Droits de douane Union européenne / États-Unis : les niveaux de taxations à la loupe

Depuis 2018, les relations commerciales entre l’Union européenne (UE) et les États-Unis sont marquées par une guerre commerciale centrée sur les droits de douane, notamment sur l’acier, l’aluminium, et les véhicules. Le déficit commercial est de 532 milliards € en 2024 au détriment des États-Unis. Cette note retrace les différentes étapes du niveau de taxation droits de douanes + taxes (TVA en Europe / sales tax aux Etats-Unis) en 2018, 2023 et 2025 par types de produits. Force est de conster que les USA taxaient plutôt moins les produits importés d’Europe en 2023, avant l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, et que la tendance est en train de s’inverser depuis 2025 sauf en ce qui concerne les produits américains ciblés par la riposte Européenne. A ce stade, refusant de rentrer dans la surenchère, les Britanniques ont réuni à mieux négocier que l’Union européenne.
Chronologie des tensions commerciales
2018 : Les premières salves
En mars 2018, les États-Unis, sous l’administration Trump, imposent des droits de douane de 25 % sur l’acier et 10 % sur l’aluminium importés de l’UE, invoquant la Section 232 du Trade Expansion Act de 1962 pour des raisons de sécurité nationale. Ces mesures affectent environ 6,4 milliards € d’exportations européennes. En réponse, dès juin 2018, l’UE impose des droits de rétorsion sur 2,8 milliards € de produits américains (motos Harley-Davidson, bourbon, jeans) à des taux de 10 % à 25 %, conformément au règlement UE 654/2014. Ces contre-mesures ciblent des produits politiquement significatifs, souvent issus d’États républicains, pour maximiser la pression politique.
2020 : Extension des mesures
En janvier 2020, les États-Unis élargissent les droits à des produits dérivés en acier et aluminium (pare-chocs, carrosseries pour véhicules et tracteurs agricoles), avec des taux de 25 % pour l’acier et 10 % pour l’aluminium, effectifs dès le 8 février 2020 (40 millions € d’exportations européennes). L’UE réagit en mai 2020 avec des droits de 20 % et 7 % sur des produits américains (règlement UE 2020/502), compensant un préjudice de 19 millions €. Une seconde vague de droits de 4,4 % prévue pour juin 2021 est suspendue après des négociations avec l’administration Biden.
2021-2024 : Une trêve fragile
En 2021, l’administration Biden négocie une trêve : les droits américains sur l’acier et l’aluminium sont remplacés par des quotas, et les contre-mesures européennes sont suspendues jusqu’au 31 mars 2025. Cette période vise à apaiser les tensions, malgré un déficit commercial américain avec l’UE (532 milliards € d’exportations européennes vs 425 milliards € d’importations en 2024).
2025 : Reprise des hostilités
En février 2025, l’administration Trump réintroduit des droits de 25 % sur l’acier et l’aluminium, supprimant les exemptions. En mars 2025, ces droits passent à 50 %, affectant 26 milliards € d’exportations européennes. L’UE répond en avril 2025 avec des droits de 10 % à 25 % sur 21 milliards € de produits américains (annexe I : tabac, motos, volaille), suspendus jusqu’en août 2025 pour négocier.
En avril 2025, les États-Unis imposent :
- Un tarif réciproque de 10 % sur presque toutes les importations.
- Des droits de 25 % sur les véhicules et pièces détachées automobiles.
- Des droits de 10 % sur les produits dérivés en acier/aluminium (parties des chapitres 73/76 à 50 %).
En juin 2025, les droits sur l’acier et l’aluminium passent à 50 % (sauf Royaume-Uni, 25 %). À partir du 1er août 2025, une surtaxe de 30 % s’applique à toutes les importations européennes.
