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110,7% du PIB : nette hausse de la dette publique au 1er trimestre 2024

L’INSEE vient de publier le 28 juin dernier son estimation de la dette publique à la fin du 1er trimestre 2024 et celle-ci apparaît en nette hausse par rapport au trimestre précédent soit +0,8 point de PIB en trois mois, correspondant à une hausse en valeur de +58,3 milliards d’euros à 3.159,7 milliards d’euros. Cependant si la dette trimestrielle est présentée par niveau d’administration (sur une base conventionnelle discutable et discutée à cause d’un phénomène de centralisation des déficits désormais bien documenté au niveau de l’Etat) ou par instrument, l’INSEE ne conjugue pas les deux approches alors même qu’il donne certains éclairages sur ce point sans support ad hoc. Heureusement, dans les comptes nationaux annuels donc arrêtés à la fin du T4 de l’année n-1, cette ventilation existe. 

Décomposition de la dette publique et de son évolution trimestrielle par instrument et par niveau

La dette trimestrielle est fournie selon deux répartitions différentes : en fonction des niveaux d’administration et en fonction des instruments de crédit constitutifs de la dette brute. La dette au sens de Maastricht étant évaluée à sa valeur faciale, « c’est-à-dire à sa valeur de remboursement (…) [elle intègre donc (ndlr)] la réévaluation de la valeur de remboursement des obligations indexées sur l’inflation (OATi, BTANi et Cadesi) comptabilisée chaque trimestre.[1] » Ainsi, ni les fluctuations des cours des titres, ni les intérêts courus non échus ne sont pris en compte dans l’évaluation des instruments, pas plus que les produits financiers dérivés ni « les autres comptes à payer. »

Pris sur longue période la situation trimestrielle de l’endettement public entre le T4 1995 et le T1 2024 se présente comme suit, avec un point haut atteint en volume au T1 2021 avec 117,7% du PIB :

Si l’on réduit la focale pour se concentrer sur les derniers trimestres, la représentation graphique est la suivante :

Les variations trimestrielles sont les suivantes :

 

2023T4

2024T1

Variations en Mds €

Variations en %

Ensemble des administrations publiques

3 101,4

3 159,7

58,3

1,9%

En point de PIB (*)

109,9%

110,7%

0,8%

 
dont     Etat

2 513,7

2 558,1

44,4

1,8%

           Organismes divers d'adm. centrale

73,7

73,9

0,2

0,3%

           Administrations publiques locales

250,4

251,2

0,8

0,3%

           Administrations de sécurité sociale

263,7

276,6

12,9

4,9%

Source : INSEE, juin 2024, retraitement Fondation iFRAP juillet 2024

D’un point de vu global, l’ensemble des administrations publiques voient leur dette augmenter de 0,8 point de PIB, passant de 109,9% à 110,7%, soit une augmentation en valeur de 1,9% de +58,3 milliards d’euros.

L’Etat centralise artificiellement la majeure partie de la dette (en contrepartie des déficits centralisés), soit 81,1% au T4 2023, même si cette proportion baisse de 0,1 point au T1 2024.

 

2023T4

Répartition T4 2023 en % du total

2024T1

Répartition T1 2024 en % du total

Variations de la répartition (T-T-1)

Ensemble des administrations publiques

3 101,4

100,0

3 159,7

100,0

0,0

En point de PIB (*)

109,9%

 

110,7%

 

 

dont     Etat

2 513,7

81,1

2 558,1

81,0

-0,1

           Organismes divers d'adm. centrale

73,7

2,4

73,9

2,3

0,0

           Administrations publiques locales

250,4

8,1

251,2

7,9

-0,1

           Administrations de sécurité sociale

263,7

8,5

276,6

8,8

0,3

Source : INSEE, juin 2024.retraitement Fondation iFRAP, juillet 2024

Globalement les ODAC restent stable (+0,2 milliards d’euros), tandis que les administrations publiques locales se désendettent en volume symétriquement (-0,1 point) mais pas en valeur (+0,8 milliard d’euros). Enfin les administrations de sécurité sociale voient leur endettement augmenter significativement de +0,3 point en proportion dans l’endettement global, conséquence d’une vive croissance de leur dette de +12,9 milliards d’euros de trimestre à trimestre.

