40 milliards de dépenses publiques en plus en 2024...
La direction du budget a mis en ligne dans le cadre du débat d’orientation des finances publiques, un document préliminaire concernant les dépenses publiques et celles de l’Etat, le Plafond des dépenses du PLF 2024. Ce document est prévisionnel et n’engage pas le Gouvernement quant aux documents qui seront fournis en septembre 2023 s’agissant de la prévision budgétaire pour 2024 – des arbitrages pouvant intervenir durant l’été –. En particulier le plafond des dépenses de l’Etat comme son nom l’indique ne préjuge pas de l’évolution des recettes elles-mêmes, si bien qu’il n’est pas possible d’en déduire un solde budgétaire (pour l’Etat) ou public (toutes administrations confondues). Cependant, on peut relever un alignement global en comptabilité nationale par rapport aux données livrées par le Pstab 2023-2027, avec une augmentation de 40 milliards d’euros des dépenses publiques en valeur alors que l'on aurait dû s'attendre avec la baisse drastique des dépenses exceptionnelles de crises et de lutte contre l'inflation énergétique à une augmentation des dépenses beaucoup plus faible.
La déclinaison budgétaire sur le champ de l’Etat devrait dégager une baisse nette des crédits budgétaires et des taxes affectées de -3,4 milliards d’euros… Une performance gagée intégralement sur des baisses de dépenses exceptionnelles et de crise, mais qui pourrait être en partie effacée en case de hausse de la charge de la dette publique plus rapide qu’anticipé par le Gouvernement, ou d'une révision à la hausse de l'inflation entraînant également une hausse des dépenses publiques associées (notamment indexées) en septembre. Autre point noir, aucune évaluation des recettes publiques ou de l’Etat pour 2024 à ce stade, ce qui ne préjuge pas du solde budgétaire ni du solde public à venir et de sa bonne tenue par rapport au Pstab 2023-2027 notifié à la Commission européenne en mai.
Quelles prévisions pour les dépenses publiques en 2024 ? +40 milliards en valeur
S’agissant des dépenses publiques présentées en euros courants (et hors crédits d’impôts), leur niveau atteindrait 1.618 milliards d’euros en 2024, soit +40 milliards d’euros par rapport à l’exercice 2023 (1.578 milliards d’euros).
En Milliards d’euros courants | 2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 | 2023 | 2024 | 2024-2023 | En % |
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Dépenses publiques nettes des C.I. | 1 275,4 | 1 311,1 | 1 403,1 | 1 461,9 | 1 519,8 | 1 578,0 | 1 618,0 | 40,0 | 2,5% |
dont administrations publiques centrales | 495,9 | 508,7 | 571,4 | 596,7 | 622,4 | 644,0 | 642,0 | -2,0 | -0,3% |
dont administrations publiques locales | 259,5 | 272,1 | 269,1 | 281,1 | 295,3 | 310,0 | 319,0 | 9,0 | 2,9% |
dont administrations de sécurité sociale | 608,2 | 621,1 | 660,7 | 683,7 | 704,2 | 724,0 | 756,0 | 32,0 | 4,4% |
Flux inter-administration | -88,2 | -90,8 | -98,1 | -99,5 | -102,2 | -100,0 | -99,0 | 1,0 | -1,0% |
Source : Direction du Budget, juillet 2023, p.10/14. Précisons que la décomposition des dépenses par niveaux d’administration n’est pas nette de flux.
La dépense publique baisserait de 2 milliards d’euros en valeur au niveau des APUC (administrations publiques centrales), ce qui devrait résulter d’efforts budgétaires s’agissant de l’Etat (baisse notamment en volume des dépenses d’urgence, de soutien et de relance), mais aussi des opérateurs (baisses des dépenses par ponction sur les excédents de leur trésorerie, et révision des ITAF (impôts et taxes affectées).
En revanche le niveau de dépenses des collectivités territoriales augmenterait de 9 milliards d’euros en un an, tandis que les dépenses des administrations de sécurité sociale augmenteraient de 32 milliards d’euros.
Une évolution de la dépense publique nulle en volume en 2024 ?
Si l’on regarde maintenant l’évolution des dépenses en volume déflatées de l’indice des prix à la consommation hors tabac (dont la projection 2024 n’est pas livrée pour autant par le gouvernement), celles-ci pour l'IPCHT reprendraient quasiment le niveau d'IPC inscrit dans la prévision du programme de stabilité 2023-2027 soit +4,9% pour 2023 et +2,5% pour 2024. Le différentiel des indices de prix peut s'expliciter comme une réponse à la remarque du Haut Conseil des finances publiques estimant dans son avis 2023-6 selon lesquels "les prévisions d'inflation pour 2023 et 2024 paraissent un peu sous-estimées", optimisme que relève également le rapport de la Commission des finances sur le-dit programme de stabilité. En choisissant de ne retenir que l'IPCHT par nature moins élevé que l'IPC, la dépense publique semble mieux tenue. Mais une révision sensible à la hausse pourrait être effectuée en septembre lorsque les niveaux de dépenses publiques seront définitivement fixés.