L’UE contre-attaque avec des droits de 25 % sur les annexes II, III, et IV (produits agricoles, textiles, appareils ménagers, yachts, ouvrages en fonte, fer et acier) dès mai et décembre 2025, en réponse à un préjudice de 4,5 milliards € (acier/aluminium) et 215 millions € (aluminium). Les spiritueux (bourbon) sont exclus pour éviter une escalade et risquer des représailles sur les vins et spiritueux européens.
Les griefs des États-Unis contre l’UE
L’administration Trump reproche à l’Union européenne :
Un déficit commercial de 532 milliards € d’exportations européennes en 2024, jugé inéquitable.
Des tarifs douaniers considérés comme déloyaux pratiqués par l’Union européenne.
Des restrictions agricoles, dues aux nombreuses normes européennes.
Des préoccupations de sécurité nationale pour l’acier et l’aluminium, bien que l’OMC l’ait jugé non conforme.
Les taxes GAFA, appliquées ou discutées dans certains pays de l’Union.
La position de l’UE
L’UE adopte une approche légaliste :
Conformité à l’OMC : Ses contre-mesures respectent l’article XIX du GATT 1994.
Proportionnalité : Les droits ciblent 26 milliards € d’importations américaines, équivalent au préjudice subi.
Protection des consommateurs : Les produits visés (motos, tabac) minimisent l’impact sur les consommateurs européens.
Qui taxe le plus ? (Avec TVA et sales tax)
Quand on observe les droits de douane appliqués par les États-Unis à l’Union européenne et vice versa depuis 2018, on remarque que les taux américains sont en moyenne plus élevés. Les produits non agricoles subissaient, par exemple, un droit de douane de 4,6 % aux États-Unis en 2018, contre 4 % dans l’Union européenne. Les Européens, en revanche, taxaient davantage les automobiles en 2018 et à la veille du second mandat de Donald Trump, à 5,1 % en 2023 (derniers chiffres de l’OMC), contre 3,4 % aux États-Unis. Dans l’ensemble, en ne considérant que les droits de douane, les États-Unis semblent depuis 2018 imposer des taux plus élevés que les Européens. Cependant, en ajoutant la TVA pour l’Union européenne et la sales tax pour les États-Unis, le taux d’imposition global devient largement défavorable aux États-Unis.
Droits de douane plus taxes en 2018
Droits de douane plus taxes avant second mandat Trump (2023)
Si l’on regarde l’addition des droits de douane et de la TVA (ou sales tax moyenne pour les États-Unis) avant le second mandat de Trump, on remarque que les Européens taxent systématiquement plus à l’importation les produits américains. Nous avons utilisé ici le taux moyen de sales tax de tous les États américains confondus et nous avons pris la grille de TVA de la France comme grille représentative de l’Union européenne. En effet, le cumul des droits de douane et de la sales tax moyenne sur les produits non agricoles atteignait 10,5 % en 2023 aux États-Unis, là où il pouvait grimper jusqu’à 23,9 % en Europe avec la TVA. Les automobiles étaient taxées à 9,4 % aux États-Unis contre 25,1 % dans l’Union européenne.
Droits de douane plus taxes sous second mandat Trump (2025)
Les mesures de Trump récemment appliquées tendent à inverser la tendance, bien que certains domaines restent encore plus taxés par l’Union européenne. Bien évidemment, les produits comme l’aluminium et l’acier (ainsi que leurs produits dérivés) deviennent largement surtaxés par les États-Unis, avec un taux qui atteint 58,2 % en moyenne contre 22,1 % dans l’Union européenne. Cependant, les produits non agricoles sont toujours plus taxés par les Européens (23,9 %). En réponse, une liste de produits a été surtaxée par l’Union européenne afin de faire face à l’impact économique de la politique protectionniste de D. Trump, à hauteur de 52,4 % au maximum. Cependant, les surtaxes de Trump s’appliquent à presque tous les produits européens importés, alors que la liste de l’Union européenne ne comprend qu’environ 1 680 produits importés.