S’agissant maintenant de la présentation par instruments, on constate tout d’abord que tant les dépôts que les crédits bancaires à long terme sont en replis de respectivement -3,8 milliards et -2,8 milliards de trimestre à trimestre. En revanche, la croissance de la dette publique (+58,3 milliards d’euros) est portée par l’augmentation globale du compartiment obligataire (+59,7 milliards d’euros) dont une hausse significative des titres à court terme (+10,3%) soit +21,5 milliards d’euros. 

 

2023T4

2024T1

Variations en Md €

Variation en %

Ensemble

3 101,4

3 159,7

58,3

1,9%

Dépôts

42,1

38,8

-3,3

-7,8%

Titres autres qu'actions et participations 

2 759,7

2 819,3

59,7

2,2%

     dont titres de court terme

209,0

230,5

21,5

10,3%

     dont titres de long terme

2 550,7

2 588,9

38,2

1,5%

Crédits

299,7

301,6

1,9

0,6%

     dont crédits à court terme

11,0

15,7

4,7

43,1%

     dont crédits à long terme

288,7

285,8

-2,8

-1,0%

Source : INSEE, juin 2024.retraitement Fondation iFRAP, juillet 2024

Explications détaillées par niveau d’administration et par instruments

S’agissant de l’Etat, tout d’abord, celui-ci ne dispose pas d’encours de crédits à court-terme, en revanche comme le relève l’INSEE « la contribution de l’Etat à la dette publique augmente de 44,4 milliards d’euros ». L’encours de titres négociables de 48,1 milliards d’euros répartis entre titres à long terme (+35,2 milliards) et titres à court terme (+12,9 milliards d’euros). Les titres à court terme rebondissent très fortement (+7,6%) sur 1 trimestre, ce qui compense la stabilité de sa trésorerie constituée par les dépôts au Trésor (+1,7%) à 42,8 milliards d’euros. 

S13111 - État

T4 2023

T1 2024

Var T4-T1

Var T4-T1 en%

AF22+AF29 Dépôts

42,1

42,8

0,7

1,7

AF3 Titres de créance

2 418,4

2 466,5

48,1

2,0

   dont AF31 Titres à court terme

169,1

182,0

12,9

7,6

   dont AF32 Titres à long terme

2 249,2

2 284,4

35,2

1,6

AF41 Crédits à court-terme

0,0

0,0

0,0

 

AF42 Crédits à long-terme

53,2

48,8

-4,4

-8,4

Contribution à la dette totale

2 513,7

2 558,1

44,4

1,8

Source : INSEE, mai et juin 2024. calculs Fondation iFRAP, juillet 2024

Au niveau des ODAC (organismes d’administration centrale), qui correspondent aux établissements publics de l’Etat en comptabilité nationale, leur dette est « stable » d’après l’INSEE avec +0,2 milliard d’euros au 1er trimestre 2024 par rapport à la fin du T4 2023.

 

S13112 - Organismes divers d'administration centrale

T4 2023

T1 2024

Var T4-T1

Var T4-T1 en%

AF22+AF29 Dépôts

0,0

-4,0

-4,0

 

AF3 Titres de créance

50,9

46,8

-4,1

-8,0

   dont AF31 Titres à court terme

0,2

0,3

0,1

26,0

   dont AF32 Titres à long terme

50,7

46,7

-4,1

-7,9

AF41 Crédits à court-terme

3,7

3,9

0,2

5,4

AF42 Crédits à long-terme

19,1

26,9

7,8

40,8

Contribution à la dette totale

73,7

73,9

0,2

0,3

Source : INSEE, mai et juin 2024. calculs Fondation iFRAP, juillet 2024

En revanche on constate une situation de trésorerie négative de -4 milliards par rapport au trimestre précédent, ainsi qu’une baisse des titres de créances à long terme (-4,1 milliards d’euros). Les crédits bancaires à long-terme augmenteraient de +7,8 milliards soit une croissance de 40,8% par rapport au T4 2023. D’où l’apparente faiblesse de la contribution des ODAC à l’endettement général à raison des mouvements en sens contraire entre titres de créances et dépôts (à la baisse) et créances bancaires. 

