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Budget 2025 : seulement 15 milliards d'économies réelles sur les 40 promises par le gouvernement

La présentation du PLF 2025 a été reporté au 10 octobre prochain par le Gouvernement Barnier afin de respecter la règle de son examen au Parlement de 70 jours. L’exécutif affiche un ajustement des finances publiques de 60 milliards d’euros pour 2025 – dans la perspective d’une consolidation plus large de nos finances publiques d’ici 2027 – afin de contrer la perspective d’un déficit public 2024 dérapant à -6,1% du PIB (contre 5,1% précédemment attendu) dégradant le solde public 2025 à politique inchangée à presque -7% du PIB. Nous pensons que cette approche suppose un tendanciel un peu gonflé. La dépense publique ne devrait progresser que de 2,1% en 2025 par rapport au prévisionnel 2024, soit une baisse de 0,8 point par rapport à la croissance de la dépense publique depuis 10 ans (2,9%/an en moyenne).

Les 40 milliards d'économies affichées sont donc sans doute un peu gonflés pour contrer un tendanciel surestimé. Il est impossible de donner des ordres de grandeurs, mais dans la mesure où la dépense publique elle-même baisserait en volume de 0,5 point entre 2024 et 2025, on peut en déduire que les seuls vrais efforts en dépenses seront de 15 milliards d'euros par rapport à une dépense évoluant au même rythme que le PIB en valeur (soit +3% en 2025). Ainsi, contrairement à l’affichage de l’effort réalisé, il nous semble que les économies réellement effectuées permettant d’améliorer le solde public par rapport à celui de 2024 ne représenteraient pas 2/3 de l’ajustement proposé mais sans doute beaucoup moins, sans doute 15 milliards soit ¼ des efforts affichés, et qu'elles seraient même inférieures aux mesures fiscales annoncées soit 18 milliards d'euros.

Un solde public à 5% du PIB en 2025 va nécessiter un ajustement de 60 milliards d’euros

Afin de bien mettre en évidence l’effort affiché par les pouvoirs publics, il faut remettre en perspective ce que représente un déficit à politique inchangé 2025 à -7% du PIB par rapport à une cible de -5% du PIB. Pour cela nous nous basons sur une estimation du PIB 2025 de 1,1% et sur un déflateur de PIB de 2%, soit une croissance totale de la richesse nationale de 3,1%, atteignant 3.014,7 milliards d’euros.

En % et en Mds €

2025

Solde 2025 à politique inchangée

-7%

En milliards d'euros

-213

Solde 2025 stabilisé à son niveau 2024

-6,10%

En milliards d'euros

-185,6

Ecart entre solde à politique inchangée et solde stabilisé 2024

-27,4

Solde cible pour 2025

-5%

En milliards d'euros

-152,1

Ecart entre solde ajusté et solde stabilisé 2024

-33,5

Total des écarts ajusté/politique inchangée

-60,8

Source : Annonces du Gouvernement et calculs de la Fondation iFRAP octobre 2024.

Nous présentons l’ajustement du solde suivant deux paliers : le contrefactuel à politique inchangée à -7% du PIB (soit -213 milliards d’euros) qui nécessiterait un effort d’ajustement de 27,4 milliards d’euros pour ne serait-ce qu’atteindre un niveau identique à celui anticipé pour 2024 (-6,1% du PIB), tendis que la cible de -5% du PIB nécessiterait un effort supplémentaire de 33,5 milliards d’euros. Au total, parvenir aux objectifs gouvernementaux pour la cible de solde public, va imposer aux pouvoirs publics de réaliser un ajustement total de près de 60 milliards d’euros.

Un ajustement deux tiers – un tiers en faveur des économies en dépenses, vraiment ?

S’agissant maintenant de la composition de l’ajustement à réaliser, le Gouvernement a communiqué sur un effort 2/3 ; 1/3, les économies budgétaires représentant le double des augmentations d’impôts. Les mesures se ventileraient ainsi :

En Mds €

2025 (ajusté)

2025 (à politique inchangée)

Mesure d'ajustement des comptes publics

60

 

Volume d'économies

42,6

 

dont économies compensant le tendanciel

27,4

27,4

dont économies baissant la dépense publique

15,2

33,3

Volume de recettes fiscales supplémentaires

18,1

Source : Annonces du Gouvernement et calculs de la Fondation iFRAP octobre 2024.