Droits de douane plus taxes au 1er août 2025
Le 10 février 2025, le président Trump a signé un décret présidentiel instaurant une surtaxe de 25 % sur les importations d’acier et d’aluminium en provenance d’un grand nombre de pays, dont l’Union européenne, avec une entrée en vigueur fixée au 12 mars 2025.
Au 1er août 2025, le droit de douane supplémentaire de 10 % sur les importations européennes pourrait passer à 30 % si Trump met à exécution sa récente menace. Les produits non agricoles seraient donc taxés à environ 40,5 % aux États-Unis. Sur tous les plans, c’est-à-dire vis-à-vis des taux et du nombre de produits affectés, les États-Unis deviendraient les plus agressifs. À l’heure actuelle, seuls les produits non agricoles en général sont moins taxés aux États-Unis que dans l’Union européenne.
Le cas britanniqueLes États-Unis et le Royaume-Uni ont, parallèlement, débuté des négociations afin d’alléger les effets des droits de douane sur les économies des deux pays. En effet, le Royaume-Uni post-Brexit a les mains libres pour entamer des négociations avec les Américains et est perçu par l’administration Trump comme un des pays ne faisant pas partie des « pires contrevenants » et dont les intérêts sont alignés avec les États-Unis. De ce fait, dès les premières mesures protectionnistes de Trump, le Royaume-Uni se voyait beaucoup moins attaqué que l’Union européenne. Ainsi, le 8 mai 2025, les deux pays ont entamé la mise en place d’un accord bilatéral (l’Economic Prosperity Deal) visant à réduire l’impact des droits de douane sur les industries britanniques. Britanniques et Américains ont convenu de réduire les droits de douane : le Royaume-Uni supprime les droits sur 14 000 tonnes de bœuf américain et 1,4 milliard de litres d’éthanol, tandis que les États-Unis réduisent les droits de 25 % à 10 % sur 100 000 voitures britanniques et leurs pièces, éliminent les droits de 25 % sur l’acier et l’aluminium britanniques (remplacés par des quotas NPF, sous couvert que le Royaume-Uni suive parfaitement la chaîne d’approvisionnement des exportations des États-Unis), et envisagent des exemptions pour les produits pharmaceutiques, sous conditions de sécurité des chaînes d’approvisionnement. Les deux pays s’engagent à respecter les normes sanitaires et phytosanitaires (SPS), à reconnaître les organismes d’évaluation de la conformité et à négocier des règles pour le commerce numérique, malgré le maintien de la taxe britannique sur les services numériques. Les droits sur les composants aérospatiaux britanniques seront également levés. Droits de douane plus taxes Royaume-Uni - États-Unis après l’Economic Prosperity Deal![]() |
Conclusion
Les dernières mesures de l’administration Trump en termes de droits de douane, fortement critiquées et pointées du doigt comme injustifiées, prennent plus de sens quand on y ajoute la TVA européenne. Les États-Unis, n’ayant jamais intégré le principe de TVA, lui préférant des sales tax fixées par les États, s’estiment victimes d’une concurrence déloyale face aux Européens. Avant le lancement de la politique protectionniste de Trump, l’addition des droits de douane et de la TVA mettait effectivement les États-Unis dans une situation défavorable. Cependant, les mesures successives de l’administration Trump n’ont pas égalisé l’écart, mais tendent davantage à inverser la tendance. Devant l’ampleur des prochaines hausses de droits de douane de 30 % sur les importations européennes, l’Union européenne se doit de trouver un moyen d’entamer des négociations dans la lignée de ce que les Britanniques ont réussi à négocier, bien que la tâche s’avère plus fastidieuse à 27 plutôt que seule. Les réponses de l’UE restent proportionnées aux dommages subis par les Américains et entrent dans la légalité des accords du GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce). Les États-Unis imposent des taxes plus lourdes, l’UE adopte une position plus légaliste.
http://mercatus.org/research/policy-briefs/removing-barriers-us-uk-agricultural-trade