Les administrations publiques locales (collectivités et ODAL – organismes divers d’administration locale – ) présentent des dépôts nuls comme les administrations de sécurité sociale (et sauf situation atypique, les ODAC) en raison de l’application de centralisation des fonds au Trésor en vertu du principe d’unité de Trésorerie (toutes les administrations hors l’Etat ont l’obligation de mettre en dépôt leur trésorerie sur un sous compte du compte du Trésor), ce qui est parfaitement normal sur le plan comptable et budgétaire.

S1313 - Administrations publiques locales

T4 2023

T1 2024

Var T4-T1

Var T4-T1 en%

AF22+AF29 Dépôts

0,0

0,0

0,0

 

AF3 Titres de créance

59,7

62,8

3,1

5,2

   dont AF31 Titres à court terme

1,1

1,5

0,4

36,4

   dont AF32 Titres à long terme

58,6

61,3

2,7

4,6

AF41 Crédits à court-terme

2,1

3,1

1,0

47,6

AF42 Crédits à long-terme

188,6

185,2

-3,4

-1,8

Contribution à la dette totale

250,4

251,2

0,8

0,3

Source : INSEE, mai et juin 2024. calculs Fondation iFRAP, juillet 2024

En revanche nous indique l’INSEE, si la dette publique locale augmente peu (+0,8 milliard d’euros de T-T), et « cette augmentation est portée par les ODAL (+1,7 milliards d’euros) », ce qui veut dire que les collectivités territoriales se désendettent pour un montant symétrique -0,9 milliards d’euros). Ces chiffres sont cependant trop fins pour être appréhendés dans notre tableau. Cette augmentation sous-jacente résulterait plus particulièrement d’Ile-de-France Mobilités (+0,8 milliard d’euros) et de la Société des Grands Projets (ex-société du Grand Paris, pour +1 milliard d’euros[2]) dont le statut à été élargi par la loi SERM services express régionaux métropolitains du 27 décembre 2023. Ces opérations conduisent à une augmentation des titres de créances à court et long terme pour 3,1 milliards d’euros ainsi que de crédits bancaires à court terme (+1 milliard d’euros) tandis que les crédits bancaires à long terme (dont les conditions de financement sont renchéries significativement par la normalisation des taux de la BCE) seraient en repli de -3,4 milliards d’euros. 

La dette des administrations de sécurité sociale augmenterait quant à elle significativement soit +12,9 milliards d’euros sur 1 trimestre. Cette hausse étant portée intégralement par l’URSSAF Caisse Nationale (anciennement ACOSS). Or dans la mesure où sa dette est essentiellement composée de titres à court termes, ces derniers augmentent de +8,1 milliards d’euros, tout comme les titres de long terme (+4,3 milliards) et les crédits bancaires à court-terme (+3,5 milliards d’euros). En revanche les crédits bancaires à long-terme seraient en replis de -2,8 milliards d’euros. 

S1314 - Administrations de sécurité sociale

T4 2023

T1 2024

Var T4-T1

Var T4-T1 en%

AF22+AF29 Dépôts

0,0

0,0

0,0

 

AF3 Titres de créance

230,8

243,2

12,4

5,4

   dont AF31 Titres à court terme

38,6

46,7

8,1

21,0

   dont AF32 Titres à long terme

192,2

196,5

4,3

2,2

AF41 Crédits à court-terme

5,2

8,7

3,5

67,7

AF42 Crédits à long-terme

27,8

25,0

-2,8

-10,1

Contribution à la dette totale

263,7

276,6

12,9

4,9

Source : INSEE, mai et juin 2024. calculs Fondation iFRAP, juillet 2024


[1] Consulter, INSEE, Dette trimestrielle de Maastricht des administrations publiques – la méthode en bref, dernière MAJ, 25/03/2016. On doit donc y ajouter également les OAT€i. 

[2] Le changement de nom de la structure provient du fait que par une proposition de loi adoptée en mai 2023, la SGP a vu ses prérogatives élargies à toute la France, voir https://www.lefigaro.fr/flash-eco/la-societe-du-grand-paris-devrait-devenir-societe-des-grands-projets-20230531, afin de mettre sur pieds les Express métropolitains voulus pour le Président de la République Emmanuel Macron. Comme cette structure se finance essentiellement par endettement, il s’agit d’une source de futur endettement à surveiller.