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Grand sondage Odoxa pour la Fondation IFRAP : Les Français, les finances publiques et les réformes

Un sondage menée par Odoxa pour la Fondation IFRAP révèle un changement radical d'attitude face aux finances publiques, balayant l'idée reçue d'une population inconsciente et hostile aux réformes. La situation de la dette et des déficits préoccupe désormais plus des trois quarts des Français (77%)... soit une hausse de 13 points en un an. Cette préoccupation fait consensus, aussi bien sur le plan social que sur le plan politique : 80% des cadres et 70% des ouvriers se disent préoccupés, ainsi que 86% des sympathisants de droite... et 67% de ceux de gauche.
Il faut dire que, sur l'échantillon de plus de mille personnes interrogées les 3 et 4 septembre 2025, plus de 6 Français sur 10 pensent que notre dette publique fait de la France « un pays proche de la faillite » (60%), qui va bientôt se voir imposer une mise sous tutelle du FMI comme la Grèce ou le Portugal il y a quelques années (63%).
Dès lors, plutôt que de voir augmenter leurs impôts, plus de 8 Français sur 10 (82%) souhaitent une baisse des dépenses publiques. Et ils sont prêts à de nombreux efforts pour y parvenir.

Les Français favorables à la réduction du nombre de fonctionnaires


Près des deux tiers des Français (63%) sont favorables à la diminution du nombre de fonctionnaires en ne remplaçant pas une partie des départs à la retraite.
Cette option rencontre un large consensus dans le pays : si 67% des salariés du privé sont « pour », une courte majorité de 51% de ceux du public l’est aussi. Le seul clivage qui demeure est politique : les sympathisants de gauche étant les seuls à être une petite majorité à y demeurer opposés (54%), alors que 76% des sympathisants de droite, 80% de ceux de Renaissance et 71% de ceux du RN y sont favorables.
Dans le détail, les Français soutiennent aussi très majoritairement « la fin de l’emploi à vie pour les nouveaux agents » (69%), « la mise en place d’une prime de présentéisme à la place des primes existantes visant à limiter l’absentéisme » (66%), ainsi que « la mise en place d’une rémunération au mérite dans la fonction publique » (63%).
Cette fois, l’adhésion est encore plus massive : ainsi, la fin de l’emploi à vie pour les nouveaux agents est approuvée par 73% des salariés du privé, 75% des retraités et même 53% des sympathisants de gauche. Même s’ils sont logiquement moins enthousiastes que les salariés du privé, les principaux concernés sont désormais, eux aussi, une majorité à y être favorables : 53% des salariés du secteur public sont pour la fin de l’emploi à vie pour les nouveaux agents !
 

Réduire les normes, trancher dans le « mille-feuille » territorial et décentraliser davantage


Plus des trois quarts des Français estiment aussi que les « normes » sont trop nombreuses dans notre pays (78%) et qu’elles « pénalisent l’activité économique » (77%) ; et autant (74%) veulent que l’on tranche dans le « mille-feuille » territorial, estimant « qu’il faudrait supprimer des collectivités territoriales car il y en a trop », selon eux.
Enfin, les Français sont prêts à ce que l’on décentralise certaines compétences relevant aujourd’hui de l’État, comme la culture, la santé ou même l’éducation, et souhaitent les transférer aux collectivités locales. Si nul ne souhaite majoritairement que ces trois compétences soient toutes délocalisées, 55% des Français se disent favorables à ce qu’au moins l’une d’elles le soit.
 

