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Les milliardaires paient bien plus que 2 % d'impôts

Peut-on reprocher à un contribuable, riche ou non, de ne pas payer d'impôts sur un revenu qu'il n'a pas touché ? Partout dans le monde, ce serait risible mais en France, c'est possible ! Selon une étude récente de l'IPP (Institut des politiques publiques), les taux d'imposition effectifs à l'impôt sur le revenu diminuent en pourcentage du revenu économique global pour atteindre environ 2 % parmi le top 0,001 % : 670 personnes fortunées, auraient donc l'outrecuidance de ne payer que 2 % d'impôts sur leurs revenus ?

Cette tribune a été pubiée dans les pages des Echos, le lundi 19 juin 2023.

Comment est bâti ce chiffre ? Au lieu de prendre le classique revenu fiscal de référence des milliardaires pour calculer combien ces derniers paient d'impôts par rapport aux revenus qu'ils touchent réellement, les chercheurs de l'IPP ont « construit » « une mesure de revenu intégrant les revenus non distribués des sociétés détenues. »

Une mesure inconstitutionnelle

Il convient de souligner que ces revenus, qui ne sont pas touchés par les contribuables en question, sont déjà imposés à l'Impôt sur les sociétés, comme le montrent d'ailleurs les données publiées dans la note. Mais, étrangement, l'impôt sur les sociétés payé sur ces sommes non distribuées ne compte pas dans le fameux 2 %… Le message est clair : le système fiscal français ne serait pas assez progressif pour les centi-millionnaires et les milliardaires. Il faudrait donc, si l'on suit les auteurs de la note, taxer les dividendes non distribués ?

Cette hypothèse, outre le fait qu'elle est injuste, n'est à aucun moment crédible. En effet, l'idée même de taxer des revenus qui n'ont pas été touchés par une personne est inconstitutionnelle. On ne peut en effet imposer des revenus dont un contribuable ne dispose pas. Une limite sanctionnée par le Conseil constitutionnel qui a jugé en 2012 qu'il n'est pas légal de prendre en compte des revenus non distribués de sociétés dans le calcul du revenu fiscal de référence.

Un niveau de taxation délirant

De surcroît, l'année choisie pour obtenir ce 2 % est 2016, une année où les revenus du capital étaient imposés au barème de l'impôt sur le revenu et pas encore au prélèvement forfaitaire unique à 30 %… En 2016, le montant des dividendes distribués avait chuté pour atteindre seulement 14,4 milliards et remonter fortement en 2018 à plus de 23 milliards d'euros.

Beaucoup de bénéficiaires de dividendes avaient choisi de ne pas les distribuer à cause du niveau de taxation délirant qui avait été atteint en France : un maximum de 42,4 % (en comptant la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus à 4 %), largement au-dessus de ce qui existait à l'étranger, sachant que les autres pays européens ont un taux de taxation des dividendes entre 20 et 27 % maximum. Même aujourd'hui, à 34 % maximum, nous sommes largement au-dessus de nos voisins européens.

Une « visée dissuasive »

Les auteurs de la note évoquent une taxe de 20 % aux Etats-Unis sur les dividendes non distribués mais cette taxe, faible en recettes, a plus une « visée dissuasive », comme ils le reconnaissent. Est-il vain de rappeler que le taux de prélèvements obligatoires de la France est de 46 % du PIB alors que celui des Etats-Unis est de 27 % ? Vain aussi de rappeler que nous sommes déjà au même niveau de fiscalité du capital que les Etats-Unis et 2,5 points de PIB au-dessus de la moyenne de la zone euro ?

La petite musique qui monte pour taxer les riches, augmenter le taux du prélèvement forfaitaire unique ou rétablir l'ISF, accusant les plus riches de ne pas payer d'impôts alors que les 10 % les plus aisés paient déjà 75 % de la note de l'impôt sur le revenu et sont soumis pour les plus hauts revenus à une taxe exceptionnelle depuis 2012 est franchement affligeante.