L’ajustement de 60 milliards d’euros, se décomposerait en 42,6 milliards d’euros d’économies et 18 milliards de recettes fiscales supplémentaires. Cependant, cette présentation mettrait en lumière une contribution « réelle » des économies à la baisse de la dépense publique à hauteur de seulement 15,2 milliards d’euros, puisqu’environ 27,4 milliards d’euros d’économies seraient nécessaires rien que pour juguler la croissance tendancielle des dépenses (y compris crédits d’impôts et éléments imputés[1]). Il faudrait par ailleurs y ajouter des recettes fiscales supplémentaires de 18 milliards d’euros

Il apparait ainsi que les économies nettes aboutissant à une véritable baisse de la dépense ne représenteraient que 15,2 milliards environ alors que les hausses fiscales rapporteraient 18 milliards d’euros, soit un rapport 46%/54%.

Détail des économies proposées et des hausses d’impôts envisagées

Ces éléments sont provisoires et ne visent pas à l’exhaustivité, ils seront complétés et mis à jour en tant que de besoin.

Economies

Montants (Md€)

Etat

20

ODAC

2

Sphère Coll loc

5

Sphère ASSO

15

dont Retraites

3

dont ONDAM

3

Autres mesures

9

Total

42

Source : Annonces  et calcul Fondation iFRAP octobre 2024

Les économies annoncées représenteraient 42 milliards d’euros environ. Celles résultants des lettres plafonds envoyées par le précédent gouvernement Attal à l’été 2024 seraient conservées par l’actuel Gouvernement Barnier qui y ajouterait par amendement des mesures complémentaires de 5 milliards d’euros, pour un total de 20 milliards d’euros sur l’Etat.

D’après nos calculs, les ODAC (opérateurs de l’Etat) porteraient 2 milliards d’économie dont 1 milliard lié à un recentrage des dépenses d’apprentissage de France Compétence et 1 milliard supplémentaire liés à des gains d’efficiences liés à des fusions d’opérateurs de l’Etat (Atout-France et Business France ont été évoqués par le Premier ministre), ainsi que des ponctions sur la trésorerie excédentaire de certains opérateurs dont le CNC.

Sur le champ des collectivités locales, les annonces d’économies sont variables, entre 5-6 milliards d’euros pour les niveaux les plus bas et jusqu’à 7 milliards d’euros selon d’autres sources. Des baisses d’effectifs et une contractualisation avec les collectivités ou une ponction des ressources des collectivités à la main du Gouvernement seraient envisagées[2].

Enfin sur le champ des administrations de sécurité sociale (ASSO), près de 15 milliards d’économies seraient réalisés. Ils se répartissent pour le moment en 3 milliards d’économies liées au report de 6 mois (au 1er juillet) de la revalorisation des retraites en 2025, 3 milliards supplémentaires liés à une évolution de l’ONDAM (objectif national d’évolution des dépenses d’assurance maladie) de 2,8% contre 3,2% l’année précédente et sa sécurisation. Enfin 9 milliards qu’il s’agira de trouver ailleurs sur la sphère sociale. Les perspectives de l’UNEDIC rendant cependant difficile désormais une ponction majorée sur sa trésorerie. 

Détail des économies Montants (Md€)
Décalage de 6 mois de la revalorisation des retraites

3

Pacte avec les collectivités territoriales

7

Dépaysement des locaux administratifs hors Paris

0,1

Baisse des plafonds des ministères

15

Mesures complémentaires à introduire par amendement

5

Recentrage de l'apprentissage

2

Mesures complémentaires sur les ODAC

1

Maitrise de l'ONDAM à 2,8% contre 3,2% l'année précédente

3

Autres mesures sur la sphère sociale

6

Total

42,1

Source : Annonces gouvernementales et calculs Fondation iFRAP octobre 2024

Quelles économies relèvent de mesures d’économies par rapport au tendanciel des dépenses et quelles économies feront baisser les dépenses en volume ? On peut considérer que les 20 milliards de baisses de plafonds sur l’Etat de même que les 3 milliards réalisés sur l’ONDAM concourraient à compenser le tendanciel de la dépense. En revanche les économies sur les collectivités territoriales (5 milliards), les mesures relatives aux opérateurs (2 milliards) et les autres mesures sur la sphère sociales (8 milliards sur 9), participeraient à une baisse en volume de la dépense. 

