Dette, déficit 2024 : le maquillage des comptes ?
Les finances publiques de la France rentrent clairement dans une zone de turbulence. Les taux à 10 ans sur la dette sont en train de retrouver leur niveau de 2011 année qui avait été marquée par la crise des dettes souveraines. Plus de 3,5 % sur la dette à 10 ans mi-octobre, 3,3 % le 8 novembre, cela pourrait continuer de monter alors que le gouvernement table sur le fait que les taux ne vont pas dépasser les 3,6 % d'ici 2027. Même si les ministres de la rue de Bercy ont compris que la charge de la dette allait devenir un des sujets majeurs des prochaines années, ils semblent démunis face aux nuages noirs qui s'accumulent. L'Agence France Trésor a, certes, très bien géré le coût de la dette publique ces dernières années avec toute la technicité qu'on lui connaît, mais elle est arrivée au bout de ce qu'elle peut faire.
Cette tribune a été publiée dans les pages des Echos, le vendredi 10 novembre 2023. |
Les années qui viennent vont voir la France rentrer dans une spirale dans laquelle nous aurons des niveaux de dette arrivant à échéance qu'il faudra refinancer, de plus de 200 milliards par an en 2025 et 2026. Selon les estimations de la Fondation IFRAP, alors que la part du coût de la dette dans le déficit de l'Etat en représentait 13 % en 2019, elle pèserait plus de 50 % en 2027 avec plus de 80 milliards de coût annuel en comptabilité budgétaire en 2027 ; et cela si les taux à 10 ans ne montent pas au-dessus de 4,5 %, ce qui n'est plus improbable du tout ! Résultat, la baisse attendue en 2024 du déficit public à 4,4 % repose largement sur une croissance « optimiste » anticipée à 1,4 %, au lieu de +0,8 % attendu par le consensus des économistes. Cela permet, vis-à-vis de Bruxelles, d'afficher une dette stable à 109,7 % du PIB alors que, si l'on applique 0,8 % de croissance, la dette repart à` la hausse (110,8 % d'après l'OFCE) et le déficit resterait à -4,9 % en 2024, aussi dégradé qu'en 2022.
Cela ferait de la France, en 2024, la lanterne rouge de la zone euro avec le niveau de déficit le plus creusé. On peut donc avoir un énorme doute sur la capacité du pays à passer en dessous de 3 % de déficit public d'ici à 2027 ; mais cet objectif est avant tout politique afin d'éviter d'être placé en procédure pour déficit excessif en 2024 lorsque les règles maastrichiennes seront rétablies. C'est d'ailleurs ce qu'a souligné le Haut Conseil des finances publiques, qui a jugé la prévision de croissance du gouvernement « un peu trop optimiste ». Le trompe-l'oeil ne pourra pas tenir longtemps côté dépenses publiques mais aussi côté recettes. D'où le second réflexe pavlovien bien connu : l'augmentation des prélèvements obligatoires, par exemple en s'attaquant aux allégements de charges (suppression des exonérations de cotisation sociales à` partir de 2,5 SMIC) et aux niches fiscales (Pinel, PTZ, etc.). A date, les contributions nouvelles envisagées n'ont pas été votées (sur les billets d'avion, sur les sociétés d'autoroute, etc.), mais gageons que ces sujets de taxes exceptionnelles reviendront en boucle.
L'urgence devrait donc être, avec maintenant une charge de la dette publique anticipée par le gouvernement (et sans doute minorée) à 84 milliards d'euros en 2027, de parvenir à l'équilibre primaire des comptes publics le plus vite possible en agissant prioritairement sur les dépenses. Il s'agirait alors d'un signe fort matérialisant notre détermination à assainir nos finances publiques. Puisque le levier des recettes publiques ne peut être actionné sans détruire notre compétitivité, il reste celui des économies. L'objectif de 12 milliards de vraies économies par an, sans trucage, à partir de 2025, sera essentiel pour la suite.