Les recettes fiscales 2013 ne rentrent pas
À l'heure où les regards sont tournés vers une possible remise à plat de la fiscalité, entreprise nécessairement de long terme, les citoyens sont du même coup beaucoup moins attentifs aux rentrées fiscales de l'exercice 2013 en cours. Pourtant, il apparaît que la situation semble confirmer ce que les prévisions anticipées du budget 2014 semblaient mettre en évidence : les objectifs de collecte pour la fin de l'année sont clairement à la baisse. A la clé, sur le champ de l'État, des moins-values fiscales nettes anticipées à hauteur de -10,8 milliards d'euros, corrigé par rapport à septembre 2013 à -100 millions d'euros supplémentaires (les chiffres seront certains seulement mi-décembre). Sur le champ des prélèvements sociaux, la configuration n'est pas meilleure, on pourrait s'attendre à des rentrées moindres que prévues en PLFSS 2013 de -7,9 milliards, tandis que les collectivités locales verraient également leurs recettes baisser de -1,9 milliard, soit un manque total de prélèvements obligatoires de près de 20,6 milliards d'euros.
Entre-temps évidemment, les perspectives de croissance ont été révisées entre le programme de stabilité 2013-2017 et le PLF 2014 de +0,8% à seulement +0,1% pour l'exercice 2013, tandis que l'élasticité des prélèvements obligatoires passait de 0,9 à 0,4. Cependant, malgré ces prévisions révisées il peut être intéressant de croiser ces données avec celles fournies par la situation budgétaire mensuelle de l'État fournie par la DGFiP. Elle permet alors de vérifier l'écart pouvant exister entre les recettes attendues et les recettes encaissées.
Source : iFRAP 2013 à partir des documents PLF 2014 et PLFR 2013 ainsi que note CoE Rexecode oct. 2013.
Prévision budgétaire et encaissement des prélèvements obligatoires publiés en novembre :
Ci-contre la réactualisation du tableau d'évolution des recettes fiscales en 2013 et prévu en 2014 à partir des éléments connus au moment du PLF 2014 puis des rectifications de la LFR 2013.
[**a) S'agissant de la TVA :*]
On constate que la TVA dont la recette pour l'État était estimée à 141,2 milliards d'euros en PLF 2013, a été réévaluée dès septembre à 135,6 milliards d'euros en PLF 2014 pour 2013, perspective inchangée en PLFR 2013, soit [*une moins value fiscale anticipée de 5,6 milliards d'euros*]. Cela représente tout de même un manque à gagner en recettes de 3,9%.
D'ailleurs cette perspective est « prudemment » intégrée par Bercy pour 2014, puisqu'en dépit des nouveaux taux effectifs en 2014, la programmation n'envisage qu'une TVA nette de 139,3 milliards. Soit entre LFI 2013 et PLF 2014 une baisse de 1,9 milliards d'euros, mais surtout une augmentation par rapport à la recette corrigée de 2013 de seulement +3,7 milliards d'euros. Cette tendance augure mal de la « productivité » de la révision à la hausse de TVA qui aura lieu au 1er janvier 2014, dont le rendement est « déjà dans les chiffres » avec un taux normal à 20% et un taux intermédiaire fixé à 7%, ainsi que la conservation de taux plus réduit à 5,5% et 2,1%.
Au 30 septembre 2013, la situation des recettes de l'État se distribuaient comme suit :
On constate que la collecte recalibrée en PLF 2014 n'excède plus que de 2,2 milliards la prévision 2012, tandis que la consommation actuelle semble inférieure de la moitié de l'écart (+1,147 milliards), ce qui impose un rattrapage entre octobre et décembre.