S’agissant des mesures fiscales discrétionnaires, leur montant atteindrait 18 milliards dont 8 milliards relèverait d’une hausse temporaire (1 ou 2 ans) du taux d’IS de 25% à 33,3% pour les 300 entreprises réalisant un chiffre d’affaires égal ou supérieur à 1 milliard d’euros. S’y ajouterait une nouvelle taxe sur les énergéticiens pour 2 milliards de rendement. Serait introduite également une taxe sur les rachats d’action par les entreprises dont le rendement devrait être équivalent au 1% de son équivalent américain introduit par l’administration Biden. Son rendement est évalué à 300 millions d’euros environ. Par ailleurs sera introduit un impôt exceptionnel touchant les foyers fiscaux dont l’un des membres dispose de revenus égaux ou supérieur à 250.000 euros/an. Le gain attendu de cette mesure exceptionnelle serait de 2 milliards d’euros et ne concernerait que 65.000 personnes.

Des mesures diverses de relèvement de la fiscalité énergétique sur les transports devrait rapporter 1,5 milliard d’euros auxquels s’ajouteraient des réductions de baisses de charges pour les entreprises d’un montant de 4 milliards d’euros. 

Mesures en recettesMontants Md€
Remonter le taux de l'IS à 33,3% pour les entreprises >1 Md€ de CA

8

Nouvelle taxe sur les énergéticiens

2

Taxe sur les rachats d'action

0,3

Impôt exceptionnel sur le revenu touchant 0,3% des contribuables à 250.000 euros/par contribuable

2

Action sur les allègements de charge sur les entreprises

4

Mesures énergétiques diverses (transport)

1,5

Total

17,9

Source : Annonces gouvernementales et calculs Fondation iFRAP octobre 2024

Conclusion : une dépense publique qui continuerait d’augmenter de 2,1% en 2025

Il s’agit bien entendu d’un premier bilan provisoire qu’il faudra ensuite mettre à jour lorsque des éléments complémentaires seront fournis par les annexes budgétaires publiées courant de la semaine prochaine. Retenons cependant que deux taxes exceptionnelles seraient d’ores-et-déjà introduites pour une durée de 1 ou 2 ans (mais le provisoire en matière fiscale a souvent tendance à durer beaucoup plus qu’à l’accoutumée – voir les épisodes malheureux de la CEHR sur l’IR et de la cotisation de solidarité sur le montant de l’IS) pour des rendements très conséquents (près de 6 milliards d’euros). Souhaitons par ailleurs que la suppression de taxe au tonnage reste provisoire dans la mesure où le transport maritime, secteur particulièrement compétitif pourrait rapidement réduire la flotte battant drapeau français. 

Par ailleurs les 42 milliards d’euros d’économies affichées en dépenses, seraient consacrées principalement à 64% à juguler la hausse tendancielle des dépenses (27,1 milliards d’euros) et à minima à ramener le solde public en-deça de son niveau putatif de 2024 (36%) soit 15,2 milliards d’euros. Bien en 2025 la dépense publique continuerait d’augmenter en valeur par rapport à 2024, même si elle devrait baisser en volume. En effet, la dépense publique passerait de 56,8% en 2024 à 56,3% en 2025 soit une baisse en volume de 0,5 point de PIB. En valeur, la dépense augmenterait encore de 35,2 milliards d’euros entre 2024 et 2025, après une augmentation de près de 67,6 milliards d’euros entre 2023 et 2024. L’augmentation de la dépense publique en valeur serait donc divisée quasiment par deux (-47,9%)… mais elle continuerait de progresser, malgré le fort ralentissement de l’inflation anticipée (1,8% attendue pour 2025). 

 

2022

2023

2024

2025

Dépenses publiques totales y.c. C.I. en % du PIB

58,4

57,0

56,8

56,3

Evolution (en points)

-1,1

-1,4

-0,2

-0,5

Dépenses publiques y.c. C.I. en valeur (Md€)

1 550,7

1 609,9

1 677,5

1 712,7

Variation en Md€

59,3

59,1

67,6

35,2

Evolution (en %)

4,0%

3,8%

4,2%

2,1%

Sources : premiers chiffres disponibles, calculs Fondation iFRAP septembre 2024


[1] En effet, c’est cet agrégat qui permet de définir en recettes et en dépenses le solde public exprimé en comptabilité nationale (base 2020 désormais). 

[2] En lien avec la livraison du fascicule 2 des Finances publiques locales 2024, publié par la Cour, dont la seconde partie fait office de revue des dépenses locales.