Économie : les 10 objectifs 2027 du futur gouvernement
Nous allons cahin-caha vers une coalition ou une sorte de « cohabitation choisie » avec la droite, pour éviter que le programme destructeur de La France insoumise ne soit appliqué et fasse foncer la France droit dans le mur de la dette… Il reste encore trois ans jusqu’en 2027. Trois ans pour quoi faire ? Pour l’immobilisme ou pour avancer et stopper le déclassement de la France ?
Cette tribune a été publiée dans les pages du JDD, le 12 juillet 2024. |
Comment agir pour l’intérêt général avec une majorité relative ? Déjà, comment font les autres ? Ils construisent un programme de coalition ou un pacte de gouvernement. On nous dit que ce n’est pas la culture française ? Et pourquoi pas nous ? Les Allemands, les Italiens, les Espagnols, les Suédois construisent bien de vraies coalitions négociées autour d’un programme commun.
Au-delà de l’atmosphère chaotique que nous subissons, posons-nous la question essentielle : qu’est-il urgent de faire pour la France ? Quel est le cap ? Quels sont les bons objectifs à atteindre d’ici 2027 pour renouer avec une France qui crée de la richesse (et donc du pouvoir d’achat) et rassure ses citoyens ?
On peut décliner 10 objectifs :
- Objectif n°1 : augmenter le taux d’emploi de la France à plus de 70 %
À 68,1 %, le taux d’emploi des 15-64 ans la France est en dessous de la moyenne de la zone euro, dont le taux d’emploi est de presque 70 %. L’Allemagne est à 77 %, les Pays-Bas à 81 %. Pour augmenter ce taux d’emploi, le travail plutôt que l’aide sociale, dans tous les cas de figure, doit être le fil rouge des réformes. Si notre taux d’emploi était au niveau de l’Allemagne (surtout pour les seniors), notre richesse nationale gagnerait 2 à 3 points. Or, on l’entend assez peu dans le débat public mais le pouvoir d’achat des ménages passe avant tout par l’emploi.
- Objectif n°2 : augmenter la part de l’industrie manufacturière française dans la richesse nationale
Avec 10 % d’industrie manufacturière dans la richesse nationale, la France et à la traîne en Europe. L’Allemagne est à 19 %, l’Italie à 15 %, l’Espagne et le Portugal à 12 %. Bien entendu, il serait impossible d’atteindre 15 % d’industrie manufacturière dans le PIB d’ici 2027, mais se donner cet objectif permettait de réfléchir sérieusement à alléger les boulets fiscaux, sociaux et normatifs qui pèsent sur notre industrie.
- Objectif n°3 : baisser de 50 milliards le déficit commercial de la France
En 2019, le déficit commercial de la France était en dessous des 60 milliards. En 2022, record historique, il était de 163 milliards. En 2023, il s’est réduit pour atteindre 99,6 milliards environ. Les importations ont atteint 731 milliards d’euros pour 607,3 milliards d’euros d’exportations. La France ne peut pas continuer à enchaîner les déficits commerciaux abyssaux. D’autant plus qu’au niveau de l’Union européenne, le solde est excédentaire en 2023 de +37,9 milliards d’euros et jusqu’à +223 milliards d’euros d’excédents en Allemagne !
- Objectif n°4 : faire monter la part marchande de notre richesse nationale à 74 %
Dans notre PIB, la part de richesse privée (c’est-à-dire marchande) est trop faible par rapport à la moyenne européenne. Nous sommes à 69,6 % quand la moyenne est de 74 %. Notre richesse non marchande (c’est-à-dire plutôt le secteur public) en regard, est lui plus fort à 30 % quand la moyenne européenne est à 23 %. C’est un problème car c’est la valeur ajoutée marchande qui finance, par les prélèvements obligatoires, le secteur non marchand. Ainsi, remonter la part de valeur ajoutée marchande dans la richesse nationale passe par la baisse de la surfiscalité honorée par les entreprises françaises.