La « maîtrise » des dépenses publiques en euros constants (en volume) hors crédits d’impôts et hors transferts[1] serait la suivante :
En Milliards euros constants | 2022 | 2023 | 2024 | 2024-2023 | 2025 | 2026 | 2027 |
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Dépenses publiques nettes des C.I. | 1 519,8 | 1 503,1 | 1 503,1 | 0,0 | 1 513,6 | 1 521,2 | 1 531,8 |
dont administrations publiques centrales | 547,0 | 539,9 | 524,8 | -15,1 |
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dont administrations publiques locales | 290,0 | 290,0 | 292,0 | 2,0 |
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dont administrations de sécurité sociale | 683,4 | 674,5 | 687,3 | 12,8 |
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Source : Direction du Budget, juillet 2023, p.10/14
La dépense publique hors crédits d’impôt et à champ constant (nette de flux) n’évoluerait pas en 2024 par rapport à 2023, soit 1.503,1 milliards d’euros constants. En revanche les administrations centrales verraient leurs dépenses baisser de 15,1 milliards d’euros constants, tandis que la dérive des dépenses locales serait contenue à +2 milliards d’euros constants et que les dépenses des ASSO augmenteraient de +12,8 milliards d’euros constants. Le différentiel de 0,3 point résulte des effets d’arrondis et ne peut pas être localisé à date. Encore une fois, ces évolutions sont conformes au programme de stabilité 2023-2027 à l'indice d'évolution des prix près. De deux choses l'une, soit l'IPC se révèle plus fort que l'IPCH actuel et les évolutions en volume seront encore meilleures en septembre si la dépense publique reste à ce niveau, soit la dépense publique totale est sous-évaluée et sera augmentée à due concurrence avec la prévision d'inflation définitive en septembre dans le cadre du RESF 2024, ne serait-ce qu'à cause de la part de dépense publique indexée sur l'inflation. Une perspective qui nous semble très probable.
Une dépense budgétaire nette qui baisserait de -3,4 milliards d’euros en 2024
Le document publié par la Direction du budget affiche une baisse de -4,2 milliards d’euros qui serait obtenue hors contributions au CAS pensions, hors charges de la dette et hors remboursements et dégrèvements. Le résultat affiché est donc pour le moment à prendre avec des pincettes. Il s’agit de la dépense brute (hors remboursements et dégrèvements d’impôts[2]) hors fonds de concours.
Si l’on tient cependant compte de l’ensemble des éléments disponibles, on trouve finalement une baisse des dépenses budgétaires de 3,4 milliards d’euros :
LFI 2023 | Plafond prévisionnel pour 2024 | Ecart 2024/ 2023 | |
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Crédits budgétaires - hors remboursement et dégrèvement et charge de la dette | 341,7 | 334,7 | -7 |
Dont crédits exceptionnels | 24,7 | 9 | -15,7 |
EDMD service de l'énergie et indemnité exceptionnelle carburant | 21,7 | 7,7 | -14 |
dont dispositifs exceptionnels envers les collectivités | 0,4 | 0,1 | -0,3 |
dont remboursement du plan de relance à la sécurité sociale | 1,9 | 0,9 | -1 |
dont Jeux olympiques | 0,3 | 0,1 | -0,2 |
dont activité partielle | 0,4 | 0,2 | -0,2 |
Crédits budgétaires hors crédits exceptionnels | 317 | 325,7 | 8,7 |
Taxe affectées (ITAF) | 19,1 | 21,3 | 2,2 |
Crédits budgétaires et taxes affectées hors R&D et service de la dette | 360,8 | 356 | -4,8 |
Charges de la dette | 57,4 | 57,7 | 0,3 |
Remboursements et dégrèvements | 131,6 | 134,1 | 2,5 |
Crédits budgétaires du BG + ITAF – nette (déduction faite des R&D) | 286,6 | 279,6 | -7 |
Budgets annexes | 2 | 2,1 | 0,1 |
Comptes spéciaux hors CAS pensions | 5,7 | 5,8 | 0,2 |
CAS pensions | 63 | 66,1 | 3,1 |
Prélèvements sur recettes et retraitement des flux internes | 64,6 | 64,9 | 0,3 |
dont PSR-CT | 45,6 | 44,6 | -1,0 |
dont PSR-UE | 25 | 26,3 | 1,3 |
dont retraitement des flux internes | -6 | -6 | 0 |
Total des crédits budgétaires nets BG+BA+CS+PSR+ITAF | 421,9 | 418,5 | -3,4 |
Source : Direction du Budget, juillet 2023, retraitement Fondation iFRAP juillet 2023.
