si l’on additionne le chômage et le halo du chômage en France, on est à 13,5 %... loin des 8,1%. Explications :
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Plusieurs statistiques alarmistes doivent attirer l’attention : les demandeurs d’emploi inscrits en fin de mois à Pôle emploi diffèrent nettement des statistiques des chômeurs au sens du BIT publiées trimestriellement par l’Insee depuis plusieurs années. Au deuxième trimestre 2021, il y avait 3,5 millions de demandeurs d’emplois inscrits à Pôle emploi en catégorie A contre… 2,4 millions de chômeurs au sens du BIT recensés par l’enquête emploi de l’INSEE. La différence de 1,1 million de personnes est loin d’être négligeable entre ces deux indicateurs phare du nombre de chômeurs.
Évaluer le halo du chômage
La définition précise du chômage au sens du BIT (sans emploi, disponible pour en occuper et ayant recherché activement un emploi le mois précédent) aboutit à ce que de nombreuses personnes sans emploi ne soient pas considérées comme des chômeurs. Figurent dans le « halo du chômage » les trois cas suivants :
- les personnes sans emploi en recherche active, mais n’étant pas disponible pour travailler (composante 1 du halo) ;
- les personnes qui n’ont pas recherché d’emploi, mais souhaitent travailler et sont disponibles pour travailler (composante 2 du halo) ;
- les personnes qui souhaitent travailler, mais n’ont pas recherché d’emploi et ne sont pas disponibles pour travailler (composante 3).
Comme l’indique l’Insee, « les personnes relevant du halo autour du chômage ont un profil assez proche des personnes au chômage : elles ont en commun d’être plus jeunes et moins diplômées que les personnes en emploi ». Elles ne sont pas considérées comme étant au chômage au sens du BIT, même si leur situation en est proche.
Il y aurait selon l’Insee, plus de 1,9 million de personnes dans le halo autour du chômage en 2020, soit 600 000 personnes de plus qu’au début des années 2010. Par ailleurs, cette notion cohabite avec le concept de sous-emploi qui comprend les personnes actives occupées au sens du BIT qui remplissent l’une des conditions suivantes : elles travaillent à temps partiel, souhaitent travailler davantage et sont disponibles pour le faire, qu’elles recherchent activement un emploi (composante 1) ou non (composante 2) ; elles travaillent à temps partiel ou à temps complet, mais ont travaillé moins que d’habitude pendant une semaine de référence en raison de chômage partiel ou de mauvais temps (composante 3). Il y avait en 2019 1,4 million de personnes en sous-emploi en France, un chiffre qui a bondi à 2,9 millions en 2020.
Comparaison européenne
Une comparaison de l’évolution du chômage et du halo en France et dans les pays de l’Union européenne est possible à partir des données du Labor Force Survey d’Eurostat. On identifie quatre grands types de pays dans l’Union européenne à 14 :
- les pays qui ont un taux de chômage plus élevé que la moyenne européenne mais un halo du chômage relativement moins élevé : la France entre dans ce cas avec l’Espagne et la Grèce ;
- les pays qui ont un taux de chômage relativement faible mais un halo autour du chômage élevé : Autriche, Luxembourg et Irlande ;
- les pays qui ont un taux de chômage plus faible que la moyenne européenne et un halo autour du chômage également faible : Allemagne, Pays-Bas, Belgique, Danemark, Finlande, Portugal et Suède. Ce sont les pays les plus performants en matière de politique de l’emploi et de lutte contre le chômage.
- un seul pays, l’Italie, se trouve dans la situation d’un taux de chômage et d’un halo autour du chômage plus élevé que la moyenne européenne.
Il peut être intéressant d’apprécier l’évolution du taux de chômage et du halo autour du chômage au cours des cinq dernières années (2014-2019). On fait apparaître quatre types d’évolutions : des pays ont su à la fois réduire leur chômage et le halo autour de celui-ci (Pays-Bas, Espagne, Portugal). Des pays ont diminué leur chômage en augmentant le halo autour du chômage, ce qui relativise cette amélioration (Grèce, Irlande, Belgique). Des pays ont relativement moins réduit leur chômage mais en réduisant plus que les autres le halo autour de celui-ci (Italie, Finlande, Autriche). Enfin des pays ont relativement moins réduit leur chômage que les autres partenaires européens et ont de plus vu le halo se renforcer (Danemark, France, Suède, Luxembourg).
De cette analyse, il ressort que la France, avec pourtant l’un des taux de chômage les plus élevés de l’Union européenne à 14 en 2014 (9,8 %), a finalement assez peu réduit son chômage entre 2014 et 2019 (-18 % du niveau initial, soit -1,8 point de la population active élargie), qui plus est en subissant un renforcement de son halo autour du chômage (+ 7 %, soit + 0,3 point de population active élargie). L’amélioration sur le front du chômage en France depuis quelques années doit donc être relativisée : elle a été moins forte que celle de nos partenaires européens et a été de plus contrebalancée par un léger renforcement du halo autour du chômage, lorsqu’en moyenne celui-ci connaissait un recul conjoint avec le taux de chômage.
Les raisons de la baisse du chômage dans les différents pays européens
Il existe une arithmétique simple en matière de du chômage : il peut-être lié à la hausse du taux d’emploi (création d’emplois plus rapide que la hausse de la population active) et la baisse du taux d’activité (moindre chômage car plus d’inactifs). La France est le pays dont le taux d’emploi a le plus faiblement progressé (+ 0,4 point) tandis que son taux d’activité fléchissait de 0,8 point, la France étant le seul pays avec l’Espagne à connaître une baisse du taux d’activité.
C’est donc en grande partie parce que le taux d’activité fléchissait que la France a pu connaître une décrue du chômage et non comme partout ailleurs parce que le taux d’emploi progressait. La France présente la pire performance en matière de création d’emplois en regard de la progression de la population. On doit donc s'interroger sur les raisons de ce recul du taux d'activité. Plusieurs tendances se combinent : au développement du halo autour du chômage décrit plus haut, s'ajoute, pour les jeunes, une entrée sur le marché du travail qui se fait plus tardivement. Ce phénomène dépasse la crise sanitaire : comme le révèle la Dares, partie d'un point bas en 2018, la durée des études ne fait que s'allonger pour atteindre désormais 6,6 ans en moyenne, même si depuis 2018 on observe un développement de l'apprentissage. De plus, 15,1% des jeunes de 15 à 34 ans sont sans emploi, sans diplôme et sans formation (NEET) contre 9,9% en Allemagne. Travailler plus passe donc par une amélioration du taux d'activité en début de carrière, en plus de poursuivre la baisse du chômage.