Comment la transition énergétique en Europe fait les affaires de la Chine
La présentation par le gouvernement du projet de loi souveraineté énergétique a été reportée, avec pour motif officiel la nécessité de mener une ultime consultation annoncée par le Premier ministre. Le gouvernement semble vouloir attendre plutôt que de cranter dans sa programmation pluriannuelle de l’énergie des objectifs d’énergies renouvelables irréalistes. Une prudence d’autant plus fondée que la France (ni l’Europe) n’a pas la main sur les principales filières de production d’énergies renouvelables. En effet, la Chine contrôle 80 % des processus industriels du photovoltaïque dans le monde et 85% de la capacité de production des batteries lithium-ion. Et sur les 15 premiers fabricants mondiaux de turbines éoliennes, 10 sont chinois !
Solaire
C’est particulièrement vrai pour les panneaux photovoltaïques. La stratégie nationale bas carbone soumise à consultation publique fin 2023 prévoit 65 à 90 GWe de solaire en France alors que la puissance installée n’est que de 15 GWe aujourd’hui. Or dans ce domaine, la Chine a pris le contrôle de la production mondiale. Depuis que l’accès au marché américain leur est fermé, les panneaux solaires chinois envahissent l’Europe, faisant s’effondrer les prix. La Chine domine largement l’industrie du photovoltaïque et les objectifs très ambitieux fixés par la Commission européenne fait de l’Europe son principal client.
Selon le site Révolution énergétique, L’Europe satisfait seulement 3% de sa demande en panneaux solaires tandis que la Chine maîtrise l’ensemble de la chaîne de production, de l’extraction et la transformation des matières premières, la fabrication des lingots, « wafers », cellules et panneaux. Selon un récent rapport de l’Agence internationale de l’énergie (IEA) cité par le média en ligne, la Chine contrôle 80 % des processus industriels du photovoltaïque dans le monde. Près de 75 % des modules photovoltaïques y sont fabriqués. Le pays représente aussi 80 % des extractions de silicium et plus de 90 % des « wafers ». Un panneau sur 7 produit dans le monde provient d’une seule usine chinoise, affirme l’IEA. « Le monde dépendra presque entièrement de la Chine pour l’approvisionnement en composants clés pour la production de panneaux solaires jusqu’en 2025. Sur la base de la capacité de fabrication, la part de la Chine dans la production mondiale de silicium, de lingots et de wafers atteindra bientôt près de 95 %. » estime même l’organisation.
Source : IEA
Conséquence de cette polarisation du marché du photovoltaïque, les acteurs européens du photovoltaïque ont du mal à tenir. L’entreprise suisse Meyer Burger a récemment déclaré envisager la fermeture de son usine en Allemagne, l’une des plus importantes en Europe, justifiant sa décision par les difficultés à rivaliser avec la concurrence chinoise à bas prix.
Batteries
Le photovoltaïque n’est pas le seul secteur menacé : selon un autre rapport récent de l’IAE, La fabrication de batteries est aujourd’hui fortement concentrée en Chine, où se situe près de 80 % de la capacité mondiale. Toutefois l’IAE estime que cette part pourrait refluer à 66% compte tenu des projets d’implantation d’usines de batteries aux Etats-Unis et en Europe. Bien que la France ait de grandes ambitions en la matière elle est loin de faire la course en tête.
Surtout, l’IAE rappelle que les composants de base d’une batterie lithium-ion restent toujours majoritairement fabriqués en Chine qui représente actuellement plus de 85% de la capacité de production. La part de la Chine dans la capacité de fabrication de cathodes, d’anodes et d’électrolytes en 2030 devrait être égale ou égale à supérieur à 90 %.
Eolien
Dans ce domaine, aussi la Chine marque des points tandis que les fabricants européens sont dans la tempête. Ce secteur a été confronté, comme tous les modes de production, à la hausse des taux d’intérêt et à l’inflation entraînant une hausse du coût unitaire des éoliennes. D'abord à cause de l'envolée des taux d'intérêt : dans l'éolien terrestre, le coût de l'emprunt représente aujourd'hui « 8-10 euros/MWh sur un prix de 60-65 euros ! », soulignait fin septembre Michel Gioria, de France Renouvelables cité par le quotidien économique La Tribune. La hausse des prix de l’acier, du béton ou du cuivre fait aussi grimper les prix.
Des conditions financières qui ont poussé des constructeurs européens comme Orsted, Iberdrola ou Vattenfall à renoncer à des projets aux États-Unis ou au Royaume-Uni, acquittant même des montants élevés de pénalités pour leur rétractation. Les difficultés du secteur font douter du réalisme des objectifs gigantesques fixés par la Commission européenne. Résultat, selon les chiffres de Research and Markets, de janvier à octobre 2022, la Chine a exporté 66 400 turbines d’éoliennes dans le monde, une progression de 89% par rapport à la même période de 2021 ! Le pays était également responsable de la moitié des ajouts annuels de capacité mondiale de production d’éoliennes off shore en 2022. Les principaux importateurs d’éoliennes chinoises ont été les États-Unis, la Belgique, la Pologne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l’Australie, l’Allemagne, le Canada et la Hongrie.
Comme pour le photovoltaïque, les objectifs fixés en matière d’éolien en Europe devraient contribuer à l’accélération des acteurs chinois. Selon l’Usine nouvelle, les commandes d’éoliennes au premier semestre 2023 ont représenté 40,5 milliards de dollars, (source Wood Mackenzie). Avec en tête, Envision basé à Shanghai (9,7 GW de commandes). Le groupe est aussi présent en France pour le développement d’une gigafactory de batteries à Douai (Nord). Le second acteur est Windey (8,7 GW), une entreprise publique chinoise. L’entreprise Siemens Gamesa Renewable Energy est 3e.
Selon Les Echos, si les groupes chinois se développent autant c’est grâce à leur immense marché national qui s’est développé sous l’injonction du pouvoir chinois souhaitant à la fois développer l’éolien et s’appuyer sur des composants nationaux. Une politique de subventions et d’avantages fiscaux a soutenu la concurrence, au point que, sur les 15 premiers fabricants mondiaux de turbines éoliennes, dix sont chinois (GoldWind, Envision, Mingyang, etc.)
Pour sauver le secteur, l’association européenne du solaire SolarPower Europe préconise d’accélérer l’adoption du Net Zero Industry Act et d’introduire dans les appels d’offres des critères « hors prix » permettant de privilégier des panneaux solaires produits au sein de l’Union européenne. Mais les constructeurs chinois ont pris de l’avance en créant de nouvelles usines en Europe directement. C’est particulièrement vrai dans le domaine des batteries.
Comme dans d’autres secteurs (automobile), la France et l'UE doivent reconnaître qu'elles ne disposent pas des armes nécessaires à leurs ambitions renouvelables, sauf à subventionner massivement ces filières, au risque alors de faire grimper la facture d'électricité. Un constat qui incite à s’appuyer sur les filières dont l’Europe (et la France) maîtrise la technologie comme le nucléaire et qui devrait inciter l’Europe à favoriser l’innovation dans les technologies qui sont en cours de conception pour que notre continent garde une longueur d’avance.