Les crédits budgétaires hors dépenses exceptionnelles augmenteraient de 8,7 milliards d’euros en PLF 2024 par rapport à la LFI 2023 hors CAS pensions. Cette hausse serait compensée par une baisse des dépenses exceptionnelles de -15,7 milliards d’euros, et principalement à cause de la mise en extinction des mesures de compensation du prix de l’énergie. Le solde ressortirait à -7 milliards d’euros, à cause de l’augmentation du montant des taxes affectées (comptabilisées dans les dépenses).
Selon les prévisions budgétaires, la charge de la dette augmenterait de 0,3 milliards d’euros entre 2023 et 2024 (57,7 milliards d’euros), l’effet indexation sur l’inflation étant compensée par la montée en puissance de l’effet taux d’intérêts. Les remboursements et dégrèvements qui viennent minorer les dépenses améliorerait la variation des crédits et ITAF de -2,8 milliards d’euros. Le CAS pensions atteindrait pour 2024 66,1 milliards d’euros soit +3,1 milliards d’euros par rapport à la LFI 2023. Enfin le PSR-CT (prélèvement sur recette en faveur des collectivités territoriales) baisserait de 1 milliard d’euros tandis que le PSR-UE (en faveur de l’Union européenne), augmenterait de 1,3 milliards. Il en ressortirait une variation des dépenses budgétaires nettes et ITAF de -3,4 milliards d’euros entre LFI 2023 et PLF 2024.
Un point d’attention doit être réservé à l’estimation de la charge de la dette portée par l’Etat. En effet, celle-ci n’augmenterait que de 0,3 milliard d’euros en 2024 par rapport à la LFI 2023. Si ce montant devait s’apprécier fortement d’ici septembre, l’ensemble des économies affichées sur le budget de l’Etat pourrait être largement effacé, ce qui réduirait de beaucoup l’effet de la baisse des dépenses exceptionnelles qui servent de gage à l’augmentation des dépenses courantes de l’Etat.
Quels ministères sont source d’économie ou de dépenses supplémentaires
Tous les ministères n’ont pas réussi à négocier leurs budgets avec une augmentation nette de leurs crédits. La plupart de ceux qui en sortent par le haut sont ceux qui bénéficient de lois de programmations sectorielles ad hoc. Pour les autres, soit des économies sont mises en place, soit les dépenses exceptionnelles de crise baissent davantage que l’augmentation des crédits courants.
On constate que l’enseignement scolaire sort « grand gagnant » des arbitrages budgétaires porté notamment par l’envolée des revalorisations salariales et des mesures indemnitaires spécifiques pour rendre la carrière enseignante plus attractive. Son budget ressort à +3,9 milliards d’euros hors CAS pensions. Ce ministère est suivi par celui de la Défense (+3,3 milliards) dans le cadre de la loi de programmation militaire, puis la mission d’investissement France 2030 (+1,6 milliard), la cohésion des territoires (dont la politique de la ville), +1,5 milliard, ainsi que les missions de solidarité et égalité des chances (+1,4 milliard, notamment via les dépenses de guichet et la recentralisation du RSA dans certains départements particuliers), +1 milliard pour le Ministère de l’enseignement supérieur et la recherche (à cause de la loi de programmation sectorielle), suivi par l’Agriculture (+0,9 milliard) et ensuite les missions sécurité et Justice (+0,5 milliard chacun), là encore à cause de la LOPMI et de la Loi de programmation du ministère de la justice.
Les plus grands contributeurs, sont l’Ecologie et développement durable porté par la baisse des mesures de soutien du prix de l’énergie (-12,8 milliards d’euros), suivi par le ministère de l’Economie (mesures d’accompagnement des entreprises (guichets etc.), soit -3,6 milliards, suivi du Plan de relance (-3 milliards), la Santé (à cause de la fin des dépenses exceptionnelles de santé liées à la pandémie) soit -1,1 milliards, et le travail et emploi (avec la baisse du chômage partiel) etc…
[1] Tout en ne livrant pas le détail des dépenses des administrations par niveau nets de flux, ce que l’INSEE ne produira qu’à compter de décembre 2023…
[2] Qui en comptabilité budgétaire viennent impacter non seulement les recettes, mais également les dépenses permettant de dégager un solde budgétaire « net ».