En tout état de cause il apparaît donc que si la consommation ne se soutient pas, il n'y a aucune raison que les recettes de TVA progressent. Par ailleurs il existe également un impact plus structurel des carrousels à TVA. Une récente étude de la commission européenne (contestée) évalue le manque à gagner en matière de TVA de la France à 32 milliards d'euros [1]. La hausse brusque de la TVA dans un tel contexte, indépendamment de la véracité des chiffres ou simplement de l'ordre de grandeur, devrait mécaniquement accroître les effets d'éviction. Par ailleurs, le « gap » pourrait également être dépassé en travaillant plus sur les taux réduits de TVA dont la non revalorisation pour certains vont mécaniquement augmenter le coût des niches fiscales. Or cette hypothèse semble pour le moment largement d'école car un certain nombre de secteurs économiques sont très dépendants des taux de faveur actuels.
[** b) S'agissant de la recette IR :*]
S'agissant des rentrées d'impôt sur le revenu, les perspectives révisées pour 2013 montrent un manque à gagner de 3,1 milliards d'euros par rapport à l'objectif retenu, par ailleurs révisé à la baisse en novembre 2013 par rapport à septembre passant de 69,3 milliards d'euros nets à 68,8 milliards par rapport à un objectif initial de 71,9 milliards d'euros. Le niveau collecté au 30 septembre est de 51,3 milliards d'euros contre 47,57 l'année précédente (soit + 3,7 milliards), mais la cible à atteindre est de près de 10 milliards supérieure à l'année précédente. Il y a donc pas moins de 17,5 milliards d'euros à collecter en 3 mois, ce qui demeure un pari risqué même avec des objectifs révisé en trois mois de -0,5 milliards.
[** c) S'agissant de l'IS :*]
L'impôt sur les sociétés étant très procyclique par nature, la conjoncture dégradée le fait s'effondrer de -3,8 milliards dans les perspectives budgétaires, mais la révision de novembre ne change pas celle de septembre dans le cadre du PLF 2014. Par ailleurs, les encaisses se portent plutôt correctement en septembre avec +25,9% de collecte par rapport à 2013 (soit +4 milliards) alors que l'effort supplémentaire demandé est de +9 milliards, ce qui est parfaitement « cadrable ».
[** d) S'agissant cette fois des recettes sociales :*]
Il n'existe pas à proprement parler de situation budgétaire mensuelle de l'ACOSS publiée comme le fait la DGFiP avec un décalage de deux mois. L'ACOSS publie les encaissements réalisés à son siège sur une base annuelle avec un décalage de 7 mois (juillet 2013 pour l'exercice 2012) ainsi qu'un baromètre mensuel économique, ce qui est sensiblement différent et n'intéresse pas notre propos. Nous nous contenterons donc en définitive des recadrages prévus au sein du PLF 2014. Ils indiquent un déficit des recettes de près de 7,9 milliards d'euros par rapport à la trajectoire fixée en 2013 pour ce même exercice dont des moindres rentrées de CSG de 1 milliard. Par ailleurs, l'objectif en matière de CSG pour 2014 ne serait relevé que de 1,8 milliards d'euros. Malgré un manque à gagner élevé en terme de cotisations sociales, les moins values de contributions fiscale sont anticipées de façon relativement modérées (-1 milliard). Fautes d'éléments supplémentaires il n'est pas possible d'anticiper plus avant.
[**Enfin quid des impôts locaux :*]
Récemment, les collectivités locales, par l'intermédiaire de la Fédération des villes moyennes, ont fait part de leur intérêt pour une remise à plat de la fiscalité « locale ». Vu la complexité des enjeux et des ajustements en cours, il est fort probable que l'État ne bougera pas. Par contre, le PLF 2014 anticipe pour 2013 une baisse de l'objectif de collecte de près de 1,9 milliard d'euros. Un repli qui n'est pas anodin si l'on songe que le montant des taxes collectées serait de 125,5 contre 127,4 milliards d'euros estimés en PLF 2013, soit moins 1,5%.
[1] Voir l'étude pour la Commission européenne, Study to quantify and analyze the VAT gap in the EU-27 member states, Varsovie, juillet 2013.