- Objectif n°5 : faire baisser le poids des normes
Le chiffrage qui fait consensus au niveau national, c’est que les normes appliquées en France coûtent 100 milliards d’euros par an dont 84 milliards pour nos entreprises. C’est plus que la recette d’impôt sur les sociétés et cela revient à une sorte d’imposition cachée. Pour faire baisser le poids de ces normes, il faut les évaluer et les traquer en permanence avec un organe dédié de type CNEN, Conseil national de l’évaluation des normes, qui n’évalue pour l’instant que les normes pesant sur les collectivités locales. Ce CNEN devrait être étendu aux entreprises et aux ménages.
- Objectif n°6 : lancer l’acte 3 de la décentralisation
Ce dernier se fait toujours attendre depuis près de 20 ans après l’acte 2. Trois secteurs seraient rapprochés du citoyen : l’éducation et l’enseignement supérieur, la culture et la santé…. Tandis que la politique de protection sociale pourrait être recentralisée, l’État en étant déjà l’arbitre principal.
Le maître-mot devrait être « simplifier » afin de lutter contre les doublons administratifs et les enchevêtrements de compétences, notamment via la mise en place du conseiller territorial (en lieu et place du conseiller départemental et régional) ou encore via la promotion de la commune-communauté.
- Objectif n°7 : baisser les prélèvements obligatoires de 48 % à 45 %
La France a le triste record du poids de la fiscalité en Europe. Nous sommes à 48 % de taux de prélèvements obligatoires alors que la moyenne de la zone euro est à 42 %. Cet écart vient surtout des 5 points de PIB de fiscalité sur la production des entreprises en plus. Écart qui est responsable du manque de compétitivité de nos entreprises. Rattraper, d’ici 2027, la moitié de cette surtaxation doit constituer une priorité.
- Objectif n°8 : baisser la dépense publique de 57 % à 53 %
On le sait, la France est championne des dépenses publiques par rapport au PIB en Europe. Nous sommes à 57 % quand nos partenaires sont à 49,4 % en moyenne. L’Allemagne à 48,6 % et les Pays-Bas à 43 %… Le gouvernement devrait absolument adopter, au-delà de la trajectoire qui sera transmise à Bruxelles en septembre, un plan de baisse des dépenses publiques sur trois ans afin de rendre sa crédibilité budgétaire à la France.
- Objectif n°9 : repasser en dessous des 75 milliards de déficit par an
Pour faire baisser la dette dans le PIB, il faut faire baisser le déficit public. Nous sommes lanterne rouge de la zone euro en 2024, avec un déficit public qui s’annonce encore au-dessus des 5 % du PIB et des 150 milliards d’euros. L’objectif doit être de baisser à 75 milliards de déficit et de ne s’endetter que pour payer la charge de la dette (soit viser l’équilibre primaire). Baisser le déficit permettrait aussi de freiner l’augmentation de la charge de la dette annuelle qui est prévue à plus de 70 ou 80 milliards en 2027.
- Objectif n°10 : repasser en dessous des 100 % de PIB de dette publique
La France était en dessous des 100 % de dette publique en 2019 mais les projections du FMI pour la France sont sans appel : sans changement de politique sur la gestion de nos finances publiques, nous allons vers les 114 % de dette par rapport au PIB. Alors que la moyenne dans l’Union européenne est de 83 %, que l’Allemagne est à 63,6 % et les Pays-Bas, 47 % et ce malgré les crises. Les Pays-Bas ont même réussi à baisser de 10 points leur dette ces dernières années.
Voilà les objectifs chiffrés qu’il faut garder en tête alors que la France débat des programmes les plus fous avec de l’argent que nous n’avons pas et se cherche une majorité parlementaire et un gouvernement. Il est urgent d’agir sur la base d’un contrat programmatique avec des objectifs clairs pour redresser notre économie. Nous sommes déjà les champions incontestés en zone euro de la pression fiscale, il est illusoire de croire que les problèmes de la France se régleraient à coups d’augmentations d’impôts !
La feuille de route 2024-2027 n’est pas si compliquée - 10 objectifs à viser. Un fil conducteur pour éviter le pire : destructions d’emplois, faillites de nos entreprises et mur de la dette pour lesquels nos concitoyens n’ont pas voté.