Des économies sur les aides sociales et le chômage


Les deux tiers des Français (66%) seraient favorables à une extension de la dégressivité des droits au chômage, en étendant cette mesure à tous les allocataires de l’assurance-chômage (et pas seulement aux cadres).
Dans le même esprit, plus des trois quarts des Français (77%) sont aussi favorables à la mise en place d’un plafond pour l’ensemble des aides sociales existantes (RSA, allocations logement, prime de rentrée, etc.). Un étonnant consensus politique existe même dans l’opinion à ce sujet : 89% des sympathisants de droite, mais aussi 58% des sympathisants de gauche y seraient favorables.
En outre, le plafond qu’ils considèrent approprié pour ces aides sociales est assez bas : près des trois quarts (72%) de ceux qui veulent un plafonnement des aides le situent à moins de 1500 € par mois et par foyer. Rapporté à l’ensemble de la population (en réintégrant les opposants à ce plafonnement), cela signifie que 55% des Français à la fois veulent un plafond et le situent à moins de 1 500 € par mois.
Autre signal fort : 61% des Français pensent qu’il faudrait soumettre les minima sociaux à l’impôt sur le revenu, exactement comme on le fait pour les salaires.

les Français prêts à des efforts sur la santé


57% des Français approuvent une extension de la franchise médicale pour les transports sanitaires, afin qu’elle concerne aussi les patients qui les utilisent très régulièrement (et qui en sont actuellement exemptés). Fait rare : les plus de 65 ans – les plus souvent concernés par cette exemption – sont ceux qui sont les plus favorables à cette extension (66%). Une (courte) majorité de Français (52% vs 47%) se dit même favorable à ce que les bénéficiaires de l’AME ou de la CSS aient désormais à avancer leurs frais de santé, au lieu de bénéficier
du tiers-payant. Mais cette idée divise davantage l’opinion (la gauche est contre).
Par ailleurs, les Français sont encore plus favorables à une autre mesure restrictive sur l’attribution de ces aides : 77% souhaiteraient qu’elles soient désormais réservées aux personnes résidant en France depuis plus de 5 ans. Cette mesure séduirait non seulement la quasi-totalité des sympathisants du RN et de la droite, mais aussi une majorité de sympathisants de gauche : 91% des sympathisants de droite et 60% de ceux de gauche (dont 52% des LFI) soutiennent une telle mesure.
 

Remplacer les professionnels de la politique par des entrepreneurs 

Encore plus audacieux dans leur volonté réformatrice, les Français remplaceraient bien les habituels professionnels de la politique par des entrepreneurs.
Largement déçus par les professionnels de la politique -et en particulier en matière de gestion des finances publiques- 72% des Français souhaiteraient désormais que l’on fasse confiance à « un gouvernement composé d’entrepreneurs et de dirigeants ayant fait leurs preuves dans le monde de l’entreprise ». Cette idée séduit les CSP+ (69%) et davantage encore les CSP- (76%)... pas de « patron-bashing » donc chez les ouvriers et les employés.

Un tabou demeure : l'âge de départ à la retraite

En revanche, toucher à l’âge de départ à la retraite demeure tabou. Les Français préfèrent encore payer plus d’impôts ou de cotisations sociales !
L’IFRAP a testé ici l’hypothèse d’un recul à 66 ans, comparée à une hausse de 150 à 250 € par an en impôts ou cotisations sociales. Et, alors même qu’ils estiment déjà payer trop d’impôts et de taxes, 61% des Français préfèrent cette hausse fiscale à un report de l’âge légal de départ à la retraite.
Une seule catégorie de la population ferait le choix inverse... les retraités. Politiquement, le sujet divise tout de même. Les sympathisants de droite modérée sont, de justesse, favorables au report (55%), tandis que la gauche y est fermement opposée : 76% préfèrent l’augmentation des prélèvements. Au Rassemblement national, la préférence va également à cette solution (64%).
Toutes les enquêtes d’opinion montrent combien ce sujet reste sensible : la retraite est perçue comme un droit acquis, non négociable, et l’idée de devoir travailler plus longtemps suscite d’autant plus de rejet que les Français doutent fortement de l’efficacité des réformes proposées. Ils ne croient pas qu’un nouveau report garantirait la pérennité du système, et ils ne font pas confiance à leurs responsables politiques pour en assurer l’équité.

Les Français, les finances publiques et les réformes